Table des matières  
Introduction  
Chapitre 1 L'ATTITUDE OU LE COMPORTEMENT DE L'ÉLÈVE, SEUL OU EN GROUPE 
Chapitre 1.1  La motivation à apprendre
Chapitre 1.2  La persévérance dans la maîtrise d'un apprentissage
Chapitre 1.3  La disposition à collaborer avec d'autres élèves
Chapitre 1.4  Les apprentissages comme tels
Au total  
Chapitre 2 CARACTÉRISTIQUES RELIÉES AUX CONTENUS DE FORMATION 
Chapitre 2.1  La diversité des sources d'information
Chapitre 2.2  La relation avec le réel
Chapitre 2.3  Une gamme de stratégies pédagogiques
Au total  
Chapitre 3 LES FONCTIONS DE L'ENSEIGNANT ET DE L'ENSEIGNANTE 
Chapitre 3.1  L'enseignant comme médiateur
Chapitre 3.2  L'enseignant comme guide
Chapitre 3.3  L'enseignant comme responsable de l'évaluation de l'apprentissage des élèves
Au total  
Chapitre 4 L'ENVIRONNEMENT GLOBAL
Conclusion  
Références  
Introduction
LA DÉLIMITATION DU SUJET            Ce texte porte sur les potentialités qu'offre, à des fins éducatives, l'utilisation de l'ordinateur branché en réseau, ainsi que sur les conditions qui sont de nature à rendre optimale cette utilisation. Il recouvre comme champ d'application l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire, et considère l'activité propre de l'enseignant ou de l'enseignante et l'apprentissage de l'élève comme formant un tout indissociable.
           Ce texte se définit également par son caractère synthétique. Ce qu'il présente sur les potentialités de l'ordinateur branché en réseau et les conditions requises à leur déploiement, c'est essentiellement un condensé de conclusions significatives sur le sujet qui ressortent de trois études ayant une forte teneur documentaire (voir Réginald Grégoire inc., Bracewell et Laferrière, 1996, Bracewell et al., 1998 et Laferrière, 1999). Toutefois, sur l'un ou l'autre point, il s'inspire également d'un guide sur l'approche par projet avec l'ordinateur en réseau (voir Réginald Grégoire inc. et Thérèse Laferrière, 1999) et, à l'occasion, de textes tout à fait récents (voir, par exemple, Thorpe, 1999).

           Les enseignants et les enseignantes en formation continue à qui est destiné en priorité ce condensé y trouveront, pour orienter leur approfondissement du sujet traité et guider leur action professionnelle, une information de base et des points de repère tirés de documents sélectionnés à partir de critères précis et exigeants.
LA PORTÉE DES CONCLUSIONS RETENUES            Les écoles et les classes qui possèdent des ordinateurs reliés à un réseau intranet ou au réseau Internet sont chaque jour plus nombreuses. En outre, un nombre croissant d'enseignants, d'enseignantes et d'élèves sont branchés sur de tels réseaux à partir de leur domicile, ou même d'un peu partout en utilisant un ordinateur portatif. Dans les milieux de l'éducation, le pouvoir d'attraction de l'ordinateur en réseau ne fait guère de doute. Ce qui nous intéresse ici, c'est d'abord son pouvoir de transformation en classe. De fait, celui-ci figure parmi les thèmes importants du discours sur l'éducation de la fin des années 1990. Beaucoup d'expériences, de témoignages, d'évaluations et d'études démontrent l'intérêt qu'on lui porte, comme on peut le constater en se reportant aux références déjà signalées.
           Même si, dans son ensemble, cette documentation favorise une utilisation plus intensive de l'ordinateur en réseau, c'est sans doute en abordant avec un esprit en état de veille les conclusions résumées dans les pages qui suivent que l'on pourra en retirer le plus de profit. En plus du fait que, par définition, le présent texte doit être reçu comme une invitation à une analyse et à une réflexion personnelles, soutenues et stimulées autant que possible par un travail en équipe entre enseignants (dans la suite du texte, le terme «enseignant» réfère autant à une enseignante qu'à un enseignant), les principales raisons qui incitent à privilégier ce mode d'accueil sont les suivantes :
  a) L'ordinateur branché en réseau est une réalité largement accessible depuis seulement quelques années et, encore aujourd'hui, son utilisation à des fins éducatives demeure peu fréquente et ne porte, le plus souvent, que sur des activités de formation peu complexes. En conséquence, un bon nombre des potentialités sur lesquelles ce texte attire l'attention doivent être considérées davantage comme des pistes en voie d'exploration que comme des conclusions fermes.
