1. Planification du temps de classe |
À PROTIC, la journée de
classe est répartie en quatre périodes. Depuis
le début de l'application du programme, on a jugé
important de respecter cet horaire afin, entre autres raisons,
de permettre aux élèves de demeurer en contact
avec les autres élèves de l'école lors des
pauses. Comme dans les autres classes, diverses routines s'installent
; elles ont pour fonction de réduire la marge d'inconnu
en indiquant aux élèves ce à quoi leur temps
pourra être occupé.
La moitié du temps de chaque
période est consacrée à la réalisation
de projets d'apprentissage. L'autre moitié est allouée
aux exposés de l'enseignant (éléments de
contenu d'apprentissage, explication, révision d'une notion)
et des élèves qui présentent les résultats
de leur projet d'apprentissage. De façon générale,
les élèves sont attentifs. À la fin d'un
exposé, ils posent des questions, font une rétroaction
constructive et, à l'occasion, évalue l'importance
du contenu présenté.
Les interventions de l'enseignant au
cours de la période demeurent essentielles. Nous verrons
comment elles se répartissent au cours d'une période
de soixante-quinze minutes et quelle en est généralement
la nature. Par la suite, nous verrons de quelle manière
les élèves utilisent le temps d'apprentissage.
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Si nous demandions à un élève du secondaire
de décrire une journée-type en contexte traditionnel,
il nous dirait probabalement qu'elle se divise en quatre ou six
périodes, chacune étant consacrée à
une matière exclusive: mathématique, français,
géographie, éducation physique, etc. Il nous dirait
qu'il rencontre, pendant la journée, autant d'enseignants
qu'il y a de matières à l'horaire et qu'à
chacune de ses rencontres correspond un changement de local et,
parfois, un changement de groupe.
Formulons la même demande à un élève
inscrit au programme PROTIC. (Précisons, au passage, que
ce programme, implanté à l'école secondaire
Les Compagnons de Cartier à Sainte-Foy, et qui compte,
en 1998-1999, 120 élèves répartis dans quatre
groupes, soit deux groupes de 1re secondaire et deux autres
de 2e secondaire, vise à améliorer la qualité
de la pédagogie et de l'apprentissage par l'intégration
des technologies de l'information et des communications (TIC)
à l'école et dans la classe). L'élève
inscrit à Protic nous répondra probablement que
son horaire est identique à celui de tous les élèves
du secondaire, mais qu'il n'est pas certain de travailler dans
la matière prévue pour chaque période.
Par exemple, il pourrait très bien être invité
à poursuivre une recherche en géographie ou à
compléter un travail de français plutôt que
de suivre le cours de formation personnelle et sociale inscrit
à son horaire. Le cours déplacé sera
simplement repris plus tard ou intégré à
une autre matière. Autre particularité :
l'élève demeure toujours au sein du même
groupe et, à moins de suivre un cours dans une spécialité
comme la musique, les arts plastiques ou l'éducation physique,
il ne changera pas de local après chaque période.
Ce sont désormais les enseignants qui se déplacent.
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Le caractère fondamentalement exploratoire de ce type
de pédagogie fait en sorte qu'il est pour ainsi dire impossible
de décrire une journée-type dans une classe PROTIC.
Si les enseignants effectuent une planification de départ
et d'arrivée en regard des apprentissages à réaliser
pour un contenu donné, en revanche, une fois l'activité
proposée, les élèves jouissent d'une certaine
latitude à partir de laquelle ils apprennent à
gérer dans le temps les séquences de l'activité
d'apprentissage qui aboutira à la réalisation d'un
projet et à sa présentation au reste de la classe.
Le développement de l'autonomie est un élément
central de PROTIC. Selon leurs besoins, les élèves
travaillent individuellement ou en équipe et, en tout
temps, sauf exception, les échanges verbaux sont nombreux.
Comme on peut le voir, le contrôle de la discipline de
classe fait l'objet d'un partage peu commun entre les enseignants
et leurs élèves. La responsabilité de l'apprentissage
est également partagée. Généralement,
les enseignants limitent le contenu de leurs exposés aux
consignes de base nécessaires à la réalisation
d'une activité ou à des éclaircissements
attendus par tout le groupe. Plus disponibles, ils peuvent
donc jouer un rôle d'accompagnateur auprès des élèves
qui exécutent différentes tâches liées
à leur projet. Il est évident que l'on se
retrouve alors au cur d'une classe beaucoup plus agitée
et plus bruyante qu'une classe traditionnelle, mais aussi, peut-être,
plus engagée dans l'apprentissage attendu.
