Gestion de la classe,
Avril 2000
Partie I
1.1 La direction et les enseignants
1.2 Les enseignantes et les enseignants : valeur et projets partagés
1.2.1 Des valeurs communes
2.1 Spécificités et fonction de l'approche par projet
2.1.1 Le rôle de l'ordinateur dans le contexte de l'apprentissage par projet.
2.1.2 Des élèves engagés
2.1.3 Des élèves chez qui l'on veut développer des habiletés de pensée, de communication et de collaboration
2.1.4 Des apprentissages significatifs
3.1 Le rôle de l'enseignant
3.2 Le rôle de l'élève
Partie II
5.1 Planification du temps de classe
5.2 Gestion du temps d'apprentissage
Partie III
7.1 La théorie des intelligences multiples de Gardner
7.2 La notion de compétences collectives : Une compétence interactionnelle, un réseau
d'intelligences multiples
7.3 L'apprentissage par projet
7.3.1 La préparation
7.3.2 La réalisation
7.3.3 Intégration
7.4 Le projet Renaissance
7.5 Le site Web: une démarche progressive
8.1 La direction et les élèves
8.2 La direction et les parents
Mise en contexte
Ce document s'adresse à ceux et celles qui oeuvrent dans l'enseignement et qui réfléchissent à l'arrivée massive des technologies de l'information et des communications (TIC) en éducation, à leur impact éventuel sur l'apprentissage des élèves de même que sur leur propre travail. Pour notre part, nous appuyant sur les résultats des recherches les plus probantes, nous soutenons que la réussite de l'intégration des TIC en situation d'apprentissage dépend de la façon avec laquelle l'enseignante ou l'enseignant utilise la nouvelle technologie.
Nous voulons donc communiquer avec les pédagogues d'aujourd'hui qui ont commencé à définir les conditions préalables à la mise en place de la pédagogie de demain ou qui seraient désireux de contribuer d'une manière ou d'une autre à l'avancement de la pédagogie dans des classes qui passeront progressivement en réseau aux fins de l'apprentissage formel des élèves. Même si le Programme des programmes qui sera mis en oeuvre nous y invitera vraisemblablement, il y a tout lieu de croire qu'une telle transition se fera lentement, car elle implique une redéfinition de l'interaction entre le maître et les élèves, de même qu'entre les élèves.
Pour notre part, nous inscrivant dans la foulée du récent avis du Conseil supérieur de l'éducation, L'école, communauté éducative, nous vous invitons à être témoins de nos premiers pas dans cette direction. Devant l'ampleur de la tâche, nous avons créé, pour y arriver, un partenariat.
Ainsi, le trajet que nous rapportons ici est celui de la première phase du projet de recherche, projet qui réunit une direction d'école mandatée par sa commission scolaire, des enseignantes et des enseignants, des parents, des stagiaires et des chercheurs de l'Université Laval financés par le Fonds FCAR. Ensemble, nous cherchons à réussir l'intégration des TIC en salle de classe. Nous disposons d'un niveau de connectivité élevé (lien rapide à l'intranet de l'école et à l'Internet, ordinateur portable pour chaque élève et enseignant-e, stagiaires équipés d'un ordinateur à la maison, portatif, ou encore, se partageant un ordinateur portable à l'école).
Cependant, dans un contexte scolaire où les élèves (en 1e secondaire, en 2e secondaire et en 3e secondaire) sont partie prenante de leur apprentissage et disposent d'un outil relativement puissant, il importe de repérer les problèmes à temps en faisant appel à toutes les ressources de notre compétence pédagogique.
Si nos rôles respectifs se transforment substantiellement, on ne peut manquer de songer à de nombreuses situations où nous nous savons en continuité avec notre passé pédagogique et à d'autres où nous avons conscience qu'une rupture est en train de se produire et qu'il importe désormais que nous travaillions autrement.
Faire en sorte que les TIC servent les pédagogues d'aujourd'hui et de demain, telle est la tâche que nous voulons partager avec vous. C'est pourquoi nous avons mis en place, en partenariat avec l'Infobourg, un forum de discussion auquel nous vous invitons à participer. Consultez la page suivante : http://www.infobourg.qc.ca/protic
Dans ce forum et d'autres forums correspondants, nous discuterons des différents aspects du "carnet de notes" que nous vous soumettons aujourd'hui. Dans ce dernier, nous discutons de la manière dont les TIC viennent transformer nos façons de travailler, des problèmes qui apparaissent quand la classe utilise les TIC et, plus particulièrement, le réseau.
L'an prochain, notre attention se portera davantage sur la communication pédagogique, car nous pourrons désormais compter sur une organisation et une gestion de classe mieux balisées. Au moment où les technologies apparaissent tout autour de nous, il importe que nous nous penchions avec attention sur notre développement professionnel.
Pour réussir le passage du Québec vers la société du savoir, les enseignantes et les enseignants sont indispensables. Les auteurs du présent document en sont profondément persuadés. Dans ce texte, ils vous livrent leur façon de répondre aux nouvelles attentes créées par une société du savoir en plein développement, tout en empruntant une démarche dynamique dans la façon d'y parvenir. Leur recherche-action s'appuie sur des fondements de nature socio-constructiviste qui viennent éclairer le choix et la mise en oeuvre de conditions favorables pour les élèves maintenant appelés, en plus grand nombre que jamais, à atteindre un seuil élevé de réussite.
Portée par le développement que connaissent les technologies de l'information et des communications, la société du savoir fait appel à notre capacité à travailler en collaboration. S'unir, à l'école comme au travail, et faire preuve d'intelligence collective telle nous semble être la voie à privilégier pour faire contrepoids à la tendance à l'automatisation des tâches. Dans les deux cas, l'ordinateur en réseau joue, en effet, un rôle différent.
L'équipe de recherche se considère privilégiée de disposer d'un accès illimité à l'Internet et à des intranets qui lui permet de faire un usage efficace des ordinateurs branchés en réseau à des fins d'enseignement et d'apprentissage. Ces dernières, axées sur l'atteinte des habiletés socio-cognitives, sont de la plus haute importance pour les pays développés. Marqués par une importante décroissance démographique qui s'oppose à l'explosion des populations des pays en voie de développement, les pays développés requièrent en effet l'augmentation d'une main-d'oeuvre de plus en plus qualifiée afin de maintenir un haut niveau de qualité de vie.
Dans un tel contexte, enseigner dans le but d'aider les élèves à acquérir les habiletés de base ne suffit plus. L'enseignant doit adopter des façons de faire efficaces qui puissent amener le plus grand nombre d'élèves possible à développer des modes de pensée et d'interactions sociales supérieurs. Pour apporter notre contribution à un tel enjeu (voir les compétences transversales du Programme des programmes), nous avons choisi de chercher ensemble à utiliser efficacement les ressources et les outils que nous procurent les ordinateurs branchés en réseau dont nous disposons.
Notre projet de recherche, financé par le Fonds FCAR, s'étend sur trois ans. Nos efforts se sont concentrés sur le choix et l'installation de conditions propices à l'atteinte des objectifs du programme PROTIC (Programme de formation au secondaire axé sur l'intégration des nouvelles technologies de l'information et des communications) de l'école secondaire Les Compagnons-de-Cartier, objectifs qui vont de pair avec ceux des programmes scolaires courants, tout en s'inspirant des finalités et des moyens de l'actuelle réforme de l'éducation au Québec. Nous souscrivons à cette dynamique de changement et mettons nos énergies à l'organisation et à la gestion de nouveaux environnements d'apprentissage. La classe, envisagée comme une communauté d'apprentissage, oriente notre effort pédagogique.
Dans le but d'aider nos successeurs dans la construction de leur communauté d'apprentissage, ce qui, dans le futur, pourra donner lieu à des échanges fructueux. Nous partageons les résultats de nos premiers essais d'organisation et de gestion de classe. Ainsi, dans notre cas, chacun des membres de notre communauté dispose d'un ordinateur portable branché en réseau, à l'école comme à la maison. Comment nous y prenons-nous pour organiser la classe et la gérer quand les élèves travaillent avec un ordinateur? Que se passe-t-il quotidiennement? Quels sont les points d'attention les plus critiques? De quels repères disposons-nous pour évaluer la qualité du climat d'apprentissage qui prévaut dans la classe? Voilà autant de questions et de pistes que nous voulons partager avec vous en présumant que les situations que nous vivons au sein d'une classe totalement "branchée" trouveront un écho dans votre pratique pédagogique, quel que soit le niveau de connectivité électronique de la classe ou de l'école au sein desquelles vous oeuvrez présentement.
Plus encore, nous souhaitons, d'abord et avant tout, faire appel
à votre compétence pédagogique et à votre esprit de collaboration de manière à ce que, toutes et tous ensemble, nous fassions une entrée réussie dans le 21e.
1.1 La direction et les enseignants
Avant de mettre sur pied le programme Protic, l'école Les Compagnons-de-Cartier, de la commission scolaire des Découvreurs, tentait déjà, depuis quelques années, de rendre aussi accessible que possible l'utilisation des TIC. Un cours a été créé au début des années 90 pour permettre aux élèves, dès la 1ère secondaire, de se familiariser avec les ordinateurs afin d'être en mesure de les utiliser le jour où un enseignant déciderait de les intégrer à sa pédagogie. En 1994, forte de cette expérience, l'école s'est vu confier par la commission scolaire le mandat d'explorer plus à fond les possibilités offertes par les nouvelles technologies dans un contexte scolaire.
Trois personnes prennent alors la direction du programme Protic : Marc Giguère, alors directeur de l'école, Gilles Grégoire, directeur adjoint, et Guy Bergeron, conseiller pédagogique en A.P.O. Rapidement, ils estiment qu'il leur faut rompre avec la pédagogie traditionnelle et ils orientent leur réflexion autour de deux grands paramètres: premièrement, les TIC doivent être parfaitement intégrées au projet pédagogique si l'on désire en faire un outil de travail au même titre qu'un volume ou une grammaire; deuxièmement, pour en arriver à cette parfaite intégration, il faut développer une approche qui exploite les nouvelles tendances pédagogiques, soit l'apprentissage par projet, la coopération entre élèves et le développement des compétences transversales. Le défi est important puisque le projet Protic devient, dans les faits, une école à l'intérieur de l'école avec une dynamique qui lui est propre et qui requiert une énorme capacité d'adaptation de la part des élèves, des enseignants et de la direction.
Les enseignants qui oeuvrent au sein de ce programme sont spécifiquement recrutés sur la foi de leur intérêt à travailler par projet et de leur désir d'intégrer les TIC à leur pédagogie. L'organisation de la tâche se démarque nettement des pratiques habituelles. Protic accueille actuellement 64 élèves par niveau (192 en 1999-2000 et répartis en six groupes). Chacun des six enseignants est responsable d'une matière de base. En 1ère secondaire, par exemple, il s'agit des mathématiques et de la géographie pour l'un, et du français et de l'écologie pour l'autre. Par ailleurs, chaque enseignant est titulaire d'un groupe auquel il enseigne les sciences religieuses ou la morale, les méthodes de travail intellectuel et la formation personnelle et sociale. Un enseignant consacre ainsi 14 périodes au groupe dont il est titulaire et 10 au second. S'ajoutent à cette équipe les enseignants titulaires des spécialités de musique, d'arts plastiques, d'éducation physique ou d'anglais. Cette dernière est d'ailleurs une matière dont l'importance est accentuée dans le programme par un nombre plus élevé de périodes qui y sont consacrées.
Dans ce contexte, le directeur-adjoint responsable de Protic, Gilles Grégoire, ainsi que le personnel des services éducatifs de la commission scolaire accompagnent très activement les enseignants dans leur démarche. Une fois par cycle, le directeur adjoint rencontre ces derniers dans le but d'évaluer le déroulement du programme. L'équipe des services éducatifs en fait autant. Ces relations avec les enseignants sont essentielles dans la mesure où la mise en place du programme correspond aussi à une vaste expérimentation qui n'a d'équivalent nulle part au pays. Les expériences de chacun doivent être partagées non seulement pour faire le point sur les réalisations des uns et des autres, mais aussi pour s'assurer qu'une philosophie commune s'implante et rayonne au sein des classes Protic. Le recul est essentiel pour que s'établisse une certaine continuité dans les pratiques pédagogiques et qu'une ligne directrice soit tirée entre les niveaux. Sans ces rencontres, des enseignants, trop absorbés par les exigences de l'enseignement par projet et par les liens particuliers qui se développent avec les élèves, pourraient facilement perdre de vue ce qui se fait à l'extérieur de leur classe. À défaut de permettre le développement des relations étroites entre les enseignants de Protic, le programme risquerait de ne pas survivre très longtemps.
Bien sûr, la mise en oeuvre d'un projet semblable, dans une école où se vit une culture organisationnelle solidement ancrée, provoque quelques remous et engendre certaines inquiétudes. L'apparition de Protic a provoqué un choc entre deux approches pédagogiques : l'une, plus traditionnelle, et largement répandue, situe l'enseignant au centre de la démarche pédagogique, tandis que l'autre place l'élève au coeur de l'action, et est présentée par ses défenseurs comme la voie du renouvellement de l'école. Les élèves et les enseignants de Protic qui évoluent dans un contexte d'apprentissage bien différent de celui des classes régulières font, de ce fait, l'objet d'une attention particulière. Des craintes sont alors apparues chez certains enseignants de l'école qui redoutaient de se voir imposer un changement de leurs méthodes d'enseignement par la direction. Il n'est pas facile, en effet, d'accepter que des élèves atteignent, de manière relativement autonome, les mêmes objectifs que ceux qui voient leur apprentissage essentiellement dirigé par un enseignant À cet égard, la grande activité qui règne dans les classes Protic dérange les enseignants habitués à voir des élèves sagement installés à leur pupitre et disposer de moins de ressources, de sorte que les enseignants de Protic vivent un certain isolement. En outre, comme les uns et les autres ne voient pas les mêmes élèves, ils sont privés du premier sujet de discussion qui anime toute salle des enseignants. Toutefois, les enseignants de Protic, voire les stagiaires, deviennent des sources d'informations de premier ordre pour ceux qui s'intéressent à l'apprentissage coopératif et à la pédagogie par projet.
1.2 Les enseignantes et les enseignants : valeurs et projets partagés
Les enseignants qui travaillent à Protic se sont engagés dans ce projet sur la base d'une conception de l'apprentissage qui situe l'élève au coeur de l'action. Cependant, et c'est ce qui fait la richesse de ce projet, cette conception, quoique partagée par tous les enseignants, repose sur des convictions propres à chacun d'eux. Loin de diluer le projet, la diversité de cette contribution pédagogique lui a plutôt donné sa substance propre. Nous présentons ici des témoignages de ces quatre enseignants qui ont, chacun à leur manière, donné le coup d'envoi à ce projet pédagogique.
Je continue à croire que la réussite des élèves dépend en grande partie de la qualité des liens qui s'établissent entre eux et l'enseignant. Je pense que le développement d'un véritable sentiment d'appartenance au groupe est fonction directe de la valeur des relations interpersonnelles. Sans cette confiance mutuelle, les ordinateurs, tout comme les livres de classe, ne sont d'aucune utilité.
Je vois l'enseignant comme une personne qui crée des liens entre les objectifs du curriculum, de manière à faire naître un projet, entre les membres d'une équipe, dans le but d'améliorer ce projet, avec des gens de l'extérieur (parents, compagnies) afin que le projet monté soit réaliste et, enfin, avec l'actualité afin d'encourager les élèves à s'y intéresser.