  b) On doit faire la part des effets dus au fait lui-même de l'introduction d'une approche aussi inédite que l'utilisation en classe de l'ordinateur en réseau et au halo que provoque quasi inévitablement toute nouveauté de cet ordre. On posera donc comme hypothèse que les potentialités réelles de cette approche doivent se manifester au-delà de ces effets et que, à moyen terme, elles ne deviendront et demeureront actives que si l'on crée les conditions appropriées.
  c) Les résultats ou conclusions dont il sera fait état ci-après (en relation, par exemple, avec l'apprentissage en collaboration, la relation de cet apprentissage avec le réel ou la transformation des fonctions du personnel enseignant) s'insèrent dans une réalité très complexe. C'est pourquoi il faut prendre garde d'attribuer à un facteur auquel on accorde une attention particulière plus d'influence qu'il n'en a vraiment. Souvent, d'ailleurs, c'est plutôt en observant de quelle manière un tel facteur entre en combinaison avec d'autres que l'on saisira le plus clairement la nature et l'étendue de son influence.
             En bref, on peut affirmer que les conclusions retenues dans les pages qui suivent sur les potentialités de l'ordinateur en réseau s'appuient sur une documentation solide, mais qu'elles demeurent quand même davantage des points de départ que des points d'arrivée. 
LE PLAN ET SA JUSTIFICATION            Une vue devenue classique ramène à trois les composantes de base qui structurent la pédagogie la plus répandue dans les classes de l'enseignement primaire et de l'enseignement secondaire, soit : un élève ou, plus habituellement, plusieurs élèves regroupés dans une classe; des contenus de formation ou objets d'apprentissage et un enseignant ou une enseignante. On parle alors de "triangle pédagogique" ou "didactico-pédagogique". Selon les courants de pensée, les approches pédagogiques, les systèmes scolaires ou d'autres circonstances, on module différemment ces composantes (par exemple, en mettant l'accent sur la relation entre l'élève et les contenus à maîtriser plutôt que sur la responsabilité de l'enseignant de transmettre un savoir), mais les axes fondamentaux demeurent sensiblement les mêmes.
           Qu'arrive-t-il si, au coeur de la classe, on introduit l'ordinateur branché en réseau et si, en utilisant les logiciels, la pédagogie et les autres moyens pertinents, on s'applique à exploiter systématiquement ses potentialités? Plus spécifiquement, si on considère l'ordinateur en réseau comme s'il s'agissait d'une variable indépendante, de quelle manière et jusqu'à quel point l'attitude ou le comportement de l'élève (ou de la classe), les caractéristiques des contenus de formation et les fonctions de l'enseignant sont-ils modifiés? En outre, il convient de se demander si cette introduction change quelque chose à ce qui est de plus en plus fréquemment considéré comme une quatrième composante déterminante de la situation éducative, soit le contexte ou l'environnement plus global, scolaire ou extrascolaire, à l'intérieur duquel s'inscrivent les trois premières composantes mentionnées.
           Ce sont ces composantes (l'élève, les contenus de formation et l'enseignant, ainsi que l'environnement dont il vient d'être question) qui serviront de cadre à l'examen des potentialités de l'ordinateur en réseau et des conditions que requiert leur déploiement.
1. L'ATTITUDE OU LE COMPORTEMENT DE L'ÉLÈVE, SEUL OU EN GROUPE
  L'utilisation de l'ordinateur en réseau peut exercer une influence sur l'attitude ou le comportement de l'élève, notamment sur sa motivation à apprendre, sa persévérance dans la maîtrise d'un apprentissage, sa disposition à collaborer avec d'autres élèves et, au bout du compte, sur l'étendue et la qualité de ses apprentissages.