Cette dynamique de classe toute particulière fait en
sorte que tout se négocie, depuis l'organisation du temps
d'une journée jusqu'au contenu des projets à réaliser.
Cette gestion participative reflète la démocratie
comme valeur partagée. À défaut de
pouvoir décrire LA journée type dans une classe
PROTIC, voici le résumé d'une journée telle
que vécue récemment par un groupe de 1re secondaire.
Les deux périodes de l'avant-midi se dérouleront
avec la même enseignante. En classe, il y a beaucoup
de fébrilité : des élèves doivent
présenter leur recherche en écologie. Avant
de commencer, il faut ordonner à chacun de fermer son
ordinateur. Pour la présentation, deux groupes de
deux élèves ont pris l'initiative de jumeler leur
travail en écologie pour réaliser une présentation
commune. Les autres élèves prennent ainsi
conscience qu'il existe plusieurs façons d'exploiter le
travail d'équipe. Le reste de la classe peut suivre
la présentation à l'aide d'un document d'accompagnement
qui résume le travail et, du même coup, un partie
de la théorie du contenu à l'étude.
Immédiatement après la présentation, les
élèves sont invités à poser des questions
sur ce qui ne serait pas clair. Et des questions, il y
en a plusieurs! L'enseignante en profite pour compléter
l'information livrée par les deux équipes. Succède
une période de commentaires sur le style de la présentation
et l'originalité de cette dernière. Tout
s'est bien déroulé. Le reste de la période
est consacré à du travail personnel. Individuellement
ou en équipe, les élèves poursuivent
donc un projet déjà entrepris dans la matière
de leur choix. Il se pourrait donc très bien que
le travail n'ait rien à voir avec les matières
qui sont sous la responsabilité de l'enseignant présent.
La récréation venue, il faut insister pour que
tous les élèves sortent de la classe. Souvent,
quelques-uns veulent profiter de ce moment pour poursuivre ou
achever un travail qui requiert l'utilisation de l'ordinateur.
L'enseignant doit parfois hausser le ton pour faire respecter
la consigne. L'école tient à ce que les élèves
sortent de la classe afin de favoriser les échanges avec
les autres élèves.
La seconde période est consacrée aux actualités.
Au cours d'une même activité, les élèves
appliquent des notions de français, de méthode
de travail intellectuel, en plus de répondre aux exigences
du programmes de formation personnelle et sociale. Trois
élèves viendront à tour de rôle présenter
le résumé de quelques nouvelles puisées
dans l'actualité des derniers jours. Encore une
fois, les élèves peuvent intervenir pour poser
des questions ou faire des commentaires. Par la suite,
ils réécrivent une des nouvelles qui leur ont été
présentées. Chacun a pris l'habitude de suivre
l'exposé et de prendre des notes. Si certains veulent
élaborer un peu plus sur une question donnée, ils
peuvent visiter les différents sites Internet des grands
médias écrits ou électroniques. En
équipe de deux, les élèves sont finalement
invités à faire une mise en page de leur travail
de rédaction afin de produire un journal à la fin
du projet. Cette dernière exigence les amène
à se familiariser avec les fonctionnalités de différents
logiciels.
Pendant la période du dîner, les activités
ne cessent pas pour tous. Quelques élèves ont obtenu
l'autorisation de travailler dans leur local pour préparer
une présentation prochaine. Dans une autre classe,
une enseignante travaille à l'élaboration de son
site Internet avec la collaboration d'un élève.
Et même si la plupart des élèves n'ont rien
de particulier à réaliser, on les voit tourner
autour de leur classe. Peut-on y voir un signe qu'ils se
sentent à l'aise au sein de leur environnement scolaire?
La question mériterait d'être approfondie.
Quoi qu'il en soit, les élèves semblent s'être
appropriés ce petit secteur de l'école où
ils passent le plus grande partie de leur journée, probablement
parce qu'ils le considèrent comme leur milieu de vie.
Au retour de la pause du dîner, la période est
consacrée à la révision de certaines notions
de mathématique. Les élèves du groupe rencontré
ce matin-là avaient fait part à l'enseignant de
difficultés persistantes et souhaitaient éclaircir
quelques points importants. Ensemble, dans un cours où
l'enseignement magistral est requis, l'enseignant et les élèves
répondent à un besoin qui avait été
exprimé par plusieurs. Ainsi, même si les enseignants
de PROTIC font beaucoup appel à la pédagogie par
projet, il est nécessaire, à l'occasion, de recourir
à l'exposé pour certaines mises au point.
