RÉS.E.A.U. Laval
ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
B.E.S.
UNE APPROCHE DE FORMATION
À LA SUPERVISION DES STAGIAIRES
Préparée pour les
enseignantes et les enseignants associés
S. Desgagné, version 1996
membre de l'équipe de coordination
des stages au secondaire
INTRODUCTION
Le sens donné à l'approche proposée
ou
Pourquoi une formation?
Précisons au départ qu'il ne s'agit pas ici de concevoir une formation de type <<recyclage>>, comme si nous pensions qu'il y avait des choses que vous ne saviez pas et qu'il vous fallait savoir au plus vite pour bien exercer votre fonction. D'une part, plusieurs parmi vous exercent cette fonction d'enseignant associé depuis plusieurs années et le font sans aucun doute avec beaucoup de professionnalisme; d'autre part, on peut penser qu'il n'y a pas de formule magique pour devenir un bon enseignant associé et qu'un enseignant d'expérience qui croit à sa profession et qui a envie qu'elle se perpétue a tout l'élan qu'il faut pour se développer comme enseignant associé.
Alors pourquoi une formation? Nous croyons à une formation dans la mesure où nous concevons la fonction d'enseignant associé comme une occasion de <<ressourcement>> pout tout enseignant qui souhaite l'exercer. Et pour en faire un véritable ressourcement, il nous semble important que cette fonction ne soit pas réduite à l'accomplissement de la tâche supplémentaire qu'elle exige. Nous voulons en faire aussi une occasion de réfléchir ensemble, comme équipe d'enseignants associés, d'une part, sur les différentes facettes de cette tâche d'accueil et d'initiation à la profession, mais aussi, d'autre part, sur notre façon de concevoir et d'exercer cette profession. C'est du moins dans cet esprit de ressourcement que nous vous proposons l'approche et les thèmes de formation qui suivent[1].
L'APPROCHE DE FORMATION
L'approche de formation à la supervision que nous allons explorer
repose sur les mêmes fondements que l'approche de formation à
l'enseignement privilégiée pour le stagiaire dans l'esprit
du nouveau baccalauréat d'enseignement secondaire. Il s'agit d'une
approche que nous avons qualifiée de réflexive et coopérative.
Nous croyons à une formation basée sur une dynamique action
et réflexion, c'est-à-dire globalement une formation qui s'appuie
essentiellement sur les situations réelles rencontrées par
l'enseignant associé avec son stagiaire et qui sont pour cet enseignant
associé sujettes à questionnement. Nous croyons aussi que
cette analyse réflexive de situations doit se faire en exploitant
les ressources du groupe d'enseignants associés et ainsi développer
un savoir commun sur la relation enseignant associé et stagiaire.
LA RÉFLEXIVITÉ
La pensée derrière une telle approche réflexive,
c'est que, dans un contexte d'exercice professionnel donné, on apprend
à partir des situations problématiques qu'on rencontre quotidiennement.
Ces situations problématiques manifestent, en fait, la limite de
notre savoir-en-action. Et c'est pourquoi il importe que ce soit à
partir de ces situations problématiques qu'on développe votre
savoir superviser. D'une part, cela nous permet de partir de la complexité
d'une situation réelle de supervision. En effet, si j'arrive
et je vous parle de l'importance d'écouter votre stagiaire, vous
serez sans aucun doute d'accord, mais cela ne voudra rien dire de plus pour
vous. Par contre, si vous me racontez que vous n'arrivez pas à écouter
tel stagiaire parce qu'il semble continuellement tourner autour du pot lorsque
vous lui demandez de commenter une situation de classe, que cela vous rend
agressif et que vous avez seulement hâte que cela finisse, on a plus
de chance, lors de l'analyse du problème, d'apprendre quelque chose
sur l'écoute en situation de supervision. D'autre part, partir des
situations problématiques va aussi permettre de partir de là
où en est votre compétence d'enseignant associé.
Il est certain que vous disposez d'un certain nombre d'habiletés
pour superviser un stagiaire; entre autres, beaucoup d'entre vous en ont
déjà initié et, sinon, votre expérience de communication
et de relation avec des jeunes de différents âges, en tant
qu'enseignant, vous assure certains acquis lié au savoir superviser.