1.1 LA MOTIVATION À APPRENDRE
             Dans de nombreux cas, l'utilisation de l'ordinateur en réseau accroît la motivation à apprendre d'élèves plus faibles, plutôt introvertis ou qui entretiennent des relations difficiles avec leur enseignant ou avec les autres élèves; l'ordinateur est alors considéré comme moins menaçant ou plus "accueillant". C'est cependant avec une proportion beaucoup plus élevée d'élèves que l'ordinateur en réseau exerce une influence positive sur leur motivation à apprendre. Le principal point d'appui de cette influence est, semble-t-il, outre l'attrait qu'exerce par lui-même le média, le type de relation individualisée entre l'élève et la connaissance que crée ce mode d'utilisation de l'ordinateur. Cette individualisation interactive peut permettre à l'élève (ou tout aussi bien à un groupe d'élèves) d'avancer davantage à son rythme; d'adapter les chemins empruntés à ses capacités du moment; d'envisager une question sous plusieurs angles, compte tenu de ses intérêts; d'oser prendre plus d'initiative; de confronter ses réponses ou ses perceptions avec des données provenant de sources fiables et, dans certains cas, avec le réel lui-même et d'obtenir un complément d'information au moment où il est le plus prêt à le recevoir.

           Utilisé dans de bonnes conditions et avec des logiciels appropriés, l'ordinateur en réseau a donc pour effet de maintenir la curiosité intellectuelle de l'élève en éveil et de le rendre plus confiant dans sa capacité d'apprendre. Le fait que ce qu'il produit, seul ou à l'intérieur d'un groupe, soit diffusé sur un réseau électronique et soit susceptible d'intéresser d'autres personnes accroît cette confiance et, par voie de conséquence, sa motivation. Celle-ci peut aussi être stimulée par la diversité des personnes et des contenus avec lesquels l'ordinateur en réseau permet d'établir un contact. Ce dernier point sera repris plus longuement sous l'angle des contenus en tant que tels dans la section 2.

           On note que plusieurs des éléments dégagés dans les deux paragraphes ci-dessus vont sensiblement dans le même sens que de nombreux résultats de recherche, ou implications de ces résultats, sur la cognition, l'élaboration d'un savoir ancré dans le réel, l'apprentissage en collaboration et la construction de son savoir par l'élève lui-même. Dans la suite du texte, on constatera que la plupart de ces éléments, sinon tous, réapparaissent sous une forme ou sous une autre et qu'il s'en ajoute qui vont également dans le même sens.
1.2 LA PERSÉVÉRANCE DANS LA MAÎTRISE D'UN APPRENTISSAGE
             La motivation à apprendre dispose à l'étude d'une pièce musicale, d'une notion de biologie, d'un événement historique ou d'un problème de mathématique, mais l'apprentissage lui-même ne se produira que si un temps suffisant est consacré à l'appropriation de ce qui fait l'objet de l'apprentissage. Tout apprentissage significatif est un processus qui exige une perception ou une appréhension par divers points d'entrée et, habituellement, des retours ou des exercices répétés. La persévérance fait souvent la différence entre un apprentissage superficiel et un apprentissage maîtrisé et durable.
           Or, on a constaté que les élèves qui travaillaient avec des ordinateurs en réseau avaient tendance à soigner davantage la présentation d'une composition ou d'un rapport d'activité, à pousser plus loin l'étude d'un sujet, seuls ou avec d'autres, à poursuivre plus fréquemment de tels travaux en dehors du temps d'enseignement en classe et à souhaiter un allongement des périodes d'enseignement.
           Parmi les facteurs qui semblent expliquer cette persévérance, signalons la possibilité que donne l'ordinateur en réseau d'envisager rapidement un sujet de plusieurs points de vue et avec moins d'effort qu'en consultant les documents écrits habituels, le caractère dynamique de l'information disponible, l'esprit de recherche qui anime le groupe de travail ou la classe lorsque l'ordinateur en réseau fait partie des outils de travail réguliers et, dans certaines circonstances, la perspective que certains des travaux produits puissent intéresser les élèves d'une autre classe ou d'autres personnes.
1.3 LA DISPOSITION À COLLABORER AVEC D'AUTRES ÉLÈVES
             L'ordinateur branché en réseau fournit une infrastructure favorable à une collaboration avec d'autres élèves de la même classe, mais aussi d'autres classes, proches ou lointaines. Il en est plus particulièrement ainsi lorsque ses atouts, notamment l'accès rapide à des sources d'information variées situées un peu partout dans le monde, servent à la réalisation de projets complexes et d'une certaine durée. Un bon nombre d'études et d'expériences montrent que ces projets suscitent l'intérêt d'une forte proportion des élèves en même temps qu'ils offrent à chacun d'entre eux la possibilité d'éprouver ses talents. Les multiples occasions d'interaction et de dialogue que ce contexte de travail présente aux élèves à l'intérieur de leur classe et avec d'autres classes rend possible à la fois un apprentissage en collaboration et une oeuvre collective.