J'ai réalisé que les ordinateurs, en leur qualité de machines, ne changeaient pas l'enseignement, mais lui conféraient plus de portée. En ce sens, l'enseignement général devient, avec le soutien des ordinateurs, plus fermé et plus contrôlé. En revanche, l'enseignement par projet gagne en profondeur et en étendue.
J'ai compris que ce qui fait l'intérêt et la valeur des ordinateurs, ce sont les réseaux qu'ils permettent de créer et, par ceux-ci, la mise en commun des connaissances à l'échelle planétaire. Les ordinateurs n'ont pas engendré la communication, mais lui ont donné une portée et une signification absolument nouvelles auxquelles nous devons accorder toute notre attention.
Enseignant 1
L'apprentissage coopératif, sur lequel repose le travail d'équipe, a comme principal objectif la construction des connaissances en collaboration. L'intérêt de cette démarche réside, selon moi, dans le fait que l'élève apprend à être responsable de ses apprentissages. En collaboration avec ses pairs, l'élève s'approprie les éléments du savoir à partir d'une démarche de projet qui l'amène à assumer différentes responsabilités tant à son égard qu'à l'égard des membres de son équipe et, ce faisant, à développer des habiletés nouvelles dans le respect des différences. Dans ce contexte, l'enseignant devient alors le guide d'une démarche d'apprentissage qui appartient et revient à l'élève. La classe n'est plus ce lieu où le silence est roi et maître, mais bien plutôt l'espace, ouvert, de la communication et de la collaboration. L'apprentissage s'effectue désormais dans le parcours multiforme du partage des informations et de la co-construction des connaissances.
Enseignant 2
Ma démarche consiste à interroger la valeur de l'apprentissage actif, en collaboration et interdisciplinaire lorsque ce dernier est assisté par l'ordinateur branché en réseau. À cet égard, le programme Protic veut faciliter la participation de l'élève à l'organisation de son milieu et à l'élaboration collective de la connaissance en lui permettant de se doter d'une instrumentation intellectuelle et par là même d'en évaluer l'impact sur son propre développement et sur celui de la communauté d'apprenants à laquelle il appartient. L'élève peut ainsi prendre conscience de sa singularité et de la contribution nécessaire de celle-ci à l'édification du savoir collectif, ce qui revient à dire que la connaissance est en relation étroite avec les compétences personnelles et relationnelles.
Je considère les élèves comme détenteurs d'un ensemble d'habiletés intellectuelles qu'ils sont progressivement amenés à maîtriser et à développer dans la connaissance de celles des autres élèves au cours de leur démarche d'apprentissage. Cette interaction intellectuelle entre plusieurs individus rassemblés autour d'un même projet me semble de la plus haute importance parce qu'elle incite chacun d'eux à réfléchir, à analyser et à interpréter plusieurs fois une même situation. L'approche par projet peut ainsi conduire l'élève à évaluer sa démarche intellectuelle, dès lors qu'il la confronte à celle de ses pairs et, par le fait même, l'amène à la modifier et à l'enrichir.
Selon moi, l'apprentissage par projet ne met pas l'accent sur la performance intellectuelle, mais bien plutôt sur le développement intégral de l'élève par le biais de la coopération entre pairs et de l'interaction avec son enseignant. La multiplication des interactions au sein d'un groupe donné vise à de profondes transformations intellectuelles tant du côté de l'élève que du côté du groupe au sein duquel cet élève évolue. Les possibilités de cette construction collective sont illimitées. Dans cette perspective, les réalités de l'enseignement à Protic me paraissent offrir un espace où se multiplient les possibilités de rencontres de la manière la plus démocratique qui soit.
Enseignant 3
Pour moi, l'apprentissage par projet assisté par l'ordinateur en réseau constitue une approche pédagogique fondamentalement démocratique. Si je reconnais la nécessité pour l'élève de faire l'apprentissage de contenus précis (objectifs d'apprentissage), je pense, par ailleurs, que ces apprentissages doivent se faire au sein d'un environnement qui permettra à l'élève de développer le sens de la communauté. Je crois en ce sens qu'une approche démocratique de l'apprentissage peut contribuer au développement des habiletés sociales de l'élève dans la mesure où je pense que nous formons des citoyens selon le modèle que nous créons dans nos classes.
Enseignant 4
1.2.1 Des valeurs communes
Indépendamment de leurs particularités individuelles, les témoignages des quatre enseignants se rejoignent autour de trois axes orientant leur projet pédagogique commun, soient l'autonomie, le sens des responsabilités et, enfin, celui de la communauté.
L'approche par projet et le travail coopératif représentent, pour les enseignants de Protic, une voie privilégiée du développement de l'autonomie parce qu'ils permettent à l'élève d'assumer une tâche en tenant compte de ses forces et de ses faiblesses, de faire des choix, de partager ses opinions, de les confronter à celles des autres, de s'ouvrir à la critique et, finalement, d'établir un consensus avec ses pairs.
En remettant à l'élève la responsabilité de ses apprentissages, ce projet pédagogique veut favoriser l'affirmation de soi, la capacité de prendre des risques et l'ouverture au monde. En outre, il veut permettre à l'élève de s'engager dans toutes les étapes de l'élaboration d'un projet, stimuler son imagination et, par conséquent, de l'amener à développer un sentiment de fierté personnelle et de réussite. C'est en ce sens que les enseignants du programme Protic croient que plus un élève a la possibilité de participer aux décisions, plus il souhaitera s'engager et sera à même de développer son sens des responsabilités.
Enfin, le travail coopératif et l'approche par projet favorisent l'échange d'informations et la communication par le biais de l'équipe, de la classe, de l'école, de l'environnement immédiat et lointain, et par le recours à toutes les formes d'expression et de communication possibles: travaux écrits informatisés, exposés en classe, expos-conférences, spectacles, colloques, courriers électroniques, Internet, web et toutes les autres formes d'échange possibles.
D'ailleurs, parce qu'ils incitent l'élève à faire sa place dans la communauté, en le plaçant dans des situations où il doit communiquer ses idées de manière organisée et, par le fait même, les partager, l'enseignement par projet et le travail coopératif représentent aux yeux des enseignants de Protic un exercice privilégié de la démocratie. Loin de s'isoler, l'élève apprend à faire avec les autres et développe, conjointement à l'esprit de collaboration, un vif sentiment d'appartenance à sa communauté.
En ce sens, plus qu'à une approche pédagogique démocratique, c'est à l'exercice même de la démocratie que l'élève est convié par le travail coopératif et par l'approche par projet. Par son engagement, par l'exercice d'habiletés qui lui sont propres et qui s'enrichissent au contact sans cesse renouvelé de celles des autres, par l'esprit d'ouverture qu'un tel échange contribue à développer, l'élève prend peu à peu conscience de son unicité dans la relation de réciprocité qui s'établit entre lui et sa communauté d'apprentissage.
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Est-il nécessaire de rappeler les objectifs d'instruction, de qualification et de socialisation préconisés par le Conseil supérieur de l'Éducation? En ce sens, ne devons-nous pas privilégier des approches pédagogiques qui favorisent la participation des élèves à l'ensemble de la vie scolaire et institutionnelle? Il est alors nécessaire que les élèves puissent s'exercer à la démocratie en contexte d'apprentissage. Cela signifie que l'enseignant doit concevoir des projets et offrir des situations d'apprentissage qui puissent permettre à l'élève de développer un comportement démocratique. L'appropriation de ce comportement passe par une gestion démocratique du temps, des lieux et des activités d'apprentissage, de manière à ce que l'élève apprenne à faire des choix dans le cadre de son association avec les personnes qui forment son premier environnement social. Il s'agit, plus précisément, de mettre l'élève en situation d'exercice de la démocratie par la prise de responsabilités multiples qui ont un rapport direct avec le fonctionnement de la classe. Dans cette perspective, l'approche par projet soutenue par les TIC constitue un indéniable atout parce qu'elle met les élèves en contact direct avec des gens, des milieux et des institutions réelles.
Le programme PROTIC, qui fait appel aux technologies, tente de répondre aux objectifs du MEQ selon une perspective qui lui est propre.
Demandons-nous d'abord en quel sens nous entendons lier pédagogie et démocratie. Rappelons qu'à Protic, l'approche par projet est privilégiée. Si nous reconnaissons la nécessité pour l'élève de faire l'apprentissage de contenus précis (objectifs axés sur le savoir déclaratif), nous pensons, par ailleurs, que ces apprentissages doivent se faire au sein d'un environnement qui permettra à l'élève de développer une conscience collective. Voilà pourquoi il importe de réfléchir sur le modèle éducatif que l'équipe pédagogique entend mettre en place dans les classes Protic.
Précisons dès maintenant que la loi de l'instruction publique prescrit, depuis le 1er juillet 1998, l'instruction des élèves de même que leur qualification et leur socialisation2. Le Conseil insiste, à cet égard, pour dire que les contenus d'enseignement ne doivent pas demeurer théoriques, ce qui revient à dire qu'il faut privilégier des approches pédagogiques qui favorisent la participation des élèves à l'ensemble de la vie scolaire et institutionnelle. La réussite de cette mission repose donc sur une approche pédagogique tournée vers la formation d'individus responsables. Il devient alors nécessaire que les élèves puissent exercer la démocratie en contexte d'apprentissage. Cela signifie qu'il faut concevoir les situations d'apprentissage en fonction de cette nécessité. Le cadre taxonomique de Discas (Développement Institutionnel : Services de Consultation et d'Animation Scolaires, http://discas.educ.infinit.net/ ) et, plus spécifiquement, celui qui a trait aux objectifs affectifs constitue à cet égard un modèle intéressant pour la mise en oeuvre de telles situations. Pour ceux et celles qui s'y intéressent, il est possible de le consulter à l'annexe A. Il incombe donc à l'enseignant d'offrir des situations d'apprentissage qui permettront à l'élève de développer un comportement démocratique. Dans cette perspective, l'approche par projet soutenue par les TIC constitue un indéniable atout parce qu'elle met les élèves en contact direct avec des gens, des milieux et des institutions réelles.
L'intégration de l'ordinateur à la classe n'a de sens que dans le cadre d'un apprentissage actif3. Ce n'est pas, en effet, par l'interaction personne/machine que le programme Protic se distingue, mais par l'interaction entre personnes qui disposent d'ordinateurs en réseau pour faire (ou faire faire) l'apprentissage des contenus du programme. Ce sont donc les logiciels-outils de base, soient ceux qui permettent d'obtenir de l'information et de produire des textes, des images, des animations et des sons, qui sont utilisés.
2 I-13.3 LOI SUR L'INSTRUCTION PUBLIQUE a. 36 http://doc.gouv.qc.ca/ 3 Voir les principes de l'APA, http://www.fse.ulaval.ca/fac/tact/fr/html/principe.html |
Par conséquent, l'appropriation des logiciels-outils de base ne constitue pas une fin en soi à Protic. L'initiation à leur emploi s'effectue en effet par le biais de leur intégration aux programmes scolaires, plus précisément par la réalisation de projets d'apprentissage qui peuvent inclure plus d'une matière. Comme nous le verrons dans les lignes qui suivent, l'approche par projet crée, de par sa nature même, un contexte favorable à l'intégration de l'ordinateur lorsque ce dernier est utilisé comme outil. Par ailleurs, les outils technologiques peuvent accroître la valeur des apprentissages réalisés en projet, parce qu'ils multiplient les possibilités d'échanges et de traitement de l'information. Le présent chapitre se veut donc une réflexion sur l'intégration de l'ordinateur dans le contexte de l'apprentissage par projet en prenant pour exemple une expérience concrète vécue en classe Protic.
2.1 Spécificités et fonctions de l'approche par projet
En quoi l'approche par projet crée-t-elle un contexte favorable à l'intégration de l'ordinateur ? Pour répondre à cette question, il importe, d'une part, de rappeler les caractéristiques de cette approche pédagogique4 et, d'autre part, d'examiner les possibilités nouvelles qu'offrent les technologies de l'information et des communications.
L'approche par projet n'est pas nouvelle et a presque toujours fait partie des pratiques pédagogiques. Toutefois l'apprentissage par projet, en tant que composante centrale de l'enseignement, ne remonte qu'à la fin du 19e siècle avec les expériences de John Dewey. Ce dernier s'est intéressé à l'approche par projet, ainsi qu'aux conditions nécessaires à sa mise en oeuvre en s'appuyant sur trois principes :
tous les élèves, pour apprendre,
doivent être actifs et produire quelque chose; tous les élèves doivent
apprendre à penser ou, ce qui, pour Dewey, revient sensiblement au
même, apprendre à résoudre des problèmes; enfin, tous les élèves
doivent se préparer à vivre en société et, en conséquence, apprendre à
collaborer avec d'autres personnes5.
Or la réalisation d'un projet en contexte scolaire permet précisément l'application de ces trois principes en raison des caractéristiques suivantes : le projet a d'abord un but6 et celui-ci se matérialise généralement
4 Comme il n'est pas question ici de prétendre que ce court chapitre puisse aborder l'approche par projet d'une façon complète, on aura tout intérêt à se référer au document Apprendre ensemble par projet avec l'ordinateur en réseau http://www.tact.fse.ulaval.ca/fr/html/sites/guidep.html 5 Ibid, http://www.tact.fse.ulaval.ca/fr/html/guiped.html , p.7 6 Kilpatrick p.7 voit d'ailleurs l'existence d'un but comme l'élément déterminant du projet. par une production concrète réalisée par les élèves qui se font ainsi les acteurs de leur apprentissage. Il s'agit donc d'une pédagogie centrée sur l'élève. |
De plus, parce qu'il se constitue comme le processus d'une construction en vue d'une réalisation finale, le projet implique une succession d'étapes au cours desquelles peuvent venir se greffer diverses activités pédagogiques. Cela nous amène vers une autre caractéristique importante de l'approche par projet, soit la multiplicité des tâches et des disciplines présentes à l'intérieur d'un même projet. Enfin, la réalisation d'un projet repose sur le travail d'une communauté d'apprenants qui doivent communiquer fréquemment et efficacement entre eux. La dimension sociale de l'éducation se retrouve ainsi au premier plan de l'approche par projet.
2.1.1 Le rôle de l'ordinateur dans le contexte de l'apprentissage par projet
Qu'apporte donc l'ordinateur dans le contexte d'une classe en projet ? Comme nous l'avons déjà mentionné, il y est utilisé comme outil et ne constitue donc pas une fin en soi, même si sa maîtrise représente un avantage de plus pour les élèves et l'enseignant. En effet, qui dit outil, dit prolongement des mains et de la tête, ce qui signifie que l'ordinateur demeure sous la responsabilité de quelqu'un qui décide du moment et des conditions à l'intérieur desquels il jugera opportun d'y avoir recours. Ce rôle échoit aussi bien à l'enseignant qu'aux élèves. L'ordinateur et ses périphériques forment ainsi un formidable tremplin qui multiplie les possibilités d'échange et de traitement de l'information. L'accès à un réseau informatisé (Internet, intranet, courrier électronique,...) permet désormais de dépasser les limites de la classe pour recueillir et échanger l'information. Cela s'avère d'autant plus utile que le projet nécessite déjà beaucoup de communication et de collaboration. L'ordinateur permet de faire circuler l'information écrite, les images et les sons. Il devient donc possible d'avoir recours à un plus grand nombre de médias, ce qui engendre des répercussions positives sur les plans de la pédagogie et de la motivation. Pour ce qui est du traitement de l'information, l'intérêt des outils technologiques apparaît encore plus évident, les élèves pouvant présenter des productions sous de multiples formes (document écrit, illustrations, pages web, ...) avec une facilité parfois déconcertante. Enfin, le stockage d'informations permet de retracer l'évolution du processus de construction du produit final. Il reste donc à voir quels sont, concrètement, les effets de l'intégration de l'ordinateur en réseau dans une approche par projet.