Il importe donc de partir de ce qui vous fait problème maintenant,
soit ce qui marque à la fois les limites de votre savoir tout en
ouvrant la voie à son développement.
LA COOPÉRATION
Cette réflexion peut se faire tout seul; de toute façon, en tant que professionnel, on n'a pas le choix: les problèmes nous forcent à réfléchir et à apprendre. Elle peut aussi se faire avec d'autres; de toutes façons, on se contente rarement de réfléchir tout seul sur nos problèmes; on va en parler, comme on dit, avec un collègue ou quelqu'un qu'on pense pouvoir nous aider à voir clair. La réflexion qu'on vous propose est une réflexion collective plus formelle[2] et vise le développement d'un savoir commun sur la relation de supervision: enseignant associé-stagiaire. Cela veut dire qu'en traitant des problèmes que chacun rencontre dans son exercice de supervision, on va complexifier nos stratégies de supervision et ainsi développer ensemble un répertoire d'habiletés communes en lien, bien sûr, avec l'approche promue. On fera alors de nos rencontres une occasion de partager des stratégies de supervision. Le souci des habiletés de supervision à développer ne nous empêchera pas pour autant de manifester la prépondérance du style de chacun qui se manifeste à travers l'expression de ces habiletés de supervision. Chacun a ses talents personnels qu'il doit exploiter et que le groupe doit aider, pour chacun, à s'exprimer. Chacun a une relation tout autant unique avec son stagiaire dont il doit aussi pouvoir témoigner et qui doit tout autant contribuer à enrichir le groupe. On fera alors de nos rencontres une occasion d'exprimer le style personnel de chacun. On va aussi parfois devoir mettre en évidence les enjeux moraux qui sont présents dans une telle activité: jusqu'à quel point peut-on se permettre de confronter un stagiaire ou jusqu'à quel point est-on ouvert à ce qu'un stagiaire nous confronte? Jusqu'à quel point peut-on accepter de déranger les élèves en accueillant un stagiaire? Jusqu'à quel point partage-t-on, entre nous, la même conception de la profession et de ses responsabilités auxquelles on a la charge d'initier le stagiaire? On fera alors de nos rencontres une occasion de construire une éthique d'enseignant associé[3] .
LES THÈMES DE FORMATION LIÉS à L'APPROCHE
Nous avons dit plus haut que nous allions utiliser, dans cette approche, les situations problématiques réelles de supervision vécues par les enseignants associés avec les stagiaires. Et nous avons précisé que c'est partant de l'analyse réflexive et collective de ces situations que nous allions travailler à développer notre savoir superviser.
Mais on peut se demander de quel point de vue on va regarder ces situations et en faire l'analyse? N'y a-t-il rien qui peut nous aider à éclairer les situations dont il sera question et alimenter l'analyse qu'on peut en faire? C'est dans ce souci de mieux orienter notre réflexion collective que nous proposons cinq thèmes comme autant de points de vue partant desquels on sera en mesure de regarder la situation présentée, la commenter, voire même l'éclairer de différents propos théoriques s'y rapportant. Des textes théoriques accompagneront, au besoin, le thème concerné.
Il faut voir le lien entre les situations problématiques et les thèmes privilégiés (de même que les textes théoriques) dans un lien dynamique. Il se peut qu'on ait besoin de partir d'un thème (et d'un texte), comme mise en situation, pour ensuite identifier et traiter des situations problématiques qui s'y rapportent. Mais il se peut aussi qu'on parte d'une situation problématique et que, par la suite seulement, on la rattache à un thème (et à un texte) qui permet de l'éclairer. En ce sens, c'est une véritable dynamique entre théorie (les thèmes et les textes) et pratique (les situations problématiques vécues) que vous propose cette approche.
Les thèmes ont été choisis en fonction d'un repérage des grandes dimensions auxquelles nous semble renvoyer la fonction d'enseignant associé. Cela ne veut pas dire que ces thèmes (et les textes qui s'y grefferont) n'évolueront pas et même qu'ils ne se modifieront pas; ils sont exploratoires et, en ce sens, il ne faudrait surtout pas les considérer comme des contraintes nous restreignant dans notre analyse des situations qu'on veut traiter. Au contraire, ces thèmes doivent nous servir de ressources pour mieux éclairer les situations problématiques rencontrées et mieux orienter la formation en fonction des besoins identifiés au fil de notre exploration.