           Envisagée plus globalement, la situation éducative ainsi créée peut contribuer à une évolution progressive de la classe elle-même d'une structure où règne la compétition à une structure où domine la coopération.
1.4 LES APPRENTISSAGES COMME TELS
             Plusieurs études démontrent que, dans les classes où l'on utilise fréquemment l'ordinateur en réseau, les élèves apprennent plus rapidement ou maîtrisent mieux ce qu'ils ont appris. En outre, ils ont effectué un apprentissage devenu essentiel aujourd'hui, soit la capacité de tirer parti à des fins de formation des potentialités de l'ordinateur, des sources d'information auxquelles il donne accès et des technologies qui lui sont reliées.
           Ces apprentissages concernent aussi bien le contenu des matières elles-mêmes dont l'enseignement est prévu que les habiletés intellectuelles, sociales ou autres dont la maîtrise est jugée nécessaire. On note que, jusqu'ici, les expériences décrites dans la documentation repérée portent plus souvent sur les sciences, les mathématiques et la rédaction que sur l'histoire, la géographie ou les arts. Toutefois, lorsque des évaluations sont publiées sur ces dernières matières, elles semblent tout aussi positives.
           Quant aux habiletés dont il est le plus fréquemment question, mentionnons la capacité de raisonner, de poser et de résoudre des problèmes, de travailler avec d'autres personnes, d'effectuer de nouvelles connexions entre des informations ou des idées et d'utiliser des stratégies intellectuelles plus complexes que dans une classe ordinaire.
Au total
             Dans une classe où l'on a intégré l'ordinateur en réseau, on s'est donné un moyen concret et efficace pour faciliter la participation de chaque élève à son propre apprentissage et en faire ainsi un apprenant ou une apprenante pour la vie. Ce moyen est aussi de nature à rendre l'élève plus conscient de la manière dont le savoir se construit, du rôle que jouent les autres élèves, les enseignants et de nombreuses autres personnes dans la voie qui mène à l'appropriation personnelle des connaissances et des habiletés déjà acquises par l'humanité et, dans ce large contexte, de son propre pouvoir créateur.
2. CARACTÉRISTIQUES RELIÉES AUX CONTENUS DE FORMATION
  L'accès à des sources d'information diversifiées, les mises en relation avec le réel et la gamme étendue des stratégies pédagogiques que l'utilisation de l'ordinateur en réseau rend possibles constituent autant d'étais favorables à une réelle maîtrise des contenus déterminés par les autorités scolaires.
2.1 LA DIVERSITÉ DES SOURCES D'INFORMATION
             Dans une classe où on utilise l'ordinateur en réseau, les élèves communiquent avec des classes, des bibliothèques, des musées, des entreprises, des services publics et d'autres associations, institutions ou centres situés sous toutes les latitudes. Ils puisent de l'information ou consultent des experts sur leur site ou échangent des expériences ou des opinions avec eux. Déjà, dans certaines écoles, le travail à partir de ces sources occupe autant de place que le travail avec les documents imprimés habituels.
           Ce ne sont pas seulement les sources d'information elles-mêmes qui sont de plus en plus diversifiées. C'est aussi le cas de leur langage; on y trouve en effet des textes écrits traditionnels, mais aussi des graphiques, des photos et des documents sonores, visuels, audiovisuels et multimédias.

           Enfin, cette diversité se manifeste à travers les catégories de contenus auxquelles ces sources donnent accès. On y trouve aussi bien des instruments proprement pédagogiques que des données statistiques, des rapports de tous genres, des articles de journaux ou de revues, des reproductions de documents originaux de grande valeur, des témoignages et des synthèses sur un sujet ou un personnage; en fait, dans un proche avenir, presque toutes les catégories de contenus sont susceptibles de se retrouver sur le réseau Internet.
