Lorsqu'un enseignant en est à ses débuts dans une classe branchée, les problèmes qui peuvent survenir sont souvent vécus par la personne concernée comme si elle était la première à vivre une telle expérience. C'est par les échanges entre enseignantes et enseignants qu'il est possible de découvrir que nos craintes sont comprises et souvent vécues par chacun. Dans notre cas, l'enseignante avait remarqué combien le portable captait l'attention des élèves lorsque celle-ci parlait. Une enseignante interrogée dans le cadre du programme ACOT explique aussi dans ses mots la relation qui existe entre l'élève et son portable: " Les élèves pensent que, juste parce que l'ordinateur est là, ils sont forcés de remuer leurs petites mains sur le clavier [ ] Ils s'assoient devant l'ordinateur et ils ne peuvent faire autrement que d'ouvrir tout ce qu'il leur est possible d'ouvrir. " (1) On constate donc que l'attraction des élèves envers le portable n'est pas unique à notre classe. Les expériences vécues par les enseignants des classes ACOT (2) montrent à quel point il est important d'harmoniser les méthodes de gestion et les stratégies d'enseignement. Wang, Haertel et Walberg (1993) mentionnent que les enseignants qui seront incapables de gérer et d'organiser une classe informatisée seront condamnés aux pires difficultés, et ce, pour la simple raison qu'ils ne parviendront pas à maintenir les élèves sur les rails du processus d'apprentissage. Toutefois, n'oublions pas que l'organisation d'une classe branchée ne pourra assurer le succès d'un enseignant si celui-ci néglige la présence continuelle de situations signifiantes d'apprentissage pour les élèves. Ainsi en ce qui nous concerne, il revient donc à juste titre de se questionner sur ce que nous attendons lorsque nous parlons de " gestion d'une classe branchée " ou dans le cas présent de " gestion du portable". De prime abord, selon Moos une classe bien gérée est une classe dans laquelle les relations entre les partenaires sont empreintes de confiance et de respect, et dans laquelle il règne une atmosphère de participation et de coopération; il s'agit aussi d'une classe caractérisée par un fort engagement de la part des élèves et par des démarches pédagogiques innovatrices de l'enseignant; enfin, c'est une classe qui est bien organisée, dont les règles sont claires (3). Il faudrait donc que les élèves de notre enseignante considèrent la fermeture de leur portable comme étant une règle à respecter lorsque l'enseignante demande le droit de parole. Toutefois, le respect de cette règle passe inévitablement par la participation des élèves. Ainsi, selon Zabel et Zabel (1996), le processus d'établissement des règles est aussi important que les règles elles-mêmes (4). Des discussions sur la logique de certains règlements devraient donc être mises en place en début d'année afin que les élèves puissent avoir la chance de s'exprimer et de comprendre la pertinence de chacune des règles. Pour Jones et Jones (1995), prendre le temps d'expliquer les raisons sous-jacentes aux règles a pour effet de réduire la tendance des élèves à éprouver l'enseignant (5). Ainsi, dans le cas qui nous concerne, nous savons que l'enseignante n'a jamais réellement parlé aux élèves des raisons qui la poussaient à demander qu'ils ferment leur portable. Quelques minutes d'introspection permettront sûrement aux élèves de comprendre combien il est vexant de regarder la télévision lorsqu'un ami nous parle ou encore, de parler tout en mangeant! Par analogie, l'enseignante pourra justifier le respect qu'elle attend des élèves lorsqu'elle leur parle tout en ajoutant que la mise en place de quelques minutes d'exposé se veut signifiante à l'apprentissage des élèves et non, superflue. Dans le domaine des savoirs et des savoir-faire, on ne bâtit jamais sur rien; on part toujours de ce que l'on connaît pour élargir, préciser, restructurer, grâce à une remise en cause permanente des limites des " savoirs personnels " (6) . De façon similaire, les savoir-être des élèves en classe se doivent donc d'être construits, remis en question et acceptés par les élèves. Ensuite, une fois que ces règles sont connues et acceptées, Burden (1995) mentionne que l'enseignant a aussi comme devoir de déterminer les récompenses et les pénalités reliées aux règles. En effet, planifier des conséquences à l'avance lui permet alors de mieux les communiquer aux élèves de façon consistante (7). Ce qui est particulier dans le cas d'une