En voici une brève présentation:
THÈME 1 LA NÉGOCIATION DES RÔLES ENTRE LES PARTENAIRES Il se peut qu'une situation problématique soit liée à la négociation des rôles entre les personnes engagées dans le processus de supervision. Entre autres, on sait que le stagiaire entretient une relation de supervision suivie avec au moins deux sources formelles: soit l'enseignant associé et le chargé de formation pratique. On peut bien dire que le rôle de chacun des formateurs est défini par la fonction, l'un d'initier au contexte scolaire, l'autre de faire le lien théorie-pratique. Mais on sait aussi que le rôle que chacun joue auprès du stagiaire se définit, en partie, dans l'action, et selon les besoins de la situation. En tant qu'enseignant associé, comment vous situez-vous par rapport au stagiaire? Comment réussissez-vous, l'un et l'autre, à répondre à vos attentes respectives? Quelle place le stagiaire vous accorde-t-il par rapport à celle qu'il accorde au chargé de formation pratique dans son développement professionnel? Y a-t-il, de votre point de vue, danger de conflit entre les attentes et contributions des deux formateurs telles que vues le stagiaire? Comment s'ajuster en conséquence en vue d'équilibrer les contributions et les attentes de chacun? Ce sont là autant de questions qui nous placent du point du vue de la négociation des rôles dans le processus d'initiation du stagiaire. |
THÈME 2 LE STAGIAIRE ET SON DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL Il se peut qu'un situation problématique soit liée au développement professionnel du stagiaire. En effet, on sait que le stagiaire arrive déjà avec tout un bagage d'expérience de vie, avec ce que cela comporte d'habiletés déjà acquises, de valeurs et d'idéaux. On parle en ce sens de <<choc de la réalité>> lorsqu'il confronte ses idéaux avec le contexte réel où il doit arriver à les actualiser. On parle aussi de <<choc du familier>> pour décrire la surprenante nouveauté du rôle qu'il a à assumer, de l'intérieur, alors qu'il le connaissait de l'extérieur, comme élève. Le stagiaire arrive aussi avec des inquiétudes et des préoccupations, concernant son apprentissage à l'enseignement, qui vont se transformer au fil de son initiation. On arrive, en ce sens, à identifier certaines phases liées à ses préoccupations: le stagiaire centré sur lui-même et son image, sur sa compétence lié au contenu, enfin, sur l'apprentissage des élèves à qui il enseigne. Comment tenir compte des préoccupations du stagiaire? Comment l'accompagner dans son développement professionnel? Comment équilibrer le besoin de survie du stagiaire qui veut des réponses rapides à ses problèmes et le besoin du formateur de lui faire développer un style de pratique et une identité d'enseignant? Comment équilibrer ses préoccupations à lui et les nôtres, en tant que formateur-enseignant? Ce sont là autant de questions qui nous placent du point du vue du développement professionnel du stagiaire qu'on initie. |
THÈME 3 L'INITIATION DU STAGIAIRE AU SAVOIR PRATIQUE Il se peut qu'une situation problématique soit liée au contenu d'apprentissage professionnel du stagiaire. À quel savoir l'enseignant associé est-il appelé à initier le stagiaire? Qu'est-ce que le stagiaire a à apprendre en contexte professionnel qu'il n'aurait pas pu apprendre hors du contexte? Y a-t-il des façons privilégiées de lui faire part de ce savoir? On parle du savoir pratique comme d'un savoir personnalisé; en d'autres mots, chaque enseignant se développe un style: comment transmettre à quelqu'un d'autre un savoir personnel? On parle du savoir pratique comme d'un savoir contextualisé: en d'autres mots, ça dépend du groupe à qui on enseigne, ça dépend du type d'élèves à qui on a affaire, ça dépend du moment de l'année, etc. Comment transmettre à quelqu'un d'autre un savoir aussi fluctuant? On parle du savoir pratique comme d'un savoir d'expérience; en d'autres mots, un enseignant accumule tout un bagage d'histoires, d'événements, de situations de classe. Comment rendre ce bagage accessible et utile au stagiaire, sans l'écraser de cette expérience? Peut-on faire la différence entre ce qu'il y a de personnel à chacun et ce qu'il y a de commun à tous les enseignants? Entre notre façon de composer avec les situations changeantes et imprévisibles et notre façon d'installer des routines plus stables? Peut-on se pencher sur notre façon de transmettre notre expérience avec les difficultés que cela comporte? Ce sont là des questions qui nous placent du point du vue du savoir pratique à formuler au stagiaire qu'on initie. |