           Cette diversité soulève maints problèmes quant à la validité de ces contenus et à la pertinence de certains d'entre eux en classe, mais, si on considère l'ensemble de cette documentation sous l'angle des potentialités de l'ordinateur en réseau, les études citées au début de ce texte permettent de retenir plus particulièrement les deux pistes suivantes :
  ï L'utilisation en classe de l'ordinateur en réseau facilite le passage d'un apprentissage souvent centré sur un savoir cloisonné et fini vers un apprentissage fait de multiples connexions entre thèmes, sujets et disciplines et qui se caractérise par son ouverture. Un tel apprentissage n'est pas seulement mieux informé et plus substantiel; il constitue aussi une préparation plus adéquate à une vie adulte où l'apprentissage devra être continu et aura comme cadre les lieux les plus divers.
  ï L'utilisation de l'ordinateur en réseau favorise une participation active de l'élève aux diverses étapes qui conduisent à la maîtrise d'un apprentissage (recherche d'informations, sélection des informations pertinentes, organisation appropriée de ces informations, etc.). Elle rend également possible l'association de plusieurs classes en vue de la réalisation d'une véritable démarche scientifique (par exemple, sur les habitudes télévisuelles des jeunes de divers pays ou sur la pollution de l'air dans quelques grandes villes du monde). L'élève construit ainsi avec d'autres un savoir dont il connaît les tenants et les aboutissants et qui lui est propre tout en ayant aussi un sens, voire une utilité, pour d'autres.
2.2 LA RELATION AVEC LE RÉEL
             L'ordinateur en réseau recèle le pouvoir de multiplier les données sur le réel auxquelles l'élève peut avoir accès. Ce réel peut être physique ou social, tout près ou à distance, présent ou passé. Les capacités technologiques de l'ordinateur en réseau fournissent aussi aux élèves d'une classe ou de sous-groupes d'une classe un moyen puissant pour vérifier dans quelle mesure ce réel présenté sous la forme de descriptions, de statistiques, d'images ou autrement est vraiment fidèle à ce qui existe ou a existé. À l'aide de ce moyen, une classe peut également s'interroger sur ce réel d'un point de vue scientifique, historique, artistique, culturel ou autre et confronter diverses sources. En bref, ces diverses potentialités permettent aux élèves, individuellement et comme communauté d'apprenants et d'apprenantes en devenir, de découvrir le monde dans sa réalité naturelle ou physique et sociale en se situant pour ainsi dire en lui.
           Ce contexte appelle de lui-même des jonctions entre les disciplines et les champs d'études et la coopération simultanée de plus d'une habileté intellectuelle. C'est toute la personne qu'il engage dans un processus de découverte selon une perspective qui ouvre sur l'ensemble du réel. Ce contexte favorise également un apprentissage qui se distingue par  son 

authenticité et qui, aussi bien dans ce qu'il est que dans la manière dont il est acquis, a un caractère social.
           Enfin, il convient de souligner que ces attitudes de curiosité, d'interrogation et de réceptivité face au réel sont à la base d'une capacité d'apprendre tout au long de la vie.
2.3 UNE GAMME DE STRATÉGIES PÉDAGOGIQUES
             La multiplicité des sources d'information et des liens avec le réel que facilite l'utilisation de l'ordinateur en réseau influence de plusieurs manières, comme on vient de le voir, la compréhension des contenus de la formation que peut atteindre un élève lorsque cette utilisation est appropriée et d'une certaine ampleur. En troisième lieu, l'ordinateur en réseau est également en mesure de multiplier les stratégies pédagogiques (au sens large du terme) auxquelles on peut faire appel pour en arriver à une maîtrise de ces mêmes contenus de formation.
           Il appert que, globalement, ces stratégies pédagogiques ont la capacité de contribuer de façon significative et dans un temps relativement court à rendre plus compréhensible (ou plus transparente) la compréhension que l'on peut avoir des objets d'études les plus diversifiés. Ainsi, avec l'ordinateur en réseau, on peut, habituellement de manière beaucoup plus satisfaisante qu'avec un ordinateur non relié à un réseau, faciliter l'analyse et la restructuration d'un contenu; programmer l'apprentissage de ce contenu; simuler des phénomènes ou des comportements qui lui sont reliés; en produire une vue schématique ou graphique; l'illustrer à l'aide de sons ou d'images, fixes ou en mouvement; en bref, en présenter la plupart des aspects selon des approches et dans des langages adaptés aux personnes et appropriés aux objets d'étude.