2.1.2 Des élèves engagés
Lorsqu'ils travaillent en projet, la plupart des élèves sont davantage motivés sur le plan intellectuel, l'approche par projet leur offrant la possibilité de s'engager activement dans leur propre apprentissage par le biais de réalisations concrètes. Ils sont intellectuellement plus actifs du fait qu'ils sont partie prenante d'un processus de construction plutôt qu'agents passifs d'un exercice décontextualisé. Le projet donne donc un sens aux apprentissages des élèves. Ces derniers, qui se sentent ainsi sollicités, vont fréquemment au-delà de ce qui leur est demandé :
...on fait beaucoup de présentations, c'est comme ça qu'on étudie nos matières... ça m'a motivé, ça m'a permis d'apprendre beaucoup de choses, puis c'est de la bouche des autres élèves ; ils connaissent leur thème... j'écoute les présentations, et j'ai à présenter un thème en particulier...je pense que les élèves ont beaucoup plus de respect en écoutant les autres élèves parler... c'est plus intéressant... en PROTIC, on met de l'originalité dans les présentations ; on fait des petites mises en situation. Ça, c'est un autre petit coup de pouce. On intègre beaucoup de matières...
Le projet présente aussi des avantages en ce qui a trait à la durée des apprentissages s'y rattachant : il existe un début et une fin que l'élève est capable de voir venir et qu'il lui appartient d'administrer. L'élève est alors plus enclin à persévérer.
...quand tu es par projet, il est vrai que ça demande plus de temps et plus d'effort, mais c'est toi qui apprends et tu apprends aux autres. C'est toi qui vas aller chercher les références et tu vas faire un peu comme ton professeur..."
Par ailleurs, le stockage de l'information dans l'ordinateur lui permet de récupérer, de retravailler et d'élaborer un même travail. Enfin, la souplesse de l'approche par projet rend possible l'intégration d'une grande variété d'activités pédagogiques, ce qui plaît aux élèves et permet à l'enseignant de diversifier son enseignement.
2.1.3 Des élèves chez qui l'on veut développer des habiletés de pensée, de communication et de collaboration
Parce qu'il se réalise en communauté d'apprenants, le projet peut nécessairement avoir des effets positifs sur le développement personnel et social de chaque élève et, de ce fait, s'inscrit bien dans la mission de l'école qui est de favoriser le développement intégral de chaque élève. Ainsi, parce qu'ils travaillent ensemble, les élèves sont amenés à développer leurs habiletés de communication.
Souvent, on donne nos commentaires à la fin d'une présentation pour mentionner comment on pourrait faire pour s'améliorer une fois de plus. Nous disons parfois des choses négatives, car il faut tout simplement les améliorer. On soulève les points positifs qu'on devrait garder. Ces commentaires sont faits pour nous aider.
Puisqu'un projet est le fruit d'un travail collectif, et donc d'un consensus, les élèves sont également conduits à développer leur habileté à négocier. Il leur faut alors apprendre à faire confiance aux autres et, nécessairement, à avoir confiance en eux-mêmes. En trouvant un champ d'action où ils se sentent utiles au groupe, que ce soit sur le plan technique ou académique, les élèves se sentent valorisés et, par le fait même, le projet pédagogique vise à développer une plus grande confiance en eux-mêmes en leur fournissant davantage d'occasions de se rendre utiles.
Mes souvenirs, c'est avec mon copain à côté de moi, parce que moi, ma force c'est l'histoire, puis lui, il est vraiment bon en informatique. Donc, quand on avait des cours d'histoire, je l'aidais beaucoup, puis je lui donnais des conseils et je lui apprenais de la matière. Il faisait la même chose pour moi en informatique, donc ça m'aidait beaucoup comme ça.
Si, par définition, le projet se réalise en collaboration, le travail personnel n'est pas pour autant négligé. Parce qu'ils doivent souvent accomplir des tâches complémentaires, les membres de chaque équipe doivent développer leur sens de l'organisation et leur sens des responsabilités. La latitude d'action préconisée par l'approche par projet, jointe à la nécessité d'une collaboration de tous, favorisent chez la majorité des élèves le développement de l'autonomie. Il faut dire que lorsque l'habitude du travail en collaboration s'installe dans une classe, la pression du groupe devient suffisamment forte pour ramener les " brebis égarées " dans le droit chemin.
...on se répartit les tâches au début du projet, puis on se donne une date de remise. Puis, rendus à cette date, on se donne tout le travail qu'on a fait. Puis ça arrive des fois qu'il y en a qui n'ont pas fait le travail. Donc il faut donner un surplus de temps, puis on a moins de temps pour une autre étape.
De même, cette liberté accrue laisse davantage de place à la création, réservant souvent d'agréables surprises à l'enseignant. Cela peut aller jusqu'à une modification de la forme du projet. Ici encore, l'ordinateur vient multiplier les possibilités de réalisations. Enfin, comme chaque élève doit affronter des situations diverses tant sur le plan intellectuel que social, il est progressivement amené à développer une grande capacité d'adaptation.
Il existe bien sûr des élèves chez qui on observe une plus grande difficulté d'adaptation, mais la majorité d'entre eux est stimulée par le travail de collaboration inhérent au travail en projet. Quant à l'ordinateur, sa présence devient une source de motivation supplémentaire parce qu'il facilite et stimule les échanges sous différentes formes, tout en offrant une ouverture sur le monde qui dépasse le lieu réel de la classe comme le démontre l'extrait suivant :
Je travaille en m'amusant. Moi, je travaille beaucoup, beaucoup, mais je parle en même temps... vu qu'on est en équipes, on peut parler... on parle des recherches, tu peux aussi demander à quelqu'un comment faire des choses sur l'ordinateur. On apprend en équipes... c'est plus intéressant que d'écouter le professeur en avant...
Il devient ainsi possible de communiquer avec l'enseignant ou avec des personnes-ressources de l'extérieur, tout comme il est possible d'accéder à des sources d'informations, de sons et d'images. Il est également intéressant de voir comment des élèves timides peuvent utiliser la communication par réseau pour poser des questions qu'ils n'oseraient soulever publiquement. Par ailleurs, de nombreux élèves finissent par joindre l'utile à l'agréable en communiquant entre eux à partir de leur foyer. Il est parfois surprenant de constater le nombre élevé d'informations à teneur strictement scolaire qui s'échangent en dehors du temps de classe. Enfin, l'utilisation de logiciels-outils permet aux élèves - le professeur ne s'en plaint guère - de réaliser des travaux propres et bien présentés.
Si l'approche par projet comporte certaines vertus, il faut cependant admettre que tous les projets n'ont pas le même effet sur la motivation des élèves. Les projets les plus réussis sont ceux qui se rapprochent des intérêts des élèves et laissent à ces derniers une certaine latitude de création. Il faut en outre souligner que la motivation engendrée par l'utilisation d'ordinateurs n'est ni systématique, ni toujours positive. Il faut accepter de passer par des étapes parfois désagréables. Au tout début, l'ordinateur apparaît comme une extension du Nintendo de la maison, mais il apparaît peu à peu comme une machine complexe qu'il faut apprendre à connaître. Certains s'en détournent, tandis que d'autres cherchent à en découvrir les circuits les plus obscurs. C'est le temps des "bogues", des virus et autres fantaisies informatiques. Ce n'est qu'à la troisième étape que l'enseignant en vient réellement à apprécier la présence de l'ordinateur en classe : à ce stade, l'ordinateur devient secondaire pour presque tous les membres de la classe, tout en remarquant une multiplication de ses applications.
2.1.4 Des apprentissages significatifs
L'approche par projet jumelée à l'utilisation de l'ordinateur branché en réseau s'inscrit naturellement dans le courant constructiviste. Les élèves édifient progressivement leur savoir et leurs habiletés au coursde la construction du projet. L'aspect concret et multidisciplinaire de ce dernier a également l'avantage de rendre les apprentissages significatifs. Le savoir ne se présente plus comme une succession ou juxtaposition d'éléments distincts, dans l'esprit de l'élève, mais bien plutôt comme un réseau de relations: C'est pas du par coeur obligatoirement tout le temps, ce sont des matières intégrées aux projets. On voit les mêmes contenus qu'au régulier, sauf que c'est donné d'une façon plus intéressante.
L'ordinateur joue, à cet égard, un rôle non négligeable. Par exemple, pour chaque projet d'histoire, des élèves devaient construire des organigrammes mettant en relation les différents concepts sur lesquels ils devaient travailler. En utilisant un logiciel prévu à cette fin (MS Organigramme hiérarchique, inclus avec Windows), il leur était possible de remanier rapidement et aisément les différentes relations entre les concepts, au fur et à mesure que leur compréhension se développait. Utilisé de cette façon, l'ordinateur facilite l'exécution de plusieurs opérations, sans pour autant empêcher la réflexion. Au contraire, il confronte quotidiennement les élèves à de nouvelles situations de résolution de problèmes. L'aspect communautaire de l'approche se trouve ainsi renforcé par l'usage du réseau informatique qui stimule et élargit les échanges. Cela dit, le simple fait de travailler en projet crée déjà, en raison de la multidisciplinarité et de la multiplicité des tâches, d'excellentes occasions de résoudre des problèmes.
C'est nous qui structurons, cherchons dans les livres pour trouver l'information. Comme c'est nous qui apprenons par nous-mêmes, à la fin du projet, on peut apprendre aux autres ce qu'on a appris. Puis après, les autres nous apprennent ce qu'ils ont appris dans leur projet.
Parce que la réalisation d'un projet demande une grande organisation, il devient essentiel d'initier les élèves aux méthodes de travail intellectuel, ces fameuses "compétences transversales" autour desquelles s'articulent les nouveaux programmes pédagogiques7. Apprendre à apprendre, voilà donc un aspect essentiel de l'apprentissage que permet
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l'approche par projet. Confrontés à la diversité des tâches et à une liberté intellectuelle accrue, les élèves n'ont d'autre choix que de mettre en pratique des méthodes de travail dont l'efficacité croît avec l'usage. L'ajout des TIC à une telle démarche permet de simplifier l'organisation, ne serait-ce qu'en donnant la possibilité d'ordonner et de mieux manipuler les informations.
Les premières expériences doivent être dirigées par l'enseignant. Toutefois, avec de la pratique, plusieurs élèves deviennent suffisamment habiles pour gérer la majeure partie de leur projet. De même, en développant des méthodes de travail efficaces et en partageant leur savoir entre eux, beaucoup d'élèves en arrivent à faire des travaux plus élaborés, des apprentissages plus poussés, ce dont ils sont conscients :
...on fait plus de travaux, on apprend plus rapidement... c'est plus approfondi... on apprend des choses, on ne fait pas juste les connaître, on les apprend, on les approfondit, on creuse les sujets.
Il n'en demeure pas moins que l'apprentissage par projet assisté par l'ordinateur branché en réseau, constitue un défi de taille pour l'élève qui voit tous les aspects de sa vie en classe bouleversés. Les rôles, le temps d'apprentissage et les outils pédagogiques sont sans doute ceux avec lesquels il a le plus à composer comme l'illustre bien le témoignage suivant:
C'est vraiment un changement à Protic. Je n'étais pas habituée du tout. Disons qu'au primaire, je n'avais pas de misère, j'avais pas besoin de me forcer, puis au secondaire, je n'étais pas habituée de donner mon cent pour cent. J'avais de la misère, c'était pas mal de changement. (...) Je ne savais pas comment expliquer. Pour moi, ça fait du changement. Projets, travail en équipe, organisation, j'avais de la misère. (...) Comment gérer mon temps, qu'est-ce que je fais en premier pour pouvoir arriver à la fin de mon travail, je ne savais pas par quoi commencer.
Si l'adaptation requiert du temps, comme le reconnaît cet élève, elle semble, en même temps, être le gage d'un enrichissement insoupçonné : Tu as une démarche de travail spécifique, mais ça, c'est une base. Tu vas toujours avoir la même démarche, mais il va y avoir des facettes qui vont se développer. Donc, tu pars avec une petite démarche, elle se développe, elle se développe, c'est un peu comme une toile d'araignée.
L'école, telle que nous la concevons dans le cadre du programme Protic, n'a donc pas tant la responsabilité d'instruire l'élève que, par et dans cette instruction, faire de ce dernier un individu responsable, c'est-à-dire un membre à part entière de sa collectivité. Dans cette perspective, les situations d'apprentissage que nous offrons aux élèves doivent conduire ces derniers à devenir des citoyens pleinement engagés dans le développement de leur communauté.
L'utilisation des technologies, dans le contexte de l'apprentissage par projet, constitue à cet égard un moyen privilégié en raison des possibilités de communication, d'accès à l'information et de partage de l'information qu'elle met en oeuvre. Toutefois, elle implique des coûts qui peuvent être jugés considérables. Ainsi, les parents des élèves inscrits à Protic doivent débourser près de 2 500 $ pour l'achat de l'ordinateur portable de leur enfant. Quoique le paiement de cette somme puisse être réparti sur 5 ans, cela représente tout de même des frais de 500 $ par année. Si, par ailleurs, le ministère de l'Education insiste sur la nécessité de former de manière à ce que "le système éducatif [puisse] prétendre avoir rempli adéquatement son rôle" alors il lui incombe, nous semble-t-il, d'assumer in facto, ses propres recommandations.
Nous croyons, par conséquent, que plus nous serons nombreux et nombreuses à adhérer pleinement aux perspectives mises de l'avant par le MEQ, plus nous serons en mesure de réclamer de ce dernier la mise en place des conditions nécessaires à la poursuite de ces objectifs que nous estimons fondamentaux. Cependant il importe, dès maintenant, que nous fassions en sorte que ces objectifs se concrétisent progressivement au sein de nos classes par la mise en oeuvre d'un enseignement qui fait appel à un engagement réel des élèves dans leur démarche d'apprentissage.
Moi, je trouve que tout le monde a sa place. Je trouve que c'est un environnement où tout le monde doit avoir sa place. Si c'est juste quelqu'un qui prend tout l'espace, ça ne marche pas. C'est un environnement de collaboration.
L'environnement d'apprentissage comprend certes des ordinateurs, mais également, faut-il le rappeler, des personnes auxquelles sont alloués différents rôles, compte tenu des objectifs à atteindre et des circonstances.
Le lieu physique est important. À Protic, chaque élève a sa classe et son groupe de travail dont les membres sont réunis autour d'une même table (8 groupes). C'est désormais l'enseignant qui se déplace d'une classe à l'autre. Il arrive que les rencontres se tiennent à l'extérieur de la classe. Les déplacements sont liés aux exigences des projets de la classe, mais également aux besoins spécifiques de chaque équipe, de sorte qu'il peut arriver qu'une ou plusieurs équipes ne soient pas présentes en classe en même temps que les autres.
3.1 Le rôle de l'enseignant
L'apprentissage par projet, qui suppose la co-construction des connaissances, fait de la classe une authentique communauté où chacun participe à l'établissement des règles de vie, de même qu'à l'élaboration des activités et des moments d'échanges. La classe, communauté d'apprentissage, évolue au rythme de la contribution de ses membres.
