Sans interactions sociales, une idée reste lettre morte. Pour se développer et atteindre une certaine maturation, une idée doit être exposée à un contexte participatif. Plus ce dernier sera riche en interactions sociales et en nombre de participants, plus il sera possible dinterconnecter les idées entre elles au sein de communautés dapprentissage ou de pratique en réseau sous lesquelles les participants pourront échanger des points de vue, les analyser, les approfondir, les partager et se les approprier en collectivité, peu importe quelles se rapportent à la finalité dun apprentissage, dun perfectionnement ou dun travail.
Une idée soumise comporte toujours un questionnement, une analyse, une réflexion, une interprétation et/ou une avenue de résolution. On se positionne toujours par rapport à des fondements et des références selon que lon a appris, expérimentés et/ou vécus. Cest simplement quils font sens à nos yeux. Le reflet de notre pensée individuelle est ainsi jalonné déléments déchafaudage : cest mon interprétation, cest ma méthodologie, cest ma théorie, etc. La mise en commun de toutes les balises déchafaudage permet tout bonnement de trier les idées entre elles au prorata de leur valeur signifiante à pouvoir négocier une résolution de problèmes devenue désormais collective. Le balisage des éléments déchafaudage devient dès lors communautaire : cest notre interprétation, cest notre méthodologie, cest notre théorie, etc. La démarche entière appelle lexpérimentation des solutions concertées et la réflexion de ses résultantes sur les nouvelles façons daborder et dappliquer des solutions à un problème donné. Cest pour cette raison quon attribue des désignations toutes particulières au processus : co-gestion de linformation; co-construction et distribution des connaissances; co-intelligence des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être fondés sur des rapports souvent négociés, gagnants-gagnants et réfléchis dans la pratique. Je peux taider, tu peux maider, je possède telles compétences, tu disposes de telle autre compétence, nous pouvons mieux convenir des stratégies requises à cette résolution de problèmes, les analyser, les approfondir et se les approprier en bout de piste.
Tout apprentissage et tout travail sarticulent autour de discours et dinteractions. Sous cette perspective, une idée est toujours en mutation et en évolution. Elle nest jamais stagnante et peut être représentée sous différents supports (textes, graphiques, schémas, animations numérisées, enregistrements audiovisuels, etc.) Lidée reflète toujours une pensée qui est appelée à être confrontée à lexpérimentation dune pratique. La valeur quon lui attribue dépend de notre facilité à la rendre accessible aux autres pour quils puissent y percevoir un bien-fondé et se lapproprier en partie ou en totalité. Sans aucun doute, lidée va être revue, corrigée et améliorée au contact des autres. Néanmoins, lidée transformée nest pas nécessairement garante dinnovation car tout le processus de linnovation est dérangeant, inconfortable et dépourvu dordre. En fait, on ne sait jamais ce quil faut ajouter, modifier ou enlever pour parvenir à circonscrire judicieusement une idée porteuse de réflexion. On perçoit dailleurs linnovation comme un acte accompli de lextérieur, souvent ex situ au processus de construction des connaissances. Linnovation devient visible quà la fin de son expérimentation lorsquelle est bien implantée et quelle souscrit à ce quelle visait en termes de finalités et de retombées. Pourtant, linnovation peut se voir attribuer des propriétés in situ. Réfléchir sur ce que lon croit savoir, explorer ce qui peut nous permettre de mieux approfondir une question, être attentif aux opportunités offertes par la réflexion, partager ces découvertes avec les autres, soumettre des stratégies de résolution de problèmes, négocier une vision partagée, expérimenter une pratique réflexive, en évaluer les retombées pour soi et pour autrui constituent tous des actions qui permettent de se positionner par rapport à ce qui devient émergent. Novices et experts expérimentent alors des contextes dapprentissage et de travail où les contenus, les processus, les stratégies, les échéanciers, les tâches, les compétences, les acquis et les productions sont continuellement redéfinis en fonction de ce qui peut être appliqué au moment jugé le plus opportun. Lidée transporte dès lors linnovation.
Lorsque lon propose une idée à un collectif, un certain contenu a déjà fait lobjet dune auto-évaluation. On la soi-même scruté, organisé et construit. Cette idée fait sens à nos yeux. Elle reflète notre pensée, notre théorie et notre solution. Elle aborde en partie ou en totalité les cadres proposés par le contexte (i.e. objectifs à atteindre, mandat et mission à assumer, échéancier à respecter). Cette idée est alors soumise aux autres, cest-à-dire aux pairs. Elle se voit interroger, analyser et critiquer. On la rejette ou on y adhère en partie ou en totalité. Le cas échéant, elle se greffe au tissu communautaire et elle devient une des composantes de la vision partagée à construire. Elle est alors reconnue comme étant significative pour les autres et elle est utilisée en tant que tel en fonction de ce qui est ou devient émergent dans la construction négociée des stratégies résolutoires. Cest comme cela que la construction des uns soutient celles des autres et que ces perceptions personnalisées enrichissent le collectif en devenir.
Le libre choix douvrir aux autres ces expériences et expérimentations fournissent un tremplin unique pour pouvoir se comparer sans être directif ou coercitif. À lintérieur dun méta-réseau, les partenaires communautaires sont appelés à se visiter et à se questionner à travers des environnements interconnectés de travail ou détudes parallèles et complémentaires, un réseau des réseaux. Lenvironnement global contribue à élargir les champs de connaissance des uns et des autres tout en laissant des traces mémorielles visibles et consultables par tous. Les idées peuvent alors cheminer sans contrainte et être adaptées ou appropriées pour différentes fins organisationnelles ou éducatives.