La récréation venue, il faut encore insister
pour que tout le monde sorte Rarement, verra-t-on un élève
se diriger vers la porte avant le son de la cloche.
La dernière période est consacrée à
l'enseignement religieux. L'enseignant responsable de cette matière
a décidé de voir tout le programme de façon
intensive : en deux semaines et demie, le contenu aura
été entièrement parcouru. Ainsi, au
lieu du cours de géographie inscrit à l'horaire
officiel du groupe, quatre élèves vont présenter
le résultat de leur réflexion sur une problème
qu'ils ont dû imaginer. Voilà une situation qui
illustre bien la souplesse dont disposent les enseignants dans
l'organisation de leur enseignement. Pour une autre enseignante
de 2e secondaire, tout le contenu du programme de français
sera vu par le biais du programme d'histoire, grâce aux
différents projets mis en uvre. Loin d'être
limités à six périodes de français
et quatre périodes d'histoire par cycle, les élèves
disposent, en fait, de dix périodes par cycle pour mener
à bien un même projet.
Revenons maintenant à la dernière période
de notre journée destinée aux sciences religieuses.
Comme ils l'ont fait en avant-midi, les élèves
y vont d'un court exposé oral sur une question, mais,
cette fois, la communication s'appuie sur la présentation
d'illustrations qui ont été conçues à
l'aide des logiciels dont les élèves disposent.
Ce type de présentation requiert habituellement l'utilisation
d'un canon qui permet de projeter les illustrations. Mais,
cet après-midi-là, l'appareil est défectueux.
Si les élèves sont d'abord irrités parce
qu'ils tiennent à partager leur travail avec les autres,
l'enseignant affiche, pour sa part, un sourire satisfait. Voilà
un beau problème à résoudre en groupe!
Après une courte discussion, la solution est trouvée
: l'équipe utilisera le réseau informatique de
la classe pour rendre accessible à tous le fichier contenant
les présentations. Chacun peut maintenant suivre l'exposé
à l'aide de son ordinateur
La journée décrite ici marquait la fin de plusieurs
petits projets. C'est pourquoi les présentations sont
si nombreuses. On a donc escamoté tout le travail de préparation
des élèves, c'est-à-dire, la façon
avec laquelle ils procèdent dans leur recherche pour répondre
aux exigences des projets. La journée a tout de même
été retenue parce qu'elle nous permettait d'insister
sur un aspect important du programme PROTIC : inciter au
partage de l'information de manière à favoriser
l'établissement de liens entre différents objets
du savoir.
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2.
Gestion du temps d'apprentissage |
Comme on peut le constater, la réalisation et la communication
de projets appuyées par l'ordinateur multimédia
en réseau laissent davantage de place à la parole
dite distribuée. L'utilisation judicieuse du temps de
classe demeure toutefois une préoccupation constante.
C'est la raison pour laquelle l'enseignant (ou le stagiaire)
interrompt parfois un exposé qui s'étend indûment,
reprend la parole ou fait des exposés qui n'étaient
pas prévus à l'horaire du jour.
Tout au cours de l'année, l'enseignant doit amener
les élèves à faire bon usage du temps qui
leur est imparti. Le rythme d'apprentissage varie toujours d'un
élève à un autre, de sorte que l'enseignant
doit travailler plus fort avec certains élèves
dont la motivation n'est pas toujours évidente.
Organiser son temps, partager les tâches et travailler
avec des coéquipiers autour d'un projet commun, telles
sont les habiletés que les élèves de PROTIC
doivent développer dès la 1re secondaire. On trouvera
à l'annexe D une liste de responsabilités pouvant
être allouées aux élèves. Pour la
majorité d'entre eux, il s'agit d'un exercice difficile
parce qu'ils ont été habitués à travailler
seuls dans le cadre d'un enseignement dont le rythme était
déterminé par l'enseignant. Si les quelques élèves
ayant fait l'expérience de l'approche par projet au primaire
se sont sentis tout à fait à l'aise avec le programme
PROTIC, la plupart de leurs collègues de 1re secondaire,
que nous avons interviewé en fin d'année scolaire,
soutiennent qu'il leur a été difficile de s'adapter
à un contexte d'apprentissage au sein duquel ils disposaient
d'une grande autonomie. Il leur a donc fallu développer
des stratégies qui leur permettraient de bien gérer
leur temps de travail.