Le rôle de l'enseignant dans un tel contexte s'avère multiple et complexe. S'il revient à l'enseignant de mettre en place les conditions propices à la création d'un véritable espace de collaboration entre tous les membres de la classe, celui-ci ne peut naître qu'au sein d'un climat de confiance réciproque. À cet égard, l'approche par projet, parce qu'elle remet la responsabilité de l'apprentissage entre les mains de chaque élève et encourage dès lors une démarche personnelle, permet à l'enseignant d'adapter son enseignement à chacun et favorise ainsi l'établissement d'un climat de respect et de confiance mutuels.
La maîtrise de situations d'apprentissage de plus en plus complexes correspond au développement progressif de l'autonomie intellectuelle. Celle-ci, qui, comme nous venons de le souligner, ne peut se développer que dans un climat de confiance réciproque, se traduira par une certaine souplesse des rôles, laquelle découle de la reconnaissance des différentes compétences des uns et des autres en matière de construction des connaissances, de même que d'une volonté commune d'y faire appel. Le développement de l'autonomie de l'élève passe en effet par un apprentissage des différents rôles que l'élève sera amené à tenir dans la société. Dans ce contexte, le rôle de l'enseignant consiste à proposer des activités d'apprentissage dans lesquelles l'élève peut faire un exercice significatif de ces différents rôles. Pour les enseignants de Protic, apprendre, c'est d'abord apprendre à apprendre dans le contexte d'une collaboration réfléchie. C'est pourquoi ils privilégient l'approche par projet et le travail coopératif qui font tous deux appel à l'exercice et au développement des habiletés individuelles et à la mise en commun de ces dernières pour le bénéfice de la classe. Dans cette perspective, l'enseignant devient un guide spécialisé, attentif à la démarche de chaque élève et à sa mise en relation créatrice avec celle des autres membres de la classe, incitant l'élève à participer et à proposer lui-même des actions concrètes pertinentes à son propre développement ainsi qu'à celui du groupe. Ainsi la communauté d'apprentissage s'édifie sur la base des contributions communes en ce que chacune se construit en nécessaire relation avec toutes les autres. Amener l'élève à établir une relation significative avec le monde, à être en relation- tel nous semble être le rôle de l'enseignant-e, n'est-ce pas lui permettre de passer du je au nous ?
Si le travail en collaboration est de nature à permettre une construction collective de la connaissance, l'ordinateur, envisagé du point de vue de sa fonction de communication, peut renforcer cette possibilité. Toutefois, c'est à l'enseignant que revient, ici encore, la responsabilité de concrétiser cette possibilité en regard des objectifs que la classe s'est donnés. Il n'est certainement pas inutile de souligner ici que le rôle de l'enseignant dans un contexte d'apprentissage coopératif en réseau est complexe. La prise en charge de l'apprentissage par l'élève requiert une attention soutenue de l'enseignant à l'endroit de chacun d'eux, l'évaluation la plus juste possible des forces et des faiblesses de chacun, la mise en oeuvre de situations d'apprentissage qui en tiennent compte et qui soient en même temps orientées vers le développement de l'élève au sein d'un contexte de collaboration. L'ordinateur, au même titre que les autres outils d'apprentissage mis à la disposition de la classe, s'inscrit dans cette perspective. Cependant, s'il est clair qu'en aucun cas l'enseignant ne doit être au service de l'ordinateur, ceci ne revient pas à dire que l'utilisation de l'ordinateur ne puisse donner lieu à une transformation significative des pratiques de l'enseignant. Il nous semble au contraire souhaitable que, tout comme le livre dont la lecture est susceptible de conduire à de nouvelles habitudes d'interprétation, l'utilisation de l'ordinateur mène à un élargissement et à une redéfinition du rôle de l'enseignant. L'éducation est un processus de réciprocité : l'humain est façonné par les outils qu'il utilise et qu'il façonne à son tour. Il en va donc de l'ordinateur comme il en va du livre, à cette différence près que le premier ouvre la porte à des interactions difficilement prévisibles et susceptibles de se multiplier à l'infini.
Quels que soient les instruments auxquels il a recours, l'enseignant sait pertinemment que c'est de sa capacité à placer les élèves dans des contextes stimulants, c'est-à-dire susceptibles de les amener à développer des habiletés intellectuelles majeures, soient celles de création, d'analyse et de jugement, que dépendent la mise en place et le développement d'une véritable communauté d'apprentissage. En outre, les enseignants doivent comprendre que l'engagement des élèves dans une construction collective de la connaissance requiert du temps, car il correspond à la maîtrise progressive de l'autonomie aussi bien individuelle que collective.
À la lumière des éléments de définition du rôle de l'enseignant qui viennent d'être proposés, on voit poindre l'idée, centrale, de médiation. Si nous admettons qu'une pensée n'a de signification que dans la relation qu'elle entretient avec une autre pensée, équivalente ou plus développée, ne sommes-nous pas amenés à considérer l'enseignant comme une pensée médiatrice ayant comme fonction d'amener l'élève à établir une relation significative avec l'objet de son apprentissage ? En retour, la relation, que l'élève établit avec cet objet, par l'intermédiaire des différents artefacts qu'il est appelé à manipuler, devient, pour l'enseignant, l'instrument privilégié de son propre développement. En observant ce qui se passe en classe, l'enseignant est à son tour informé au sens plein de ce mot : non seulement ses observations vont-elles l'amener à dégager des conclusions qui lui permettront d'enrichir sa pratique, mais au moment même où il les formule, il devient à son tour partie prenante du développement de la classe qu'il fait sienne en reconduisant ses conclusions sous la forme de situations d'apprentissage concrètes desquelles il ne se distingue pas. En choisissant de recourir à l'apprentissage coopératif et à la pédagogie par projet, les enseignantes et les enseignants de Protic travaillent à mettre en place des situations de collaboration dont chacun puisse tirer profit tout en contribuant au développement du groupe. La participation accrue des élèves fait en sorte que l'enseignant se retrouve avec beaucoup d'idées, beaucoup de main-d'oeuvre et de motivation, ce qui fait de la classe un milieu particulièrement vivant qui étonne souvent l'enseignant et le conduit tout naturellement à développer des attitudes visant à soutenir et à renforcer cet esprit de collaboration entre tous les membres de la classe.
Le rôle de l'enseignant réside donc dans l'établissement d'un dialogue d'une nature toute particulière avec sa classe. Cependant, s'il incombe à l'enseignant de mettre en place les conditions d'exercice de ce dialogue, c'est de la relation qu'il établit avec ses élèves que dépendent finalement l'établissement et le développement de ce dialogue. Le rôle de l'enseignant sera alors de guider cette interaction de manière à ce qu'elle réponde aux objectifs d'apprentissage en coopération que s'est donnés la classe. Interagir pour apprendre, comme le souligne une enseignante de Protic, c'est faire en sorte que puissent être partagés les compétences des uns et des autres autour d'un projet commun, c'est par le fait même faire en sorte que puissent se développer des habiletés nouvelles. C'est, par conséquent, tirer collectivement partie des différences des uns et des autres. Parce qu'elle est partie intégrante du processus d'apprentissage en contexte de projet, l'interaction accroît nécessairement l'efficacité des apprentissages des uns et des autres, chaque contribution pouvant être éclairée, interprétée, critiquée, développée par les autres membres de la classe. Cette interaction contribue par le fait même au développement de la classe tout entière.
C'est ici que le rôle médiateur de l'enseignant revêt tout son sens. Si l'on admet que l'aptitude à élargir le champ de la conscience est fonction d'une capacité à établir des liens entre les choses, il apparaît alors que le rôle de l'enseignant sera de placer l'élève dans des contextes sémiotiques les plus
riches possible, de manière à ce que ce dernier puisse se doter d'une instrumentation qui lui permette d'accéder à des apprentissages de niveau supérieur. Ce rôle, aucune machine, si efficace, si spécialisée soit-elle, ne peut l'exercer d'elle-même; en revanche, l'enseignant ne saurait définir son rôle à l'écart du contexte de sa pratique, de sorte qu'il ne peut faire l'économie d'aucun des éléments de ce contexte. Fournir à l'élève tous les moyens susceptibles de l'amener à une démarche dynamique de l'apprentissage, lui donner accès à une information riche et diversifiée, le placer dans des situations d'apprentissage où il sera amené à manipuler et à organiser cette information et ainsi à réfléchir sur ses apprentissages, tels sont les objectifs que poursuivent les enseignants et les enseignantes de Protic.
3.2 Le rôle de l'élève
Que font ces élèves en classe ? Si l'école a pour fonction de préparer les élèves à vivre au sein d'une société qui fait appel à la participation de chacun, alors les situations d'apprentissage qu'elle propose à l'élève doivent refléter cet état de fait. C'est, nous semble-t-il, le cas de l'apprentissage par projet où chacun doit apporter une contribution originale. À ce titre, chaque élève devient indispensable à la bonne marche de l'équipe et de la classe.
Qu'en est-il du cours ? L'élève n'assiste plus au cours, mais il le construit à partir des objectifs définis dans le curriculum. Il n'exécute plus une tâche déjà planifiée par l'enseignant, mais conçoit et réalise une activité. On peut dire qu'il est en projet, au sens le plus fort de cette expression. Expression que ne désavouerait certes pas le fondateur du pragmatisme qui écrivait, il y a déjà près d'un siècle : "Exactement comme nous disons qu'un corps est en mouvement, et non que le mouvement est dans un corps, nous devrions dire que nous sommes en pensée et non que les pensées sont en nous8".
Lorsque l'élève possède une connaissance suffisante de la matière à couvrir, il participe au choix du projet, à la division des tâches9 et assume la responsabilité de la partie de travail qui lui est attribuée à sa manière qui lui est propre. Mais encore ? Il fait de la recherche, liant ses connaissances antérieures à des références nouvelles variées (livres, rencontres, sites Internet). Comme il sera appelé à le faire dans le milieu du travail, il a recours à la démarche scientifique dans le traitement de la partie du projet qui lui est impartie.
Le projet Protica Jones, mis en place dans le cadre du cours de géographie de première secondaire, constitue, à cet égard, une illustration intéressante de la manière avec laquelle les élèves construisent leurs connaissances dans un contexte d'apprentissage par projet assisté par l'ordinateur en réseau. Précisons dès maintenant que le but de ce projet était d'amener les élèves à découvrir et à approfondir les principaux éléments de géographie physique et humaine qui forment le monde. La classe décida que le résultat final de ce travail de recherche se traduirait par la publication d'un atlas intégrant les différents thèmes du programme de géographie. Chacune des équipes devait étudier de façon plus particulière une région ou un pays. À l'intérieur de ces équipes, chaque élève se voyait attribuer une spécialité. Compte tenu de la disparité des éléments géographiques qui caractérisent chaque pays, une présentation de l'état des recherches de toutes les équipes de travail devait régulièrement être faite devant la classe. Ainsi l'équipe qui travaillait sur l'Italie fut amenée à expliquer le fonctionnement des volcans aux autres élèves de la classe, tandis que l'équipe qui travaillait sur le Brésil présenta les caractéristiques du climat tropical. Comme il s'agissait d'un projet qui s'étendait sur plus de six mois et qui intégrait la majeure partie du contenu du programme de géographie, les élèves se trouvaient donc à construire ensemble et de façon progressive leurs connaissances géographiques.
8 C.S. Peirce, Collected Papers, Charles Hartshorne et Paul Weiss, ed., Cambridge, MA, The Belknap Press, Harvard University Press, 1965, vol. V, par. 289. |
Durant la réalisation du projet, les élèves eurent à utiliser l'ordinateur régulièrement. Comme la plupart des élèves n'avaient que peu de connaissances en informatique, l'enseignant orienta le travail vers des applications simples de l'ordinateur. Comme c'est souvent le cas, le logiciel de traitement de texte devint l'outil principal à partir duquel les élèves purent construire, modifier ou corriger leur travail. Pour la recherche de l'information et des images, les élèves avaient accès à des cédéroms, au réseau Internet ainsi qu'à la bibliothèque. Ils utilisèrent également un numériseur d'images afin de pouvoir utiliser les illustrations puisées dans les livres. L'utilisation d'un canon projecteur fut permis lors des présentations périodiques.
Comme on peut le voir, l'apprentissage en collaboration ne consiste pas seulement, pour l'élève, à partager ses connaissances avec ses pairs, mais, non moins essentiellement, à se préoccuper de son apprentissage aussi bien que de celui de la classe tout entière. C'est ainsi qu'il prépare des feuilles d'étude, un atelier ou encore un travail écrit à partager. En accord avec les principes de l'apprentissage coopératif, il fait fréquemment des exposés devant de petites équipes ou devant la classe. Il participe également à l'évaluation des travaux de ses pairs en donnant son avis sur la démarche de travail ou de coopération, sur la qualité du support visuel, sur l'efficacité du texte de l'exposé. Au besoin, il fait un commentaire écrit qui sera déposé dans le portfolio. La connaissance du travail des autres contribue à l'enrichissement de ses travaux, de ses connaissances et de sa vision du monde qui l'entoure comme en témoignent les propos suivants :
Moi, je pense qu'en équipe, chaque personne a une force particulière, donc s'il y a une personne pour faire, par exemple, la mise en page, ou une autre pour composer les textes, à ce moment-là, on assemble toutes les choses ensemble, puis ça fait un produit fini beaucoup meilleur. (...) Chaque force donne un produit sensationnel, puis on performe tout le temps, puis si quelqu'un a des problèmes, notre équipe va être là pour lui dire quoi faire.
L'élève réfléchit fréquemment à la qualité de ses apprentissages, ce qui lui permet de mettre en oeuvre des moyens de développer ses habiletés. Ses réflexions seront déposées dans son portfolio. À l'occasion, avec les membres de son équipe, il travaille au sein d'un univers plus étendu que celui dont dispose généralement un élève du secondaire. La réalisation d'un site Web sur les phares du St-Laurent, avec l'aide de la garde côtière, constitue un bon exemple de la contribution des élèves à la communauté.
L'élève développe ainsi, peu à peu, des habiletés sociales et intellectuelles (création, analyse, jugement).
Enfin, il nous a semblé que les élèves semblaient plus heureux dans un contexte où leur participation est fortement sollicitée.
Un programme tel que Protic soulève plusieurs questions en ce qui a trait à la pertinence du choix et de l'utilisation de l'ordinateur portable. Le recours à ce dernier, dans un contexte d'apprentissage par projet, réside premièrement dans la mobilité de l'appareil. L'ordinateur peut ainsi accompagner l'élève à l'école comme à la maison. Il n'y a plus de problèmes de disquettes, de compatibilité des logiciels entre l'école et la maison ou encore de disponibilité des appareils. De plus, les élèves peuvent adapter les différents paramètres de leur ordinateur de manière à ce que celui-ci réponde à leurs besoins. En outre, le fait de posséder son ordinateur contribue sans nul doute au développement du sens des responsabilités. En se branchant au réseau à partir de la maison, les élèves peuvent poursuivre leur travail de recherche d'informations et communiquer entre eux à tout moment, que ce soit par l'intermédiaire du courrier électronique, du bavardage (chat) ou même, de la vidéoconférence. Enfin, une communication peut être établie entre élève et un enseignant à propos d'un travail fait à l'extérieur. Il n'est pas rare qu'un élève, conscient de la présence d'un de ses enseignants sur le réseau, demande des explications supplémentaires à propos d'un devoir qu'il est en train de faire.
Pour rendre tout cela possible, il faut, bien sûr, un équipement adéquat. C'est à ce moment-là que les considérations techniques revêtent une importance particulière. Le lecteur trouvera, à l'annexe C, une description de l'ordinateur portable, des logiciels, du réseau, des péri-phériques, de l'organisation spatiale et, enfin, une liste des recommandations découlant des dix-huit premiers mois d'expérimentation.