THÈME 4 LE PROCESSUS ET LA RELATION DE SUPERVISION Il se peut qu'une situation problématique soit liée au processus et à la relation de supervision du stagiaire. On sait qu'une approche réflexive est promue. Quelles en sont les balises à respecter? En lien avec ces balises, quelles sont les difficultés liées à la capacité de faire réfléchir le stagiaire sur les situations de pratique qu'il expérimente? Cela nous renvoie, entre autres, au développement de notre capacité de superviseur à lui faire repérer des situations à questionner, à lui faire décrire ces situations (la difficulté qu'il décrive sans juger, qu'il explore ce qui s'est passé, sans chercher seulement à se justifier), à voir la place qu'on peut prendre dans l'exploration des différentes facettes de ces situations (la difficulté de savoir quand il est temps de lui dire ce que l'on pense de ce qui s'est passé, quand il importe de l'écouter commenter ce qui s'est passé). Cela nous renvoie aussi à explorer comment on peut utiliser chaque outil de réflexion au meilleur de ce qu'il peut offrir: soit le journal professionnel, le vidéo d'une séquence, la narration par le stagiaire d'un problème urgent à solutionner, etc. Cela renvoie encore au difficile équilibre à créer entre relation de supervision centrée sur la performance en classe du stagiaire à améliorer et relation d'aide centrée sur l'accompagnement à son développement professionnel et personnel. Ce sont là des questions qui nous placent du point de vue de la relation et du processus de supervison. |
THÈME 5 LA PROCÉDURE D'ÉVALUATION DU STAGIAIRE Il se peut qu'une situation problématique soit liée à tout ce qui touche l'évaluation du stagiaire, du moins, pour ce qui concerne l'enseignant associé. On sait que l'évaluation du stagiaire ne se fait pas sans considération de ce que chacun conçoit comme un <<bon enseignant>>. On se sent souvent mal à l'aise, du moins cela provoque souvent une certaine insécurité, à évaluer son <<propre>> stagiaire, sans savoir ce qu'un autre enseignant en aurait dit. Bien qu'on ait prévu certains mécanismes permettant une évaluation qu'on pourrait dire <<interjuges>> (entre enseignants associés), qui se fait en consultant un autre enseignant, n'y a-t-il pas lieu de se pencher en groupe d'enseignants associés sur notre conception d'un <<bon>> enseignant, du stagiaire qui s'intègre <<bien>> au milieu, du stagiaire dont on pressent qu'il a une <<étoffe>> et une <<personnalité>> d'enseignant? Ne serait-il pas intéressant de se pencher, et à chaque fois qu'on en ressent le besoin, sur ce qu'est une personnalité d'enseignant? Car c'est, de fait, quelque chose qui est difficile à cerner et qui mérite qu'on s'y arrête: qu'est-ce qui fait qu'on puisse se dire avec assez de certitude que quelqu'un n'a pas <<ce qu'il faut>>, ce <<quelque chose>> qui fait, pour nous, la différence? Sur le plan de l'évaluation, il y a aussi lieu de parler du problème d'être à la fois celui qui aide et celui qui évalue. Comment le stagiaire peut-il confier ses problèmes à quelqu'un qui risque de mal évaluer ses confidences? Ce sont là autant de questions qui nous placent du point de vue de la tâche d'évaluation à assumer. |
LES DIFFÉRENTS STAGES
EN DYNAMIQUE AVEC LES THÈMES
Le modèle de formation pratique
Les contenus plus spécifiques, en lien avec ces thèmes
(à travers les textes qui viendront alimenter chacun d'eux), seront
étroitement liés, il faut le souligner, au modèle de
supervision prôné par la formation pratique en réseau
d'écoles associées, à Laval, et liés aussi aux
contenus d'apprentissage professionnel proposés dans les stages,
en général. On sait, par exemple, que l'approche réflexive
et coopérative de supervision des stagiaires, (celle-là
même qui nous tient ici lieu d'approche avec les enseignants associés)
est un des fondements de ce modèle en écoles associées.