           Une telle gamme de stratégies pédagogiques permet une adaptation des contenus de la formation aux rythmes d'apprentissage individuels ou de groupe et à différents modes d'appréhension, mais aussi la réalisation de démarches d'apprentissage qui font revivre certains événements historiques ou reproduisent celles qu'effectuent les chercheurs au regard des mêmes contenus. Parce qu'elles s'avèrent aptes à susciter une telle assimilation personnelle des apprentissages prévus par une plus forte proportion d'élèves qu'une classe ordinaire, ces stratégies démontrent que l'on peut apprendre à penser à une proportion nettement plus élevée d'élèves que ce n'est le cas actuellement et, peut-être même, que l'on peut engager tous les élèves dans cette voie.
Au total
             La triple multiplication des sources d'information, des liens avec le réel et des stratégies pédagogiques que l'ordinateur en réseau rend possible permet de transformer les trop fréquents contenus scolaires prêts-à-penser en contenus dont l'apprêt dépend des élèves eux-mêmes, individuellement ou réunis en groupes autour d'objectifs d'apprentissage communs. Dans la situation éducative ainsi modifiée, les élèves apprennent à rechercher de l'information, à l'ordonner et à l'évaluer, à faire le tour d'un objet d'étude et à établir des connexions entre des éléments d'information et le réel; ils apprennent en somme à penser tout en s'appropriant de nouvelles connaissances.
3. LES FONCTIONS DE L'ENSEIGNANT ET DE L'ENSEIGNANTE
  L'utilisation de l'ordinateur en réseau a le pouvoir d'infléchir les fonctions de l'enseignant à l'intérieur de la classe de telle manière qu'il devient, pour l'essentiel, un médiateur, un guide et un responsable de l'évaluation de l'apprentissage des élèves.
3.1 L'ENSEIGNANT COMME MÉDIATEUR
             En tant que médiateur, l'enseignant a la responsabilité de prendre les moyens pour que s'établisse une relation féconde entre l'élève et le savoir ou les objets d'apprentissage dont l'institution scolaire a prévu la maîtrise. C'est donc à lui que revient la fonction de choisir les approches pédagogiques, de planifier les activités et d'appliquer les stratégies qui sont les plus aptes à faciliter cette mise en relation par chaque élève.
           L'utilisation de l'ordinateur en réseau élargit l'assise de cette fonction et modifie la façon dont elle est assumée. Elle en élargit le champ sous la pression de la quantité et de la diversité des sources d'information auxquelles les élèves ont directement accès et à cause de l'attention particulière que l'enseignant doit accorder à l'évaluation de la pertinence, de la qualité pédagogique, de la rigueur et du respect de certaines exigences sociales et éthiques du contenu de ces sources. Par ailleurs, l'utilisation en classe de l'ordinateur branché en réseau modifie la fonction de médiation de l'enseignant, d'une part en réduisant le temps qu'il doit consacrer à l'exposé de connaissances et, d'autre part, en l'amenant à planifier et à superviser le développement d'activités d'apprentissage souvent plus complexes.
           Cette transformation a pour effet de consolider la dimension professionnelle de l'activité de l'enseignant, mais, en contrepartie, elle implique de sa part une capacité d'apprendre constamment, et ce aussi bien dans les champs d'études avec lesquels il est le plus familier que dans d'autres.
3.2 L'ENSEIGNANT COMME GUIDE
             L'enseignant a pour fonction de rendre le savoir accessible à chaque élève, mais aussi celle de l'aider à l'accueillir et à le faire sien. Durant ce long cheminement pendant lequel l'élève apprend de façon intensive à développer et à utiliser les capacités de son intelligence, à se situer concrètement dans une société et dans l'histoire de l'humanité et à se donner une première compréhension personnelle du monde, il est du devoir de l'enseignant d'agir comme un guide auprès de lui ou d'elle. Cela signifie notamment qu'il soutient l'élève par ses conseils, ses encouragements, ses exigences et son exemple. Plusieurs études parlent, dans un sens proche, de «coach», de «mentor» ou de «modèle».