À Protic, l'ordinateur portable est utilisé à des fins de recherche et de partage d'information, ainsi que pour des activités d'apprentissage en collaboration. Quand l'ordinateur portable est branché au réseau, il est possible pour l'élève de se rendre dans un espace virtuel de collaboration et d'y effectuer certaines tâches d'apprentissage. First Class et L'ABC_W11 sont des logiciels-outils offrant de tels espaces de collaboration dite en ligne.
L'ordinateur doit être utilisé en relation avec les activités et/ou tous les projets d'apprentissage. Toutefois, il arrive que le courrier électronique soit la voie utilisée par des élèves pour envoyer un message à leurs pairs avec une copie conforme à l'intention de leur enseignant quand des comportements indésirables se produisent.
Dès que l'élève arrive en classe, il sort son ordinateur de son sac à dos et le branche au réseau. Cependant c'est à l'enseignant qu'il revient de décider du temps d'utilisation du portable à l'intérieur de la classe. L'usage de l'ordinateur en contexte de classe pose, on s'en doute, de nouveaux problèmes, tant pour les enseignants que pour les stagiaires. Nous vous présentons ici le témoignage de deux stagiaires sur des situations qu'ils ont vécues et qui sont susceptibles de se produire dans les classes où l'on pratique l'apprentissage par projet assisté par l'ordinateur en réseau.
Luc : Stagiaire dans une classe connectée en réseau
Jean-François : Enseignant associé (enseignant d'expérience en classe connectée en réseau)
Thomas : Chargé de formation pratique
Élèves : Carl, Patrick, Mélanie, Sandrine, Francis, Isabelle, Étienne,
Raphaël, Charles, Laurent et France.
École secondaire :
* Classe connectée de première secondaire avec un environnement spatial de type Protic.
* Les trente (30) élèves possèdent leur ordinateur portable.
* La classe est divisée en huit (8) équipes de travail, chaque équipe étant constituée de quatre (4) élèves.
* L'approche pédagogique utilisée prône l'intégration des matières et la pédagogie par projet.
11 Base de données sur le Web Knowledge Forum disponible sur le site de TACT |
Lundi 8h30
Même si les cours ne débutent qu'à 9h10, Luc arrive tôt en classe afin de rencontrer Jean-François, son enseignant associé. Avant cette rencontre, Luc avait soigneusement planifié son cours, ses interventions et s'était fait un estimé du déroulement de la période. Il entretient encore quelques appréhensions à propos de la pédagogie par projet, l'intégration des TIC et la gestion de la classe qui accompagne un environnement connecté en réseau. Il désire en faire part à l'enseignant.
Luc : Jean-François, j'ai une bonne idée du projet que les élèves pourraient réaliser.
Jean-François : Ah oui ? Quel en est le thème ? En as-tu déjà discuté avec les élèves pour connaître leurs intérêts ?
Luc (confus) : Je... enfin... non, pas réellement.
Jean-François : N'oublie pas, Luc, que si le projet intéresse les élèves, la motivation et les efforts s'en trouveront considérablement accrus. L'apprentissage sera meilleur.
Luc : Mais j'avais déjà tout prévu dans les moindres détails : de la réalisation du projet à sa remise.
Jean-François : Luc, il ne s'agit pas de démontrer aux élèves que tu maîtrises cet art.... C'est à eux de l'acquérir.
Luc : Alors, comment m'assurer de l'intégration de tous les objectifs du Ministère au projet si les élèves ne respectent pas entièrement la démarche que je leur propose? Ce que je crains, c'est que les élèves n'atteignent pas tous les objectifs et qu'ils échouent lors des évaluations finales.
Jean-François : Pour le bon déroulement d'un projet, il n'est pas toujours nécessaire de viser les seuls objectifs spécifiques. Il ne faut pas négliger les objectifs généraux puisque ce sont eux qui guideront l'élève dans son apprentissage. Si toutefois certains objectifs spécifiques doivent être approfondis, la pédagogie par projet n'exclut pas un bref retour à l'enseignement magistral pour consolider le tout.
Luc : Si vous le dites... Bon, je constate que je dois structurer ma planification autrement. Vous vous rendez compte qu'il s'agit, pour moi, d'une toute nouvelle manière d'aborder une classe. Vous me demandez de passer de l'enseignement à l'apprentissage... Ce n'est pas évident...
8h45
La réflexion de Luc se trouve brusquement interrompue. Deux élèves attendent à la porte de la classe, ordinateur portable dans leur sac à dos, résolument décidés à entrer dans leur local de travail. Jean-François se lève et ouvre promptement la porte. Les élèves se précipitent à leur table. Aussitôt leur ordinateur branché, ils se mettent à leurs tâches.
Luc : Je dois vous laisser. Vous devez terminer les derniers préparatifs de votre cours et, moi, je dois modifier ma proposition de projet pour cet après-midi.
13h15
Luc est en classe depuis environ une demi-heure afin de mettre
la dernière main à la présentation de son premier projet. Il est inquiet de
la réaction des élèves face à son projet. Bien sûr, il a déjà observé
Jean-François diriger deux ou trois projets, mais, maintenant, c'est lui, le maître d'oeuvre. Déjà, depuis quelques minutes, les élèves commencent à arriver en classe.
13h20
La cloche sonne. Les cours vont commencer.
Luc : La cloche vient de sonner. Fermez votre portable!
L'équipe d'Étienne, Isabelle et Patrick fait la sourde oreille. Chacun va d'une application à l'autre afin de terminer ce qu'il avait commencé plus tôt.
Luc (d'un ton autoritaire) : Allez ! Baissez l'écran !
Isabelle baisse l'écran de son ordinateur. Patrick fait de même, mais il conserve les mains sur le clavier pour continuer à écrire. Deux minutes se sont déjà écoulées depuis le son de la cloche. Luc, impatient, se dirige alors d'un pas décidé vers l'équipe d'Étienne. Il donne trois petits coups avec la paume de sa main sur leur table de travail. Chacun baisse finalement son écran. "Pas trop tôt", se dit Luc.
Tout à coup, une musique "techno-punk" envahit la classe. Du regard, Luc cherche à repérer l'ordinateur fautif. Il aperçoit finalement Étienne, grimaçant, qui baisse rapidement le volume.
Après ce petit incident, Luc expose les grandes lignes du projet aux élèves pour finalement aborder le mode de présentation.
Luc : Vous aurez à présenter le tout sous la forme d'un exposé devant la classe, en utilisant le logiciel de présentation pour lier vos propos. Attention, vous devrez rédiger et me remettre un texte-synthèse qui vous servira à élaborer votre exposé. Il n'est pas question de seulement survoler le sujet : il faut l'approfondir.
À ce moment-là, six mains se lèvent.
Élève 1 : Est-ce que l'on ne pourrait pas réaliser une page Internet à la place, c'est plus dynamique qu'un texte dans Word ?
Un autre élève émet un commentaire similaire.
Élève 2 : Oui, c'est une bonne idée. À moins que l'on ne réalise un mini-colloque auquel nous pourrions inviter les autres classes de première secondaire.
Élève 3 : Une page Internet ? Ce serait génial. Nous pourrions la montrer à nos parents et à nos amis afin de recueillir leurs commentaires.
Le texte réflexif pour notre portfolio sera plus facile à rédiger
par la suite.
Devant l'enthousiasme général que cette dernière idée soulève, Luc décide de laisser le choix à chacune des équipes. Ils pourront faire une présentation statique avec un logiciel spécialisé ou une page Internet. À la suite de leur réalisation, ils auront à recueillir les commentaires de leurs parents et amis.
Les élèves commencent alors la planification de leur projet. Ils identifient les ressources dont ils auront besoin et se lancent dans une recherche exploratoire pour mieux cerner leur sujet.
Alors qu'il circule entre les équipes, Luc s'aperçoit que Francis a appliqué sur le fond d'écran de son ordinateur une image de Pamela Anderson déambulant en tenue légère sur une plage. Luc avait déjà discuté avec un collègue de stage de ce type de problème. Il sait qu'il serait vain d'effacer l'image, car celle-ci pourrait réapparaître presque aussitôt.
Luc : Francis, j'aimerais que tu imprimes cette photo en deux exemplaires.
Francis : Pourquoi ? Elle est bien cette image...
Devant l'absence de réaction et l'air sérieux de Luc, Francis lance tout de même l'impression. Luc se dirige vers l'imprimante et, après avoir placé l'une des deux feuilles sur son bureau, retourne à la table de travail de Francis.
Luc : Si tu trouves que cette image est acceptable, alors tu n'auras pas de difficulté à convaincre tes parents et le directeur de la signer.
Luc se penche et écrit un petit mot explicatif sur la feuille imprimée de Francis.
Luc : Voilà. Je désire que tu me retournes cette feuille signée pour demain midi. Nous en reparlerons à ce moment-là.
La cloche se fait entendre. Quelques élèves se dirigent spontanément vers la sortie, pour la pause. Les autres, eabsorbés, n'y prêtent pas attention. Luc leur mentionne qu'il est temps de prendre une pause, mais il ne parvient pas à les convaincre de sortir du local. Les élèves désirent plutôt profiter de la connexion réseau pour lire leur courriel et naviguer sur la toile. "Ainsi soit-il" leur répond Luc.
Mercredi 9h00
Luc arrive en classe un peu plus tôt ce matin, de manière à permettre aux élèves d'installer leur ordinateur. En ouvrant la porte, le désordre de la classe lui saute aux yeux : fils de réseau, souris, livres et feuilles de toutes sortes sont éparpillés sur les tables de travail. Un véritable capharnaüm. Puisque les élèves occupent toujours le même espace de travail, il est fréquent d'observer un certain désordre. Cette fois, cependant, il est difficilement acceptable : les tiroirs des tables de travail sont remplis à pleine capacité et, dans certains, on peut apercevoir des feuilles à moitié déchirées sortir des côtés.
Les élèves entrent en classe avec une idée bien précise de ce qu'ils doivent accomplir pendant la période de cours. Bien sûr, Luc a réorienté certains projets qui dérivaient des objectifs visés et il a donné son accord à la planification des équipes. Tout semble maintenant sur la bonne voie.
Dès que Luc aperçoit le responsable d'une équipe de travail, il l'avise qu'il doit dire aux membres de son équipe de faire de l'ordre avant de poursuivre la réalisation du projet.
9h10
Dès qu'une équipe a terminé son rangement, elle se met à la tâche qu'elle doit réaliser.
Mélanie s'approche de Luc.
Mélanie : Je ne peux pas travailler aujourd'hui. Mon portable est en réparation et je ne l'aurai pas avant demain midi.
Luc : Et pour cette simple raison, tu ne peux plus rien faire de la période ?
Mélanie : C'est ça, tout mon travail était sur mon disque dur.
Luc (sur un ton moqueur) : Mélanie, ce n'est pas parce que tu n'as pas ton ordinateur que tu es incapable de continuer. Tu te souviens de la méthode papier/crayon ?
Mélanie, piquée au vif, va emprunter un crayon à son voisin. Elle se met au travail avec un peu moins d'entrain qu'à l'habitude. Elle marmonne qu'elle aura à reprendre cette partie du travail lorsque son ordinateur reviendra du laboratoire technique. Luc n'en fait aucun cas et commence à circuler parmi les équipes pour leur rappeler de remettre leur réseau conceptuel. Les élèves doivent l'avoir terminé aujourd'hui. Règle générale, le travail semble être bien fait. Puis, tout en circulant, Luc surprend Karl en train de jouer à Tetris sur son ordinateur. La sanction est immédiate et conforme à ce qui avait été annoncé en tout début d'année : expulsion du cours.
Quelques minutes plus tard, Luc s'aperçoit que Thérèse, une élève normalement turbulente, semble plongée dans un mutisme incom-préhensible. Elle a la paume de sa main appuyée contre son oreille et un petit fil dépasse légèrement de sa manche. Après une courte investigation du regard, Luc se rend compte que Thérèse est directement reliée à son ordinateur par une paire de mini-écouteurs, bercée par les notes de sa musique préférée. À côté de ses cartables se trouve la pochette vide du disque compact. Luc s'approche d'elle et lui dit :
Luc : Bonjour Thérèse. D'après ce que je peux voir, tu es l'exemple parfait d'une élève "branchée" (Thérèse semble visiblement mal à l'aise et tente de dissimuler ses écouteurs). Mais, ainsi qu'il est stipulé dans les règlements de l'école, tu sais qu'il est tout à fait interdit d'apporter son baladeur en classe et, dans ce cas-ci, ton ordinateur fait office de baladeur. Je me vois donc dans l'obligation de te confisquer tes écouteurs et ton disque compact. Celui-ci viendra enrichir la collection de notre directeur.
Luc venait de réaliser deux interventions critiques. Deux réprimandes en moins de vingt minutes... Les élèves voulaient le mettre à l'épreuve, c'est certain. À titre de stagiaire, il fallait s'y attendre. Luc se demande alors si pareille situation se serait présentée dans la classe d'un enseignant d'expérience.
Pendant ce temps, les premières ébauches du projet de quelques équipes prennent forme. Des références de toutes provenances ont été trouvées : livres généraux et spécialisés, sites Internet, cédérom, encyclopédies imprimées et multimédias, etc. Désirant ajouter images et graphiques à son travail, un élève se dirige vers le numériseur. Cette initiative personnelle crée un effet d'entraînement qui prend vite des proportions démesurées. Il y a maintenant plus d'une demi-douzaine de personnes en attente devant le numériseur, certaines provenant parfois de la même équipe. La perte de temps est manifeste et Luc intervient en adoptant un ton autoritaire :
Tout le monde à sa place. Baissez l'écran de vos ordinateurs et écoutez-moi. C'est la première fois que nous utilisons le numériseur et il faut absolument que nous adoptions une manière efficace de procéder. À compter de maintenant, les images à numériser devront d'abord être choisies et validées par l'équipe. Il n'est pas question de numériser des images pour le plaisir. Avant de procéder, vous devrez donc avoir déterminé leur fonction et leur place dans votre travail. L'image sert de prolongement à votre texte; elle n'est ni un bouche-trous, ni un ornement. Lorsque vous aurez choisi vos images, vous m'avertirez et je vous réserverai le temps requis pour la numérisation.
Les élèves semblent satisfaits de cette façon de procéder et, Luc, satisfait de son intervention. Il compte même en parler à son enseignant associé à la fin de la période.
Les élèves reprennent ensuite leur travail. Le ton monte tranquillement et les déplacements deviennent de plus en plus fréquents. Le fait est inévitable, compte tenu du contexte d'apprentissage. Jean-François l'avait d'ailleurs mentionné à Luc.
Afin de prendre un peu de recul, Luc décide de se placer dans un coin du local afin d'observer le mouvement de la classe. Certains élèves parlent et semblent s'amuser alors que d'autres sont silencieux et fixent passivement l'écran de leur ordinateur. Un élève échange des disquettes avec son voisin sans motif apparent. Luc se demande si les élèves travaillent vraiment, s'ils sont assez autonomes pour travailler en équipes, si le bruit est trop fort, notamment pour les classes avoisinantes.
Un enseignant passe à cet instant précis devant la classe. La porte, demeurée entr'ouverte, offre un spectacle inhabituel pour des yeux profanes. L'enseignant observe la situation d'un oeil à la fois interrogateur et sceptique.
La cloche sonne.