classe branchée, c'est que les règlements ne sont pas encore clairement édifiés et par conséquent, les sanctions se rapportent rarement à l'échelle de l'école. De fait, la lecture des règlements de l'école du présent cas étudié ne fait nullement mention d'une sanction ayant trait au non-respect de la fermeture du portable lors de la demande de l'enseignant. Une discussion portant sur la perte de temps relative à la fermeture du portable pourrait alors être une raison justifiant le fait de donner une retenue aux élèves qui ne respectent pas le règlement. Bien entendu, il ne s'agit là que d'une suggestion et elle ne pourrait à elle seule se porter garante de l'approbation des élèves. N'oublions pas que la forte complicité qui existe entre les membres d'une classe branchée peut à elle seule déclencher une multitude d'arguments allant à l'encontre de la mise en place d'une telle sanction. C'est pourquoi il est primordial d'instaurer un règlement pour l'élève, en se centrant sur l'élève et surtout, en l'élaborant avec l'élève. Tout en lui accordant ses droits, l'élève se doit d'être très conscient de ses devoirs. L'analyse de notre cas permet de soulever un autre point qui, même si une sanction existe, mérite d'être abordé c'est-à-dire le début d'un cours. De fait, le cas étudié laissait transparaître la difficulté de fermer le portable en début de cours. Bien que la sanction puisse toujours être utilisée, plusieurs enseignants redouteront son utilisation lors des premières minutes d'une période. Ainsi, comme le propose Legault, en ce qui a trait à l'attente du silence avant de donner les directives (8), la fermeture du portable jointe à l'obtention du silence devrait être de mise. Il est fort probable que les élèves " testeront " l'enseignant dans les premiers temps, mais le succès de cette méthode consiste à attendre tout en ne modifiant pas l'horaire prévu. Lorsque les élèves auront compris qu'ils sont les seuls responsables de leur manque de temps pour terminer une activité ou un projet, ils sauront sûrement régler le problème d'eux-mêmes. Transcendant tous ces éléments portant sur la gestion de la classe, quelques mots sur le type d'enseignant qu'un futur maître désire être méritent d'être abordés. En effet, en tant que stagiaire, que l'on ose le dire ou non, la peur de déplaire auprès des élèves est souvent fort présente. Dans son modèle, Dreikurs (9) a identifié 3 types d'enseignants dont l'enseignant démocratique qui, sans être un modèle à idolâtrer, offre de bonnes balises permettant de se définir dans son rôle de futur enseignant. Ainsi, les enseignants démocratiques dirigent et guident les élèves en établissant des règlements et des conséquences. Ils favorisent la motivation intrinsèque. Ils maintiennent l'ordre et, en même temps, permettent aux élèves de participer aux prises de décisions. Ils enseignent que la liberté est liée à la responsabilité. Ces types d'enseignants permettent donc aux élèves d'être libres de choisir leur propre comportement, tout en sachant qu'ils subiront les conséquences s'ils désirent mal se comporter. En terminant, mentionnons que contrairement aux approches traditionnelles, la démarche constructiviste place l'apprentissage entre les mains des élèves. Dans ce type d'approche, la difficulté réside parfois dans la détermination du degré d'autonomie accordé à l'élève. L'arrivée des classes branchées offre de fabuleuses occasions aux élèves et aux enseignants d'explorer, de s'exercer concrètement et de réfléchir sur le monde. Dans cette même optique, l'enseignant ne doit pas craindre d'impliquer l'élève dans la résolution de problèmes de l'ordre de la gestion de la classe, et c'est par la coopération enseignant-élèves sur tous les plans de l'enseignement que la classe branchée atteindra son plein potentiel ! (1) La classe branchée, p.59 (2) La classe branchée, p. 75 (3) Recueil Gestion de classe I, Legault, Frédéric, Introduction, Hiver 1999 (4) Recueil Gestion de classe I, Legault, Frédéric, Hiver 1999, p.9 (5) Recueil Gestion de classe I, Legault, Frédéric, Hiver 1999, p.8 (6) " Métacognition, interactions entre élèves, création collective d'outils :quelques passerelles vers la pédagogie de demain ", Lacelot, Claude, Vie pédagogique110, février-mars 1999 (7) Recueil Gestion de classe I , Legault, Frédéric, Hiver 1999, p.9 (8) Recueil Gestion de classe I , Legault, Frédéric, Hiver 1999, p. 23 (9) Recueil Gestion de classe I , Legault, Frédéric, Hiver 1999, p.86 |