En ce sens, dans le thème 4, par exemple, centré sur le processus
de supervision, nous allons certainement aborder les composantes de cette
approche, voire même les difficultés que pose le développement
de cette réflexivité et de cette coopération chez le
stagiaire en interaction avec ses formateurs immédiats, dans le stage:
l'enseignant associé, comme représentant du milieu scolaire
et le chargé de formation pratique, comme représentant de
l'université.
La spécificité de chaque stage dans ce modèle
Ajoutons que les thèmes sont susceptibles de prendre un sens différent et de conduire à des contenus spécifiques de formation tout aussi différents selon le type de stage dans lequel l'enseignant associé est appelé à superviser un stagiaire. En effet, chaque stage, tel qu'il est conçu, propose une perspective différente pour accompagner le stagiaire dans son apprentissage professionnel. Dans le cadre du nouveau programme, le stage 1, dit de familiarisation au rôle professionnel, propose une exploration des différentes facettes du rôle d'un enseignant. Cela l'amène à assister son enseignant associé dans ses tâches, en le visitant une fois par semaine , à raison de 10 jours par trimestre durant la deuxième année de son programme de formation. Le stage 2, dit d'habilitation didactique, propose au stagiaire la réalisation de séquences d'enseignement, l'amenant à explorer la démarche de transposition didactique propre à l'enseignement d'une matière donnée. Ce stage s'effectue dans un format de deux fois trois semaines, à l'intérieur d'un même trimestre. Enfin, le stage 3, dit de prise en charge de groupes-classe, propose au stagiaire d'assumer la responsabilité d'une tâche d'enseignement pour un certain nombre de groupes d'élèves donnés, l'amenant ainsi à établir et à maintenir, pour un temps donné, des conditions propices à l'apprentissage.
Des documents éclaireront la perspective de chacun de ces stages et les thèmes de formation proposés aux enseignants associés y prendront appui. Ainsi, on peut facilement penser que la négociation des rôles (thème 1) ne s'effectuera pas de la même façon, entre autres, entre le stagiaire et son enseignant associé, selon la position que chaque stage oblige le stagiaire à adopter par rapport à son enseignant associé. Pour prendre l'exemple des stages du nouveau programme, on sait que, dans le stage 1, le stagiaire occupe une position d'assistant de son enseignant associé, alors que, dans les deux autres stages, le stagiaire devra prendre graduellement une position plus centrale, sur le plan des responsabilités à assumer dans la tâche. On sait, entre autres, qu'au troisième stage, le stagiaire assumera une pleine responsabilité d'enseignement dans un groupe-classe. Il faudra se pencher sur les conditions de facilitation de cette négociation des rôles en situation, selon le stage, et sur les difficultés qu'elle pose.
On peut aussi penser, pour donner un autre exemple, que l'enseignant
associé n'aura pas à initier le stagiaire au même
savoir pratique (thème 3), ou, du moins, à ne pas
aborder ce savoir pratique dans la même perspective, dépendant
de l'objet du stage. Au stage 1, ce sera son savoir pratique lié
à sa façon de gérer son rôle d'enseignant,
dans son ensemble et dans ses diverses composantes. Au stage 2, ce sera
son savoir pratique lié à sa façon de gérer
l'enseignement de sa matière en tenant compte des facteurs du
contexte: les programmes scolaires, les séquences de cours dont il
dispose, ses choix personnels, les besoins et le rythme d'apprentissage
de ses élèves, etc. Au stage 3, ce sera son savoir pratique
lié à sa façon d'installer et de maintenir, pour
une période prolongée, un rythme d'apprentissage (dimension
gestion du contenu) à l'intérieur d'une relation saine (dimension
gestion de classe). Il faudra faire en sorte que les enseignants s'exercent
à expliciter leur savoir pratique dans ces différentes perspectives
et accompagnent leur stagiaire dans leur appropriation de ce savoir.