Pendant la courte pause, Luc se dirige vers le salon des enseignants. Seul, il réfléchit sur la période qui vient de passer. Presque au même moment, Thomas, son chargé de formation pratique, entre dans le local.
Thomas : Alors, Luc, comment s'est déroulée la période ?
Luc : Je ne sais pas trop... Je me pose toujours des questions face à cette pédagogie. Ce mode d'apprentissage soulève tant de nouveaux problèmes... Je m'habitue difficilement aux déplacements fréquents des élèves, au bruit, à cette étrange impression de perdre le contrôle lorsque les élèves travaillent en équipe. J'ai beaucoup de difficulté à m'adapter à cette nouvelle gestion de classe. L'importance de la charge de travail n'est pas évidente. La planification est lourde, mais j'ai pourtant l'impression que certains collègues imaginent tout le contraire. Ils croient peut-être que ce sont les élèves qui contrôlent tout.
Thomas : En fait, tu crois, à tort, que la pédagogie par projet est nouvelle. Freinet, par exemple, faisait déjà de même il y a longtemps. Ce qui, par contre, a changé dans notre cas, ce sont les outils utilisés. La perte de temps dans ce type d'environnement branché n'est pas plus grande que dans une classe régulière, elle est simplement plus visible. En fait, la gestion est-elle si différente dans une classe dite branchée ?
Luc : J'ai l'impression que les élèves sont totalement dépendants des TIC et de leur ordinateur.
Thomas : Il ne faut pas oublier que ces outils motivent les élèves. L'ordinateur offre de nouvelles possibilités qui méritent d'êtres explorées judicieusement. Cependant, il est important de saisir la valeur réelle de cet outil. L'enseignant doit être conscient que l'ordinateur est au service des projets et non l'inverse. On ne construit pas un projet en fonction de l'ordinateur, ce dernier n'est que le prolongement naturel d'une tâche.
La cloche sonne, marquant ainsi la fin de la pause.
Deux semaines plus tard
Il y a maintenant deux semaines que ce projet a été mis en oeuvre et, malgré les hauts et les bas que Luc a eu à vivre, il s'est quand même bien déroulé. Bien entendu, Luc a dû mettre en garde les élèves contre la tentation d'utiliser le copier-coller sans en mentionner la provenance. Il a d'ailleurs été nécessaire d'enseigner aux élèves la bonne manière de citer une référence en provenance de l'Internet. Il a fallu également leur apprendre à comparer les sources afin de ne retenir que l'information la plus juste.
Mardi 14h55
À peine entrée en classe, Sandrine se précipite vers Luc.
Sandrine : Luc, va-t-on pouvoir utiliser ce travail pour notre portfolio ? C'est que, tu vas voir, il est vraiment original, le nôtre.
Luc (petit sourire en coin) : Bien sûr, Sandrine, c'est ton choix.
Luc commence le cours en s'adressant à la classe.
Luc : Comme vous le saviez, il s'agit de la dernière période allouée pour ce travail. À la fin de celle-ci, vos travaux devront tous m'être remis. Vous devrez me remettre le texte imprimé de votre projet, ainsi que les diapositives de votre présentation. Je vous rappelle que les exposés auront lieu dès le prochain cours selon l'horaire préétabli. Je vous accorde donc cette période pour apporter les derniers correctifs à vos travaux. S'il y a des questions, j'y répondrai.
Certaines équipes, qui ont déjà terminé le travail, le remettent immédiatement à Luc. Ils utilisent alors la période pour leurs travaux courants.
Martin (très inquiet) : Luc ! Luc ! Nous sommes plusieurs à avoir lancé l'impression au même moment et le poste d'impression est congestionné. Tout semble arrêté.
Luc, songeur, regarde le poste de travail et entreprend une exploration sommaire du gestionnaire d'impression. À vrai dire, il ne sait trop comment régler le problème. Soudain Charles et Raphaël
interviennent : "Luc, on sait comment régler ça. Laisse-nous faire". Les deux élèves règlent le problème en un rien de temps.
Luc : Eh bien ! vous m'impressionnez. Étant donné que vous avez déjà tout terminé, vous pourriez apporter un soutien technique aux autres équipes !
Raphaël et Charles : Ça nous ferait extrêmement plaisir et tu n'as encore rien vu !
Quelques minutes se déroulent sans problème, mais voilà que...
France : Luc ! Luc ! Nous avons un grave problème. C'est Laurent qui a le travail final sur son ordinateur, mais son réseau ne fonctionne plus !
Luc : Prends une disquette....
Laurent : Je n'ai pas mon lecteur de disquettes...
Luc : Emprunte un lecteur à un autre élève.
Laurent : Le fichier est trop gros pour entrer sur une disquette...
Luc : Compresse-le, divise-le, mais trouve une solution, car c'est votre problème. Il fallait penser à toutes ces éventualités avant la remise ! Il fallait prévoir !
Laurent : Oui, mais tu ne vas pas nous mettre zéro pour ça ; le travail est sur mon ordinateur. Tu peux venir voir.
Luc : Laurent, je suis sûr que vous trouverez une solution. Demandez aux autres élèves, peut-être vous conseilleront-ils.
Jean-François entre en classe afin d'observer le déroulement de la période.
Jean-François : Et puis, Luc, est-ce que tu t'en sors ?
Luc : Oui, très bien. Il ne me restera plus qu'à corriger le tout et à revenir sur le projet, après les exposés, afin de faire, avec les élèves, l'exploitation pédagogique de ses retombées.
Jean-François : Luc, je dois dire que tu as beaucoup changé depuis le début de ton stage. Il est probable que tu n'anticipais pas toujours ce qui allait se passer, mais tu as su t'adapter, et cela est essentiel dans notre profession.
Finalement, Laurent et son équipe ont résolu leur problème. Un élève de l'équipe voisine leur a prêté leur lecteur "Zip" afin qu'ils puissent transférer leurs fichiers sur un autre ordinateur et imprimer le tout. Ils ont remis leur travail à temps, quoique à la dernière minute, et en ont été quittes pour une bonne frousse. C'est une leçon qu'ils n'oublieront pas.
"Il faut s'adapter, se prendre en main, parce que c'est difficile au début, tu n'es pas habitué d'avoir quatre recherches en même temps... moi, ça ne fait pas bien longtemps que j'ai réussi à me prendre en main. Ça fait trois ou quatre mois que je suis capable de faire mes travaux correctement. C'est surtout de s'adapter, puis d'être capable de s'organiser pour faire les travaux".
5.1 Planification du temps de classe
À Protic, la journée de classe est répartie en quatre périodes. Depuis le début de l'application du programme, on a jugé important de respecter cet horaire afin, entre autres raisons, de permettre aux élèves de demeurer en contact avec les autres élèves de l'école lors des pauses. Comme dans les autres classes, diverses routines s'installent ; elles ont pour fonction de réduire la marge d'inconnu en indiquant aux élèves ce à quoi leur temps pourra être occupé.
La moitié du temps de chaque période est souvent consacrée à la réalisation de projets d'apprentissage. L'autre moitié est alors allouée aux exposés de l'enseignant (éléments de contenu d'apprentissage, explication, révision d'une notion) et des élèves qui présentent les résultats de leur projet d'apprentissage. De façon générale, les élèves sont attentifs. À la fin d'un exposé, ils posent des questions, font une rétroaction constructive et, à l'occasion, évaluent l'importance du contenu présenté.
Les interventions de l'enseignant au cours de la période demeurent essentielles, mais ce sont leur nature qui se modifie si nous les comparons à celles faites en contexte de classe régulière. Afin de mieux comprendre ce qu'il en est, nous verrons comment elles se répartissent au cours d'une période de soixante-quinze minutes. Suite à cela, nous regarderons plus particulièrement de quelle manière les élèves utilisent leur temps d'apprentissage.
Interventions d'un enseignant de Protic
Lorsque les élèves travaillent sur un projet ;
* Les premières minutes servent à donner l'information pertinente,
à déterminer certaines échéances, à faire des rappels, etc.
* Dix minutes après le début de la période, la plupart des élèves sont à l'oeuvre. L'enseignant (ou le stagiaire) fait alors le tour des équipes, donne des indications additionnelles, répond aux questions et en pose afin de vérifier l'état des connaissances des élèves.
* En cours de période, l'enseignant (ou le stagiaire) divise son temps d'intervention entre gestion de classe et discussion des contenus avec des élèves, individuellement, mais plus souvent en équipe.
Lorsque les élèves font la même activité ;
* Les premières minutes servent à donner les informations nécessaires à la réalisation de ce qui a été prévu. Des rappels
sont faits.
* Dix minutes après le début de la période, la plupart des élèves sont à l'oeuvre. L'enseignant (ou le stagiaire) fait le tour des équipes, s'assure que la tâche est comprise, donne des indica-tions additionnelles et ramène les élèves distraits au travail proposé.
* La suite de la période comportera des interventions pouvant toucher des contenus spécifiques, comme par exemple, une approche personnalisée avec un élève qui éprouve des difficultés ou visant à encourager les élèves à ne pas s'égarer de leur prise en charge de responsabilités.
Lorsque l'enseignant doit faire un exposé ;
* L'exposé s'étend sur10 à 20 minutes.
* Les élèves travaillent individuellement ou en équipe.
* Un projecteur électronique (diapositives numériques ou site Internet) peut aussi être utilisé afin d'apporter un appui visuel à la compréhension des apprenants, ou encore, la visite d'un site web particulier pourra leur être proposée.
Lorsque les équipes font des exposés ;
* Chaque exposé dure environ 10 minutes.
* Les élèves posent ensuite des questions et font des commentaires.
* La plupart des élèves utilisent les diapositives numériques comme support à leur présentation, mais ont également recours à des mises en situation, à des jeux de rôles, etc.
Si nous demandions à un élève du secondaire de décrire une journée-type en contexte traditionnel, il nous dirait probablement qu'elle se divise en quatre ou six périodes, chacune étant consacrée à une matière exclusive: mathématique, français, géographie, éducation physique, etc. Il ajouterait peut-être qu'il rencontre, pendant la journée, autant d'enseignants qu'il y a de matières à l'horaire et qu'à chacune de ses rencontres correspond un changement de local et, parfois, un changement de groupe.
Formulons la même demande à un élève inscrit au programme Protic. L'élève inscrit à Protic nous répondra probablement que son horaire est identique à celui de tous les élèves du secondaire, mais qu'il n'est pas certain de travailler dans la matière prévue pour chaque période. Par exemple, il pourrait très bien être invité à poursuivre une recherche en géographie ou à compléter un travail de français plutôt que de suivre le cours de formation personnelle et sociale inscrit à son horaire. Le cours déplacé sera simplement repris plus tard ou intégré à une autre matière. Autre particularité : l'élève demeure toujours au sein du même groupe et, à moins de suivre un cours dans une spécialité comme la musique, les arts plastiques ou l'éducation physique, il ne changera pas de local après chaque période. Ce sont désormais les enseignants qui se déplacent.
Cette souplesse relative au contenu des périodes et à la stabilité des groupes découle de trois particularités :
* Premièrement, les classes sont spécialement aménagées dans le but de permettre l'exploitation d'un réseau électronique donnant accès aux ressources de l'Internet et à divers outils de com-munication et de collaboration, d'où la nécessité de demeurer aussi souvent que possible dans le même local.
* Chaque groupe est sous la responsabilité d'un enseignant-titulaire qui cumule plusieurs matières et qui travaille donc auprès d'un même groupe pendant plus d'une période dans la journée. Ainsi, les élèves ne rencontrent tout au plus que trois enseignants au cours d'une journée.
* Enfin, les enseignants appliquent une pédagogie de projet chaque fois que la chose est possible, en tentant d'y intégrer le plus de matières possible.
Le caractère fondamentalement exploratoire de ce type de pédagogie fait en sorte qu'il est pour ainsi dire impossible de décrire en détails une journée-type dans une classe Protic. Si les enseignants effectuent une planification de départ et d'arrivée en regard des apprentissages à réaliser pour un contenu donné, en revanche, une fois l'activité proposée, les élèves jouissent d'une certaine latitude à partir de laquelle ils apprennent à gérer dans le temps les séquences de l'activité d'apprentissage qui aboutira à la réalisation d'un projet et à sa présentation au reste de la classe. Le développement de l'autonomie est un élément central de Protic. Selon leurs besoins, les élèves travaillent individuellement ou en équipe et, en tout temps, sauf exception, les échanges verbaux sont nombreux. Comme on peut le voir, le contrôle de la discipline de classe fait l'objet d'un partage peu commun entre les enseignants et leurs élèves. La responsabilité de l'apprentissage est également partagée. Généralement, les enseignants limitent le contenu de leurs exposés aux consignes de base nécessaires à la réalisation d'une activité ou à des éclaircissements attendus par tout le groupe. Plus disponibles, ils peuvent donc jouer un rôle d'accompagnateur auprès des élèves qui exécutent différentes tâches liées à leur projet. Il est évident que l'on se retrouve alors au coeur d'une classe beaucoup plus agitée et plus bruyante qu'une classe traditionnelle, mais aussi, peut-être, plus engagée dans l'apprentissage attendu.
Cette dynamique de classe toute particulière fait en sorte que tout se négocie, depuis l'organisation du temps d'une journée jusqu'au contenu des projets à réaliser. Cette gestion participative reflète la démocratie comme valeur partagée. À défaut de pouvoir décrire LA journée type dans une classe Protic, voici le résumé d'une journée telle que vécue récemment par un groupe de 1ère secondaire.
Les deux périodes de l'avant-midi se dérouleront avec la même enseignante. En classe, il y a beaucoup de fébrilité : des élèves doivent présenter leur recherche en écologie. Avant de commencer, il faut ordonner à chacun de fermer son ordinateur. Pour la présentation, deux groupes de deux élèves ont pris l'initiative de jumeler leur travail en écologie pour réaliser une présentation commune. Les autres élèves prennent ainsi conscience qu'il existe plusieurs façons d'exploiter le travail d'équipe. Le reste de la classe peut suivre la présentation à l'aide d'un document d'accompagnement qui résume le travail et, du même coup, une partie de la théorie du contenu à l'étude. Immédiatement après la présentation, les élèves sont invités à poser des questions sur ce qui ne serait pas clair. Et des questions, il y en a plusieurs ! L'enseignante en profite pour compléter l'information livrée par les deux équipes. Succède une période de commentaires sur le style de la présentation et l'originalité de cette dernière. Tout s'est bien déroulé. Le reste de la période est consacré à du travail personnel. Individuellement ou en équipe, les élèves poursuivent donc un projet déjà entrepris dans la matière de leur choix. Il se pourrait donc très bien que le travail n'ait rien à voir avec les matières qui sont sous la responsabilité de l'enseignant présent.
La pause venue, il faut insister pour que tous les élèves sortent de la classe. L'enseignant doit parfois hausser le ton pour faire respecter la consigne. L'école tient à ce que les élèves sortent de la classe afin de favoriser les échanges avec les autres élèves.
La seconde période est consacrée aux actualités. Au cours d'une même activité, les élèves appliquent des notions de français, de méthode de travail intellectuel, en plus de répondre aux exigences du programme de formation personnelle et sociale. Trois élèves viendront à tour de rôle présenter le résumé de quelques nouvelles puisées dans l'actualité des derniers jours. Encore une fois, les élèves peuvent intervenir pour poser des questions ou faire des commentaires. Par la suite, ils réécrivent une des nouvelles qui leur ont été présentées. Chacun a pris l'habitude de suivre l'exposé et de prendre des notes. Si certains veulent élaborer un peu plus sur une question donnée, ils peuvent visiter les différents sites Internet des grands médias écrits ou électroniques. En équipe de deux, les élèves sont finalement invités à faire une mise en page de leur travail de rédaction afin de produire un journal à la fin du projet. Cette dernière exigence les amène à se familiariser avec les fonctionnalités de différents logiciels.