           L'avènement dans la classe de l'ordinateur en réseau accentue l'importance de cette fonction de guide de l'enseignant et, comme pour la fonction de médiateur, il en élargit la portée. S'il en est ainsi, c'est principalement parce que l'apprentissage de l'élève s'effectue avec des instruments de travail plus complexes que dans une classe ordinaire et que l'information rapidement disponible est beaucoup plus considérable. Ce contexte se révèle favorable à un apprentissage plus poussé et plus vrai, mais il peut aussi s'avérer très déroutant. Sans un guide, au sens donné ci-dessus à ce terme, l'élève pourra, sans même s'en rendre bien compte, chercher longtemps à partir de fausses pistes ou de méthodes de travail peu rigoureuses ou se limiter à «coller» ensemble des informations disparates ou peu sûres. Le fait d'être invité explicitement à prendre conscience d'attitudes ou de modes de fonctionnement personnels plus ou moins satisfaisants et d'être orienté au moment opportun vers des méthodes de travail plus appropriées et des contenus plus substantiels peut faire toute la différence.
           Pour remplir cette fonction, l'enseignant a plus particulièrement besoin d'une bonne connaissance des phases de développement des jeunes, de ce que signifie «apprendre», tant au plan métacognitif que cognitif, et des composantes d'une formation humaine complète.
3.3 L'ENSEIGNANT COMME RESPONSABLE DE L'ÉVALUATION DE L'APPREN- TISSAGE DES ÉLÈVES
            L'exercice même des fonctions de médiateur et de guide appelle l'évaluation continue de l'apprentissage des élèves. Pour que l'intervention de l'enseignant ou qu'une activité d'apprentissage qu'il a préparée ou prévue produise son effet, elle doit tenir compte des préconceptions et des difficultés d'apprentissage propres à l'élève visé et, plus globalement, du point où il en est dans la maîtrise d'un savoir ou d'une habileté. Ce n'est pas seulement à dates fixes, mais constamment que, à la vue de la relation qu'un élève établit avec l'un ou l'autre objet d'apprentissage, l'enseignant se pose des questions telles que : l'information sur laquelle l'élève s'appuie, en l'occurrence, est-elle solide? Les conclusions qu'il en tire sont-elles logiques? Applique-t-il son effort dans la bonne direction? A-t-il les bases requises (concepts, méthodes, persévérance, etc.) pour réussir ce qu'il a entrepris? Maîtrise-t-il vraiment telle notion ou telle partie de la matière? Ces questions peuvent également, mutatis mutandis, s'appliquer à un groupe d'élèves.

           L'utilisation de l'ordinateur en réseau ne change rien à ces questions, mais fournit à l'enseignant un moyen plus efficace pour y répondre. Comme l'ordinateur non en réseau, l'ordinateur en réseau conserve au besoin des traces des tâtonnements de l'élève. Aussi, il associe l'élève à sa propre évaluation par des questions et des tests autocorrectifs, suivis, s'il y a lieu, dans le déroulement même d'une activité d'apprentissage, d'explications complémentaires. Cependant, en outre, l'utilisation de l'ordinateur en réseau permet de vérifier rapidement la capacité d'un élève d'appliquer un élément de connaissance ou de démontrer une habileté à partir d'un choix plus étendu de situations réelles ou proches du réel et rend possible, par l'enseignant ou même directement par l'élève, la consultation d'experts ou la comparaison avec des travaux similaires effectués dans des écoles d'un autre pays. D'une manière générale, l'utilisation de l'ordinateur en réseau permet à l'enseignant de disposer de données plus précises, plus variées et plus significatives pour porter un jugement sur l'apprentissage d'un élève ou d'un groupe d'élèves et moduler son intervention.
Au total
             Parce qu'il élargit le champ des informations rapidement disponibles, change la façon dont se présente le savoir et modifie la démarche d'apprentissage que poursuit l'élève, l'utilisation de l'ordinateur en réseau transforme les fonctions de l'enseignant. Avec un groupe d'élèves rodé à l'utilisation de ce moyen d'information et de communication, l'enseignant peut réduire considérablement le temps qu'il occupe à la transmission de connaissances à tous simultanément et accroître d'autant celui qu'il consacre à la préparation d'activités d'apprentissage complexes, à des interventions individualisées ou auprès de petits groupes et à l'évaluation de l'apprentissage en cours chez les élèves dont il a la responsabilité.
4. L'ENVIRONNEMENT GLOBAL
  L'ordinateur en réseau dispose des atouts nécessaires pour modifier les trois composantes de la pédagogie la plus courante dans l'enseignement primaire ou secondaire, mais peut aussi devenir un levier qui transforme l'environnement plus large à l'intérieur duquel s'inscrit cette pédagogie.