Vers un schéma-synthèse de l'approche de formation
En somme, comme l'illustre le schéma suivant, les cinq thèmes traversent tous les stages dans la mesure où ils embrassent l'ensemble de la problématique de supervision dans laquelle s'inscrit l'enseignant associé, dans le programme de formation pratique et la structure du Réseau des écoles associées, à Laval. Mais chaque thème prend un sens nouveau selon qu'il porte un éclairage sur un stage plutôt que sur un autre et sur les composantes propres à chacun.
TABLEAU-SYNTHÈSE DE L'APPROCHE DE FORMATION
Dans une approche réflexive et coopérative,
nous analyserons,
lors des rencontres de groupe,
des situations de supervision
telles que vécues et rapportées par les enseignants et enseignantes associés
sous l'angle de différents thèmes
(et de textes s'y rattachant):
Cette démarche nous amènera
vers la construction d'un savoir superviser
ajusté à la fonction d'enseignant ou enseignante associés
telle que conçue dans le concept d'école associée, à Laval.
D'UNE COMPÉTENCE SPÉCIFIQUE À CHAQUE STAGE
VERS UNE COMPÉTENCE PLUS GÉNÉRALE EN SUPERVISION
Cet ancrage de la formation dans le contexte de chacun des stages ne
veut pas dire que la compétence de supervision que va développer
un enseignant associé, grâce à cette formation, ne va
s'appliquer qu'au stage bien spécifique dans lequel il exerce sa
fonction de supervision. Des habiletés, attitudes et connaissances
plus générales émergeront de la démarche de
la formation. En ce sens, on peut dégager de chaque thème
une compétence générale qui lui est associée:
Une compétence à collaborer (à la formation professionnelle)
Le thème 1 nous renvoie à l'art de négocier son
rôle dans une fonction qui suppose une interaction constante avec
des partenaires et une division des responsabilités; c'est donc une
compétence de collaboration qui est visée.
Une compétence à accompagner (le développement professionnel)
Le thème 2 nous renvoie à l'art de guider, voire de soutenir,
un stagiaire dans son développement professionnel graduel. Les stages
sont désormais étendus de la deuxième à la quatrième
année d'un baccalauréat de quatre ans.
Une compétence à initier (au savoir professionnel)
Le thème 3 nous renvoie à l'art de témoigner de
son savoir professionnel, à en voir et en expliciter les diverses
composantes, de sorte que le stagiaire comprenne mieux les éléments
de pratique sur lesquels il doit orienter son apprentissage professionnel.
Une compétence à faciliter (l'apprentissage professionnel)
Le thème 4 renvoie à l'utilisation d'une approche de supervision,
des outils qui la supportent (journal, vidéoscopie, etc.) et des
structures d'interaction qu'elle privilégie (rencontres à
deux, en sous-groupes, supervision jumelée, etc.).
Une compétence à évaluer (la compétence professionnelle)
Le thème 5 renvoie à une vision de la compétence
professionnelle visée par la formation du stagiaire et au développement
de modes d'utilisation et d'interprétation des critères d'évaluation
qui permettent de sanctionner cette compétence.
CONCLUSION SUR L'APPROCHE PROPOSÉE
L'objectif d'une telle formation, c'est de créer une communauté réflexive et coopérative d'enseignants associés. Autrement dit, on ne vise surtout pas ici à ce qu'au terme de la formation, la réflexion collective s'arrête, comme s'il s'agissait d'éliminer tous les problèmes de supervision une fois pour toutes. Comme tout enseignant associé le dit à son stagiaire: <<des problèmes, il y en aura toujours>>. Ce qui vaut pour l'enseignement vaut aussi pour la supervision. Chaque stagiaire est différent, chaque relation de supervision est unique; de sorte qu'il sera toujours pertinent de parler entre enseignants associés des problèmes rencontrés et des solutions à partager, d'une année à l'autre. Sans doute, la façon d'aborder ces problèmes va se complexifier. Plus on traverse de problèmes, plus notre répertoire de solutions s'élargit, et plus notre répertoire de solutions s'élargit, plus nos problèmes deviennent complexes. C'est cela devenir un praticien réflexif, enseignant ou superviseur[4]. Sauf qu'il faut se donner les conditions pour que l'expérience soit occasion de ressourcement et nous croyons qu'une communauté réflexive et coopérative qui se donne l'occasion de partager sur les situations problématiques rencontrées fait partie de ces conditions.