Pendant la période du dîner, les activités ne cessent pas pour tous. Quelques élèves ont obtenu l'autorisation de travailler dans leur local pour préparer une présentation prochaine. Dans une autre classe, une enseignante travaille à l'élaboration de son site Internet avec la collaboration d'un élève. Et même si la plupart des élèves n'ont rien de particulier à réaliser, on les voit tourner autour de leur classe. Peut-on y voir un signe qu'ils se sentent à l'aise au sein de leur environnement scolaire ? La question mériterait d'être approfondie. Quoi qu'il en soit, les élèves semblent s'être approprié ce petit secteur de l'école où ils passent la plus grande partie de leur journée, probablement parce qu'ils le considèrent comme leur milieu de vie.
Au retour de la pause du dîner, la période est consacrée à la révision de certaines notions de mathématique. Les élèves du groupe rencontré ce matin-là avaient fait part à l'enseignant de difficultés persistantes et souhaitaient éclaircir quelques points importants. Ensemble, dans un cours où l'enseignement magistral est requis, l'enseignant et les élèves répondent à un besoin qui avait été exprimé par plusieurs. Ainsi, même si les enseignants de Protic font beaucoup appel à la pédagogie par projet, il est nécessaire, à l'occasion, de recourir à l'exposé magistral.
La récréation arrivée, il faut encore insister pour que tout le monde sorte... Rarement, verra-t-on un élève se diriger vers la porte avant le son de la cloche.
La dernière période est consacrée à l'enseignement religieux. L'enseignant responsable de cette matière a décidé de voir tout le programme de façon intensive : en deux semaines et demie, le contenu aura été entièrement parcouru. Ainsi, au lieu du cours de géographie inscrit à l'horaire officiel du groupe, quatre élèves vont présenter le résultat de leur réflexion sur une problème qu'ils ont dû imaginer. Voilà une situation qui illustre bien la souplesse dont disposent les enseignants dans l'organisation de leur enseignement. Pour une autre enseignante de 2e secondaire, le contenu du programme de français sera principalement vu par le biais du programme d'histoire, grâce aux différents projets mis en oeuvre. Loin d'être limités à six périodes de français et quatre périodes d'histoire par cycle, les élèves disposent, en fait, de dix périodes par cycle pour mener à bien un même projet.
Revenons maintenant à la dernière période de notre journée destinée aux sciences religieuses. Comme ils l'ont fait en avant-midi, les élèves y vont d'un court exposé oral sur une question, mais, cette fois, la communication s'appuie sur la présentation d'illustrations qui ont été conçues à l'aide des logiciels dont les élèves disposent. Ce type de présentation requiert habituellement l'utilisation d'un canon qui permet de projeter les illustrations. Mais, cet après-midi-là, l'appareil est défectueux. Si les élèves sont d'abord irrités parce qu'ils tiennent à partager leur travail avec les autres, l'enseignant affiche, pour sa part, un sourire satisfait. Voilà un beau problème à résoudre en groupe ! Après une courte discussion, la solution est trouvée : l'équipe utilisera le réseau informatique de la classe pour rendre accessible à tous le fichier contenant les présentations. Chacun peut maintenant suivre l'exposé à l'aide de son ordinateur.
La journée décrite ici marquait la fin de plusieurs petits projets. C'est pourquoi les présentations sont si nombreuses. On a donc escamoté tout le travail de préparation des élèves, c'est-à-dire, la façon avec laquelle ils procèdent dans leur recherche pour répondre aux exigences des projets. La journée a tout de même été retenue parce qu'elle nous permettait d'insister sur un aspect important du programme Protic : inciter au partage de l'information de manière à favoriser l'établissement de liens entre différents objets du savoir.
5.2 Gestion du temps d'apprentissage
Comme on peut le constater, la réalisation et la communication de projets appuyées par l'ordinateur multimédia en réseau laissent davantage de place à la parole dite distribuée. L'utilisation judicieuse du temps de classe demeure toutefois une préoccupation constante. C'est la raison pour laquelle l'enseignant (ou le stagiaire) interrompt parfois un exposé qui s'étend indûment, reprend la parole ou fait des exposés qui n'étaient pas prévus à l'horaire du jour.
Tout au cours de l'année, l'enseignant doit amener les élèves à faire bon usage du temps qui leur est imparti. Le rythme d'apprentissage varie toujours d'un élève à un autre, de sorte que l'enseignant doit travailler plus fort avec certains élèves dont la motivation n'est pas toujours évidente.
Organiser son temps, partager les tâches et travailler avec des coéquipiers autour d'un projet commun, telles sont les habiletés que les élèves de Protic doivent développer dès la 1ère secondaire. On trouvera à l'annexe D une liste de responsabilités pouvant être allouées aux élèves. Pour la majorité d'entre eux, il s'agit d'un exercice difficile parce qu'ils ont été habitués à travailler seuls dans le cadre d'un enseignement dont le rythme était déterminé par l'enseignant. Si les quelques élèves ayant fait l'expérience de l'approche par projet au primaire se sont sentis à l'aise en arrivant dans le programme Protic, la plupart de leurs collègues de 1re secondaire, que nous avons interviewé en fin d'année scolaire, soutiennent qu'il leur a été difficile de s'adapter à un contexte d'apprentissage au sein duquel ils disposaient d'une grande autonomie. Il leur a donc fallu développer des stratégies qui leur permettraient de bien gérer leur temps de travail.
L'équipe de travail s'est révélée déterminante à cet égard, au point où travail d'équipe et gestion du temps sont indissociables dans le discours des élèves. Quand on demande à ces derniers de quelle manière ils parviennent à gérer leur temps, ils nous parlent d'abord de l'importance du partage des tâches entre les membres de l'équipe. C'est à ce moment-là que l'échéancier de travail prend forme à l'intérieur des balises fixées par l'enseignant. Les résultats plutôt médiocres de leurs premiers travaux témoignent de la difficulté que les élèves ont éprouvé à se mettre au travail.
Une fois le plan de travail établi, il faut aussi accepter de faire confiance aux autres membres de l'équipe. Philippe, qui aimait la compétition, considère que la confiance, qu'il a finalement accordée à ses coéquipiers, lui a permis d'arriver à des résultats bien supérieurs. De toute façon, sans cette collaboration, il devient très difficile de respecter les échéances. Par un dialogue constant, les élèves s'assurent de la bonne progression de leur travail respectif. Maude considère qu'elle apprend beaucoup plus vite parce qu'elle cherche elle-même l'information et la retient dès lors plus facilement. Et parfois, lorsqu'elle n'a pas envie de travailler sur ses projets, elle lit ce que ses collègues ont écrit. Elle en profite pour faire quelques suggestions et signaler les fautes qu'elle aura remarquées. Les élèves éprouvent un sentiment de sécurité, sachant que des coéquipiers peuvent les aider, que ce soit pour partager une information qu'ils ont trouvée ou pour expliquer une notion mal acquise. Ils se disent tous convaincus de perdre moins de temps grâce à ce contact permanent avec les autres membres de l'équipe. Si cette impression mériterait d'être regardée de plus près, il est néanmoins clair que la motivation des élèves demeure élevée.
Les échanges constants en classe font en sorte qu'on se retrouve dans un environnement bruyant et constamment en mouvement. Certains élèves ont rapporté qu'il leur arrivait parfois d'avoir de la difficulté à se concentrer, mais, généralement, les élèves réussissent à bien travailler. Ainsi Karl reconnaît qu'il arrive à l'occasion que lui ou les autres membres de la classe se laissent distraire par l'ordinateur et l'univers auquel il donne accès.
C'est lors de ces périodes de distraction que le rôle de chacun au sein de l'équipe devient vital. Quand l'élève doit remettre un travail personnel, il lui est facile de limiter ses efforts; certains se soucient même très peu de le remettre, disent les élèves. L'apprentissage coopératif mis de l'avant à Protic permet moins ce genre de comportement. Il est en effet difficile d'échapper à ses responsabilités lorsque son travail est nécessaire aux autres. On ne se gêne donc pas pour se rappeler à l'ordre entre équipiers. Plusieurs équipes ont d'ailleurs pris l'habitude, en cours d'année, de terminer le travail de recherche quelques jours avant l'échéance fixée par l'enseignant afin de s'entendre sur la mise en commun des informations recueillies.
Il est important de souligner que, généralement, les élèves ne connaissent pas le déroulement de leur journée lorsqu'ils arrivent à l'école, même s'ils sont relativement maîtres de leur temps de travail. L'agenda repose encore grandement sur les épaules de l'enseignant. C'est lui qui indique en début de période comment celle-ci sera occupée et les élèves se mettent ensuite au travail. Comme il est question ici d'élèves de 1ère secondaire, on peut penser que leur autonomie ira grandissant durant les années subséquentes.
L'utilisation de l'ordinateur branché en réseau donne une plus grande portée à l'approche par projet. L'élève a en effet accès à différentes sources d'informations et peut utiliser des logiciels-outils pour la réalisation de ses travaux et la production de ses résultats de projets d'apprentissage. L'enseignant doit, de son côté, gérer les différentes activités de tous les élèves de sa classe. Ces derniers effectuant des tâches différentes, il incombe à l'enseignant de se donner des repères en ce qui a trait à l'utilisation que font les élèves du temps qui leur est alloué pour leurs apprentissages. La façon dont les élèves se servent de l'ordinateur portable branché en réseau se situe au coeur de ces repères.
L'aménagement de la classe, en contexte d'apprentissage par projet, est déterminé par l'approche pédagogique privilégiée. Celle-ci a pour postulat de base la construction des connaissances dans un contexte de collaboration au sens le plus plein de ce terme. C'est dire que l'aménagement physique des lieux a pour but de favoriser l'établissement d'un tel contexte d'apprentissage.
On a déjà mentionné que les bureaux des élèves sont regroupés par quatre. Les prises électriques et le réseau se situent au centre de chaque îlot. On retrouve à l'avant de la classe le tableau, l'imprimante, les armoires de rangement de volumes, les documents et autres papiers. Le bureau de l'enseignant peut occuper différentes places dans la classe.
Les classes sont placées à proximité les unes des autres, mais aussi à proximité d'autres classes de l'école.
Comme nous l'avons déjà mentionné, chaque élève possède son ordinateur portable. Cette situation particulière fait en sorte que l'enseignant-e ou le stagiaire doit fréquemment demander à l'élève de fermer son ordinateur. La consigne "Baissez l'écran de votre ordinateur" devient, par conséquent, chose courante dans la classe branchée.
Si l'accès au réseau, par l'intermédiaire du portable, est généralement disponible, il arrive, en revanche, que le réseau soit non fonctionnel. De même, il peut arriver que l'élève ne puisse disposer de son ordinateur lorsque celui-ci est en réparation. Dans ce cas, l'organisation de la classe demeurera inchangée, car la classe est répartie en équipes sur une base permanente.
Échanger, partager, discuter, évaluer sont des attitudes courantes en contexte pédagogique de projet, de sorte que l'aménagement des lieux va bien au-delà d'une simple redisposition des éléments physiques de la classe et se traduit par de fréquents déplacements liés aux nécessaires échanges entre les membres des équipes, de même qu'entre les équipes elles-mêmes. Ces déplacements ont des conséquences directes sur le bruit dont le niveau devient plus élevé. Si la gestion du bruit n'a cessé d'être au coeur des préoccupations des enseignants soucieux de mettre en place les conditions les plus susceptibles de favoriser l'apprentissage des élèves dont ils ont la charge, elle constitue une préoccupation cruciale en contexte d'appren-tissage par projet. En effet, ce dernier repose sur une nécessaire interaction entre les membres de ce qu'il est désormais convenu d'appeler une communauté d'apprentissage. La classe, véritable communauté d'appren-tissage, fonde en effet son organisation sur une conception sociale du savoir, lequel, quoique s'édifiant selon les individus à des rythmes différents, ne peut être que le résultat, toujours provisoire, destiné donc à être prolongé, d'un consensus. La notion de consensus présuppose un partage de l'information et, par le fait même, une collaboration dans l'édification du savoir, une co-élaboration, pourrait-on dire, qui, replacée dans le cadre spécifique de la classe, crée au sein de celle-ci une dynamique particulière qui remet forcément en question son mode de fonctionnement.
De multiples changements résultent de ce nouveau contexte pédagogique, le bruit est certainement l'un des plus perceptibles et, dans le meilleur des cas, l'un des plus représentatifs, car il est, en quelque sorte, le signe de l'activité des "chercheurs" de la classe. Cependant, considéré d'un point de vue traditionnel, qui veut que le silence soit le signe représentatif d'une classe au travail, le bruit qui règne dans les lieux où l'on privilégie l'approche par projet ou l'apprentissage coopératif risque d'apparaître aux yeux du néophyte comme un signe d'indiscipline ou d'anarchie. C'est, du moins, la perception que risquent d'avoir les enseignants qui privilégient l'enseignement magistral et pour lesquels le silence constitue la règle d'or de l'assimilation du savoir. Pour d'autres, au contraire, tels les enseignants en sciences pour qui l'apprentissage de la matière nécessite chez leurs élèves de fréquentes interactions, la surprise sera peut-être moins grande. Toutefois, dans un cas comme dans l'autre, le bruit marque en quelque sorte une rupture avec la conception traditionnelle de l'enseignement.
C'est donc dire que l'adaptation au bruit, qui ne peut être que progressive, ne se fera qu'à partir du moment où l'enseignant, le stagiaire, l'élève et les autres intervenants comprendront que ce "bruit" engendré par la dynamique de l'approche par projet n'est pas le signe d'une classe mal gérée, mais bien plutôt une composante essentielle de l'apprentissage par projet.
Ce postulat étant posé, il convient maintenant de définir ce qu'il faut entendre par "bruit". Il importe également de se demander à l'intérieur de quelles limites le bruit peut être toléré et selon quels paramètres il peut mener à une écoute active et, par le fait même, conduire à un échange enrichissant entre les membres de la classe communauté d'apprentissage. Il s'agit, on le voit bien, de faire le passage menant du silence passif à la parole active et à l'écoute, ces deux dernières étant intimement liées. C'est donc dire que le bruit ou, dirons-nous désormais, la prise de parole doit être dirigée, c'est-à-dire administrée de telle manière qu'elle serve les intérêts de tous les membres de la classe. La classe communauté d'apprentissage est, tout comme la classe traditionnelle, soumise à la nécessité de sa cohérence, laquelle se traduira par l'établissement consensuel de certaines règles. Le degré de cohésion de la communauté d'apprentissage et le dynamisme de cette dernière s'accroîtront dans la mesure où la mise en place des règles devant permettre une gestion efficace du bruit résultera d'un commun accord. Chacun des membres de la communauté les faisant siennes, car l'apprentissage n'est rien d'autre que le développement de l'autonomie, autonomie que nous reconnaissons non seulement dans la capacité de l'élève à se donner des buts, mais plus fondamentalement encore, dans celle qui consiste à développer les attitudes appropriées à la réalisation de tels buts.