L'équipe de travail s'est révélée
déterminante à cet égard, au point où
travail d'équipe et gestion du temps sont indissociables
dans le discours des élèves. Quand on demande
à ces derniers de quelle manière ils parviennent
à gérer leur temps, ils nous parlent d'abord de
l'importance du partage des tâches entre les membres de
l'équipe. C'est à ce moment-là que l'échéancier
de travail prend forme à l'intérieur des balises
fixées par l'enseignant. Les résultats plutôt
médiocres de leurs premiers travaux témoignent
de la difficulté que les élèves ont éprouvé
à se mettre au travail.
Une fois le plan de travail établi, il faut aussi accepter
de faire confiance aux autres membres de l'équipe. Jean-Philippe,
qui aimait la compétition, considère que la confiance
qu'il a finalement accordée à ses coéquipiers
lui a permis d'arriver à des résultats bien supérieurs.
De toute façon, sans cette collaboration, il devient très
difficile de respecter les échéances. Par un dialogue
constant, les élèves s'assurent de la bonne progression
de leurs travails respectifs. Julie considère qu'elle
apprend beaucoup plus vite parce qu'elle cherche elle-même
l'information et la retient dès lors plus facilement.
Et parfois, lorsqu'elle n'a pas envie de travailler sur ses projets,
elle lit ce que ses collègues ont écrit. Elle en
profite pour faire quelques suggestions et signaler les fautes
qu'elle aura remarquées. Les élèves éprouvent
un grand sentiment de sécurité, sachant que des
coéquipiers peuvent les aider, que ce soit pour partager
une information qu'ils ont trouvée ou pour expliquer une
notion mal acquise. Ils se disent tous convaincus de perdre moins
de temps grâce à ce contact permanent avec les autres
membres de l'équipe. Si cette impression mériterait
d'être regardée de plus près, il est néanmoins
clair que la motivation des élèves demeure élevée.
Les échanges constants en classe font en sorte qu'on
se retrouve dans un environnement bruyant et constamment en mouvement.
Certains élèves ont rapporté qu'il leur
arrivait parfois d'avoir de la difficulté à se
concentrer, mais, généralement, les élèves
réussissent à bien travailler. Ainsi Mathieu
reconnaît qu'il arrive à l'occasion que lui ou les
autres membres de la classe se laissent distraire par l'ordinateur
et l'univers auquel il donne accès.
C'est lors de ces périodes de distraction que le rôle
de chacun au sein de l'équipe devient vital. Quand l'élève
doit remettre un travail personnel, il lui est facile de limiter
ses efforts; certains se soucient même très peu
de le remettre, disent les élèves. L'apprentissage
coopératif mis de l'avant à PROTIC permet moins
ce genre de comportement. Il est en effet difficile d'échapper
à ses responsabilités lorsque son travail est nécessaire
aux autres. On ne se gêne donc pas pour se rappeler à
l'ordre entre équipiers. Plusieurs équipes ont
d'ailleurs pris l'habitude, en cours d'année, de terminer
le travail de recherche quelques jours avant l'échéance
fixée par l'enseignant afin de s'entendre sur la mise
en commun des informations recueillies.
Il est important de souligner que, généralement,
les élèves ne connaissent pas le déroulement
de leur journée lorsqu'ils arrivent à l'école,
même s'ils sont relativement maîtres de leur temps
de travail. L'agenda repose encore grandement sur les épaules
de l'enseignant. C'est lui qui indique en début de période
comment celle-ci sera occupée et les élèves
se mettent ensuite au travail. Comme il est question ici d'élèves
de 1re secondaire, on peut penser que leur autonomie ira grandissant
durant les années subséquentes.
L'utilisation de l'ordinateur branché en réseau
donne une plus grande portée à l'approche par projet.
L'élève a en effet accès à différentes
sources d'information et peut utiliser des logiciels-outils pour
la réalisation de ses travaux et la production de ses
résultats de projets d'apprentissage. L'enseignant doit,
de son côté, gérer les différentes
activités de tous les élèves de sa classe.
Ces derniers effectuant des tâches différentes,
il incombe à l'enseignant de se donner des repères
en ce qui a trait à l'utilisation que font les élèves
au temps qui leur est alloué pour leurs apprentissages.
La façon dont les élèves se servent de l'ordinateur
portable branché en réseau se situe au cur de ces
repères
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