             Selon ce qui ressort des études sur lesquelles ce texte s'appuie (voir le début de l'introduction), l'ordinateur en réseau possède les atouts nécessaires pour modifier, à l'intérieur de la classe, l'attitude et le comportement de l'élève, des caractéristiques importantes reliées aux contenus de la formation et les fonctions de l'enseignant, mais aussi pour renouveler progressivement une quatrième composante de cette situation, plus récemment mise en relief, soit l'environnement social à l'intérieur duquel se situe la classe.
           L'utilisation de l'ordinateur en réseau a la capacité de faire émerger une situation éducative centrée sur l'apprenant et son apprentissage, voire, plus précisément, sur un apprenant qui, tantôt seul, tantôt avec d'autres, prend en main son apprentissage et participe à l'élaboration d'un savoir commun. Par ailleurs, la synergie développée entre l'apprenant, les contenus de la formation et l'enseignant peut devenir un levier qui transforme le contexte ou l'environnement de cette situation éducative. Ainsi, avec une utilisation de l'ordinateur en réseau orientée dans le sens des potentialités décrites précédemment dans ce texte,
  ï le personnel administratif est amené à revoir ses normes, ses règles et ses procédures en fonction d'une vision renouvelée du rôle de l'élève et de ce en quoi consiste l'apprentissage et à entretenir avec les enseignants des rapports moins hiérarchisés, voire de type communautaire;
  ï les services aux enseignants et aux élèves reliés aux contenus de la formation, à la pédagogie et à l'évaluation de l'apprentissage s'appliquent de plus en plus clairement à soutenir l'affirmation de la nouvelle situation éducative;
  ï l'école s'ouvre aux autres institutions sociales et à l'ensemble des réalités du monde et devient le creuset par excellence d'une société où l'apprentissage (au sens le plus large du terme) devient une règle de vie et où son résultat règle la vie.
Conclusion
             Dans le titre de ce texte, on se demande si l'utilisation à des fins éducatives de l'ordinateur en réseau constituera un point tournant pour l'enseignement et l'apprentissage. Au moment de conclure, on constate que les potentialités de l'ordinateur en réseau sont impressionnantes et de nature à influencer profondément l'ensemble de la situation éducative propre à l'école, mais on note aussi que ces potentialités ne se déploient pas comme éclosent les fleurs leur saison venue. Plusieurs conditions sont nécessaires, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du système scolaire, et il semble bien qu'elles ne sont pas encore réunies en beaucoup d'endroits.
           L'introduction invite les enseignants et les enseignantes, à qui s'adresse d'abord ce texte, à une analyse et à une réflexion sur son contenu. C'est même comme support à une telle utilisation qu'il a été rédigé, les références indiquées permettant par ailleurs d'alimenter selon les besoins cette analyse et cette réflexion. Une telle démarche est lourde de conséquences, car il y a de bonnes raisons de croire que l'attitude qu'adopteront les enseignants et les enseignantes sera déterminante quant à la réponse concrète qui sera donnée à la question posée au début de ce texte.
Références
 

BRACEWELL, ROBERT ET AL. (1998) The emerging contribution of online resources and tools to classroom learning and teaching. Ottawa, Canada : SchoolNet/Rescol. 

LAFERRIÈRE, THÉRÈSE (1999). Pedagogical benefits of information and communication technologies. Ottawa, Canada : SchoolNet/Rescol.

RÉGINALD GRÉGOIRE INC., ROBERT BRACEWELL ET THÉRÈSE LAFERRIÈRE (1996). L'apport des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) à l'apprentissage des élèves du primaire et du secondaire. Revue documentaire. Ottawa, Canada : Rescol/SchoolNet. Le titre de la version anglaise est : The Contribution of New Technologies to Learning and Teaching in Elementary and Secondary Schools. Documentary Review.

RÉGINALD GRÉGOIRE INC. ET THÉRÈSE LAFERRIÈRE (1999). Apprendre ensemble par projet avec l'ordinateur en réseau. Guide à l'intention des enseignants et des enseignantes. Ottawa, Canada : Rescol. 
Le titre de la version anglaise est : Project-Based Collaborative Learning with Network Computers. Teachers' Guide.

THORPE, RONALD (1999). Can Computers Change the System? Education Week. Vol. XIX (8), October 20, 1999, p. 46 et 48.