TEXTES CITÉS
Bourbeau, L. (1995). La formation des enseignantes et des enseignants et la professionnalisation de l'enseignement. Communication présentée au 63e Congrès de l'Acfas, Chicoutimi.
Bussières, L. (1995). Le rôle du ministère de l'Éducation dans la réforme actuelle de la formation des maîtres au Québec. Communication présentée au 63e congrès de l'Acfas, Chicoutimi.
Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (1986). Les universités et les nouveaux besoins de perfectionnement des enseignants: Document de sensibilisation de proposition d'action préparé par le Sous-Comité de la formation et du perfectionnement des enseignants. Montréal.
Desgagné, S. (1995). Un mentorat en début de profession: la reconstruction d'un savoir d'expérience. Cahiers de recherche en éducation, 2 (1), 89-121.
Perron, M. (1990). La formation des maîtres. Dans F. Dumont et Y. Martin (dir.), L'éducation 25 ans plus tard! et après? (pp. 369-392). Québec: Institut québécois de recherche sur la culture.
Schön, D. A. (1983). The reflective practitioner. New York: Basic Books.
Tom, A. R. (1984). Teaching as a moral craft. New York: Longman.
Van Manen, M. (1977). Linking ways of knowing with ways of being practical. Curriculum Inquiry, 6 (3), 205-229.
Zeichner, K. M. (1983). Alternative paradigmes of teacher education. Journal of teacher education, 34 (3), 3-9.
NOTES DE BAS DE PAGE
[1]Dans la mesure où conçoit cette formation à la supervision comme une occasion de perfectionnement pour les enseignants, on peut considérer que l'orientation que nous lui donnons (sa perspective et son approche) s'inscrit tout à fait dans l'évolution des besoins de perfectionnement des enseignants, telle qu'analysée dans les textes institutionnels portant sur le sujet (voir, entre autres, Conférence des recteurs et des principaux des universtités du Québec, 1986). Pour caractériser brièvement cette évolution, on parle d'un déplacement des activités de perfectionnement de l'université vers le milieu scolaire, et d'une orientation qui se définit en termes d'<<acquis expérientiels à exploiter>> plutôt qu'en termes de <<lacunes académiques à combler>>. Notre perspective de formation à la supervision, dite de <<ressourcement>> plutôt que de <<recyclage>> nous semble actualiser cette nouvelle tendance.
[2]On souhaite explicitement, par là, encourager le développement d'un professionnalisme collectif. En effet, il de plus en plus souhaité que les enseignants travaillent à créer une force de coopération professionnelle qui leur permette, entre autres, de mieux cerner les contours du savoir qu'ils partagent, contribuant ainsi à mettre en évidence la spécificité de leur profession, et qui leur donne aussi le pouvoir de s'approprier leur devenir commun, en tant que professionnels (Perron, 1990; Bussières, 1995; Bourbeau, 1995). En outre, cela signifie prendre en charge une part de la formation de la relève, c'est ce que propose l'idée d'une équipe d'enseignants associés, et cela signifie aussi se donner des occasions de partager les acquis expérientiels et élaborer des solutions communes à des problèmes partagés, c'est ce que propose cette formation à la supervision des stagiaires.
[3]Les trois dimensions du savoir commun à construire, ici évoquées, renvoient, de façon générale, dans la documentation de recherche sur la formation des enseignants, aux trois principales orientations mises de l'avant pour développer la réflexivité des enseignants sur leur pratique, en contexte de formation (Van Manen, 1977; Zeichner, 1983; Tom, 1984; Desgagné, 1995): soit une orientation plus instrumentale (un répertoire de moyens d'action à utiliser), une orientation plus personnaliste (un style ou un art personnel à développer) et une orientation plus morale (une éthique professionnelle à construire et actualiser).
[4]L'expression de <<praticien réflexif>> et l'idée qu'on en donne ici renvoient à la conceptualisation de D. A. Schön du mode d'apprentissage en action du professionnel, dans son livre du même nom: The reflective practitioner.
Productions Tact
1 octobre 1996