À cet égard, la gestion de la parole ne peut plus être du seul ressort de l'enseignant. Si l'apprentissage par projet fait appel à un mode de fonctionnement différent, au sein duquel on sollicite la participation active et effective de l'élève, alors il va de soi que les règles de fonctionnement quant aux modalités d'exercice de la parole doivent être établies de concert avec l'élève. Cependant, l'exercice de la parole dans le cadre spécifique de l'approche par projet peut représenter une difficulté pour l'élève à qui l'on a, jusqu'ici, généralement demandé d'écouter et à qui l'on demande dorénavant d'être partie prenante du processus d'apprentissage. L'exercice de la parole dans le cadre d'un échange constructif constitue une exigence nouvelle requérant un effort réel de la part de l'élève appelé à définir les modalités de ses apprentissages et à les mettre en oeuvre. Les exigences ne sont pas moindres pour l'enseignant dont l'énergie se trouve sollicitée de toutes parts par une activité pédagogique qu'il doit désormais partager avec les membres de la classe devenue communauté d'apprentissage.
La parole a donc un impact social qu'il importe de ne pas négliger en cherchant à se persuader qu'avec le temps les choses se placeront. L'enseignant aura, au contraire, tout intérêt à parler des effets qu'est susceptible de produire, tant sur lui que sur chacun des membres de la classe de même que sur la classe tout entière, le bruit découlant d'une prise de parole collective, et à ainsi faire prendre conscience aux élèves de la place et du rôle devant être dévolus à la parole pour que celle-ci serve les intérêts de tous. Cette prise de conscience devrait idéalement conduire à l'éla-boration de règles et de comportements qui tiennent compte de la composition de la classe - présence plus ou moins grande de leaders, élèves en difficulté d'apprentissage, élèves passifs ou turbulents -, de la maturité de la classe, de même que des particularités physiques du local d'enseignement.
La composition de la classe joue en effet un rôle important dans l'établissement de la dynamique de celle-ci. Certaines classes comportent un nombre important de leaders qui tiennent naturellement à imposer leur point de vue. D'autres classes regroupent des élèves plus passifs chez lesquels la prise de parole, toujours dans le cadre spécifique d'une conception constructiviste de la connaissance, constitue une exigence à laquelle ils seront peut-être tentés de substituer le bavardage oiseux. Dans un cas comme dans l'autre, et dans tous les cas, devrions-nous préciser, il importe de définir les rôles devant être tenus par chacun des membres à l'intérieur de l'équipe pour que celle-ci assume pleinement sa fonction de communauté d'apprentissage : en tant que modérateur, animateur, évaluateur, pour n'en nommer que quelques-uns, chacun des membres de l'équipe doit non seulement veiller, selon le rôle qui lui est assigné, à la bonne marche de l'équipe, mais encore devra-t-il ultimement évaluer l'impact de son rôle sur le fonctionnement de l'équipe et de la classe. Cette évaluation pourrait d'ailleurs constituer un critère d'évaluation dans le cadre de l'auto-évaluation de chaque élève.
La définition des paramètres de l'exercice de la parole a, on le voit, une incidence directe sur la qualité des échanges qui s'effectuent à l'intérieur du groupe mais également à l'intérieur de la classe. L'attribution de rôles, si elle rend possible une distribution et une circulation démo-cratique de l'information à l'intérieur de chacune des équipes, ne met cependant pas ces dernières à l'abri du bruit. La fréquence des échanges à l'intérieur de chacune des équipes produit nécessairement une élévation importante du niveau du bruit au sein de la classe. Ce niveau peut cependant être abaissé : une fois les projets mis en place, l'enseignant, après avoir souligné la promiscuité des membres à l'intérieur de chacune des équipes, rappellera à l'ensemble de la classe qu'il est non seulement possible mais également souhaitable pour le bénéfice de tous d'adopter un ton de voix suffisamment bas de manière à ce qu'une équipe en phase de lecture ou d'écriture, par exemple, ne se trouve pas dérangée par une équipe en phase de discussion. L'élève se rend compte alors que l'accomplissement du travail de la classe communauté d'apprentissage repose sur un respect mutuel tant entre les membres de l'équipe qu'entre les équipes elles-mêmes. Dans le mesure ou le savoir est une co-élaboration, il appert en effet que sa réalisation passe par l'établissement d'une discipline commune parce que mise au service d'une finalité commune aux membres de la classe.
L'élaboration des règles de conduite quant à la prise de parole doit également tenir compte de la maturité du groupe. Si la gestion de la parole au sein d'une classe de 1ère secondaire suppose la prise en compte de paramètres différents de ceux qui conduiront à l'établissement du protocole des échanges et des déplacements dans une classe de 5e secondaire, cette différence demeure toute relative : la maturité affective d'un groupe de 1ère secondaire peut être plus grande que celle d'une classe de 5e secondaire, et, comme le degré de maturité intellectuelle est subordonné à celui de la maturité affective, la gestion du bruit pourra demander plus de temps dans le second cas. Dans tous les cas, cependant, la participation active et responsable de l'élève, à la mise en place des modalités présidant aux échanges et aux déplacements physiques tant au sein de l'équipe qu'entre les équipes elles-mêmes, constitue une garantie de réussite, l'élève apprenant à définir et définissant les conditions devant mener à la réussite de ses apprentissages.
Enfin, la gestion du bruit doit tenir compte des particularités du local d'enseignement. L'enseignant qui ne dispose que d'une seul local doit faire preuve de plus d'imagination et de souplesse que celui qui peut répartir les équipes de sa classe en deux ou plusieurs locaux selon les besoins de chacune. En outre, un local aux dimensions restreintes constitue un stress supplémentaire tant pour l'enseignant que pour les élèves qui doivent composer avec un niveau de bruit élevé. Même dans les cas où la classe connaît un bon fonctionnement, il n'en demeure pas moins que bien des élèves éprouvent de réelles difficultés à travailler dans le bruit. Encore là, l'enseignant devra innover : il pourra envoyer une équipe discuter dans le corridor, par exemple, afin d'assurer un calme relatif aux équipes en période de lecture et d'écriture.
Enfin, quelle que soit sa capacité à trouver des solutions, l'enseignant qui adopte l'approche par projet se trouve tôt ou tard dans la nécessité d'établir certains compromis avec ses collègues dont les croyances seront parfois heurtées par l'activité des élèves-chercheurs et par le bruit que cette activité génère. L'approche par projet suppose en effet une complète redéfinition des lieux et du temps d'apprentissage. La classe n'est plus ce lieu fermé, indépendant au sein duquel l'enseignant officie devant un groupe silencieux et docile, mais un espace, lui-même constitué de micro-espaces, ouvert à d'autres espaces. Cette décentralisation extrême requiert une gestion non seulement commune aux membres de la classe communauté d'apprentissage, mais aux membres de l'école où siège cette classe communauté d'apprentissage.
Nous devons changer la façon dont les maîtres interagissent avec les élèves dans la classe et ces changements doivent s'enraciner dans une compréhension de la façon avec laquelle les élèves apprennent12.
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À Protic, l'ordinateur portable de l'élève constitue un outil inestimable de traitement de l'information. L'élève peut effectuer en tout temps la mise en relations de toutes les formes d'information : textes, images, animation, graphiques, son, vidéos. Cet outil offre également l'avantage d'aborder la connaissance d'une manière dynamique, les hyperliens évoquant en quelque sorte le fonctionnement du cerveau. En outre, si les technologies "transportables" relient l'élève au monde, elles permettent surtout à ce dernier une plus grande diversité de ses modes de rapport à autrui et rendent ainsi possible l'accès à d'autres champs d'activités.
Protic propose aux élèves une démarche d'instrumentation intellectuelle qui les rend capables d'établir des rapports entre les différents champs du savoir. L'apprentissage à Protic passe en effet par l'ouverture de l'intelligence singulière à l'intelligence collective. Un tel projet de développement de l'intelligence repose sur une collaboration et une complexification des tâches. À Protic, l'utilisation des technologies a donc pour objectif de permettre à l'élève, par le biais de ses différentes contributions, de prendre conscience des formes multiples de l'intelligence, car, comme le souligne Jean Le Moigne, "ce n'est pas en séparant le faire et le savoir que nous pourrons reconstruire sans cesse cette intelligence". Faciliter la participation de l'élève à l'organisation de son milieu et à l'échafaudage collectif de la connaissance devient chose possible lorsque l'élève se dote d'une instrumentation intellectuelle et en évalue l'impact sur son développement et sur celui de la communauté d'apprenants à laquelle il appartient. L'élève prend ainsi conscience de sa singularité et de la contribution nécessaire de celle-ci à l'édification du savoir collectif.
Dans le cadre de ce programme des technologies (Protic), nous considérons donc que c'est aux technologies de s'adapter à l'intelligence humaine et non l'inverse, sans pour autant négliger leur apport dans les relations à la connaissance.
Conscient du risque que représente l'intégration de l'ordinateur en milieu d'apprentissage, Roland Arpin écrit dans son Plaidoyer pour une école culturelle :
Nous entendons dire que le métier d'enseignant est en voie de disparaître en faveur d'une profession d'accompagnateur. Selon cette hypothèse, l'ordinateur serait le véritable leader auprès des élèves et des étudiants. Quelle bêtise ! L'ordinateur est un outil merveilleux mais un outil. Il offre des possibilités illimitées en ce qui a trait au stockage des données, à l'organisation de masses considérables d'informations. Plus encore, l'ordinateur oblige à une démarche intellectuelle ordonnée, faisant appel à la logique ; de surcroît, la machine se transforme par la simple utilisation des logiciels appropriés en un outil d'aide à la création, et quoi encore ? Mais de là à reléguer l'enseignant au rôle d'accompagnateur, il y a une limite qu'on ne saurait franchir13.
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7.1 La théorie des intelligences multiples de Gardner
Pour mieux évaluer la complexité des interventions humaines au sein d'une classe branchée, nous entendons faire appel à la notion d'intelligence multiple telle que développée par Howard Gardner, professeur à l'Université de Harvard. Nous verrons ensuite comment les conditions mises en oeuvre à Protic sont susceptibles de favoriser le développement de ces différentes formes d'intelligence.
Les travaux de Howard Gardner sont, comme il le dit lui-même, fortement influencés par le modèle de l'esprit, modèle issu des sciences cognitives et de la neuroscience sur le développement du cerveau. Son ouvrage, Frames of Mind (1983), servira à démontrer que l'intelligence présente des formes multiples et que l'usage des technologies peut en favoriser le développement. C'est du même coup affirmer que la connaissance est en relation étroite avec les compétences personnelles et relationnelles de la vie de tous les jours. On comprendra donc que l'atteinte de ces compétences, qui participe de la maîtrise des savoirs, est fonction directe du développement des formes d'intelligence. Les compétences, en un sens, en sont l'expression. Pour ceux et celles qui s'intéressent au sujet, l'annexe E fournit un tableau des huit formes d'intelligences proposées par Gardner; l'adresse qui suit vous fournira une liste de références sur le sujet.
À Protic, la théorie de Gardner ne sera pas réduite à la croyance voulant que tout le monde présente les mêmes habiletés intellectuelles. Certes, toute personne possède, dans une certaine mesure, chacune de ces intelligences, quoique la combinaison de ces dernières diffère d'un individu à un autre. En ce sens, les formes d'intelligences dénombrées par Gardner participent aux différentes performances des élèves, mais on conviendra aisément que cette participation s'effectue à des degrés variables de compétence. L'enjeu à Protic a été de créer des conditions où puissent se développer ces formes intellectuelles lorsqu'elles trouvent écho au sein d'une relation aux autres. L'ABC_W, permet de retracer le processus des rencontres lors de la construction collective de la connaissance assistée par le Web.
L'approche par projet permet la mise en oeuvre d'activités interindividuelles complexes découlant de l'interaction des multiples intelligences individuelles. Toute construction de connaissances fait en effet appel à plusieurs types d'intelligence. Il importe donc de considérer les élèves comme détenteurs d'un ensemble d'habiletés intellectuelles qu'ils sont progressivement amenés à maîtriser et à développer dans la connaissance de celles des autres élèves au cours de leur démarche d'apprentissage. Cette interaction intellectuelle entre plusieurs individus rassemblés autour d'un même projet incite chacun d'eux à réfléchir, à analyser, à interpréter plusieurs fois une même situation. L'approche par projet conduit donc l'élève à évaluer sa démarche intellectuelle, dès lors qu'il la confronte à celle de ses pairs et, par le fait même, l'amène à la modifier et à l'enrichir.
La notion d'intelligence, telle que définie par Gardner, met donc l'accent sur la performance intellectuelle dans l'espace ouvert de la coopération et de l'interaction. C'est dire que les interactions et la multiplication de ces interactions au sein d'un groupe donné sont susceptibles de conduire à de profondes transformations intellectuelles tant du côté de l'individu que du côté du groupe au sein duquel cet individu évolue. Les possibilités de cette construction collective sont illimitées. Dans cette perspective, les réalités de l'enseignement à Protic nous paraissent offrir un espace où les transformations s'effectuent un peu plus vite qu'ailleurs, parce qu'elles multiplient les possibilités de rencontres de manière démocratique.
7.2 La notion de compétences collectives14
La notion se base sur les postulats suivants : la vitesse de renouvellement des savoirs et des compétences, l'impossibilité de posséder, d'inventer ou de construire seuls certains types de savoirs.
Dans cette perspective, on ne peut apprendre à comprendre, à communiquer, à collaborer ou à négocier qu'à la condition d'être en rapport avec les autres, et ces habiletés de compréhension, communication, collaboration ou négociation réussissent ou échouent pour tous les membres qui participent à l'interaction.
Les compétences collectives résultent de la conjugaison de compétences individuelles qui sont plus que l'addition de chacune, puisqu'elles médiatisent un réseau de relations entre les intelligences différentes ou entre des intelligences mises en oeuvre différemment. Pour médiatiser la production de cette intelligence collective15, au moins trois catégories de compétences sont nécessaires :
* des capacités techniques (être capable de planifier, animer et gérer des rencontres, des discussions ; être capable de réaliser une démarche de projet, être capable d'utiliser les technologies de manière pertinente et efficace)
* des capacités d'élaboration d'activités ou de projets à plusieurs, ce qui met en jeu aussi bien les dimensions affectives que la capacité cognitive dans la coopération
* la nécessité pour chaque groupe de "manager" le savoir et les compétences internes et externes16 (se pose la question de distribution et de construction)
Dans cette première tentative de compréhension de la notion, on peut concevoir l'idée que la responsabilité collective est une condition nécessaire à la possible production de compétences dans la société de l'information et du savoir qui se traduit comme un monde de rapports à autrui.
14 Delvaux, Frédérick et Partoune, Christine. Recherche sur les compétences terminales en géographie http://www.ulg.ac.be/geoeco/lmg/competences/00/competen.html 15 Lévy, Pierre. L'intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberespace, La Découverte, Paris, 1994, collection de poche en 1997. http://www.respublica.fr/fac8/levy.htm 16 AIM KM, page visitée en octobre 1999, Knowledge management |
7.3 L'apprentissage par projet
À Protic, est-il nécessaire de le rappeler, l'enseignement s'effectue sous la forme d'une "démarche par projet construit". Le projet, quelle que soit sa nature, comprend trois temps : la préparation, la réalisation et, enfin, l'intégration des éléments du travail réalisé dans des formes qui satisfont de plus en plus.
7. 3.1. La préparation
Si l'enseignant doit s'assurer que le projet rejoigne les objectifs généraux du programme d'études, il doit également veiller à ce qu'il intéresse la majorité des élèves. Avant de soumettre le projet à ces derniers, l'enseignant doit effectuer un premier tri des sites Web sur le sujet, de manière à faciliter la recherche et à proposer différents modèles qui inciteront les élèves à formuler diverses questions sur le sujet.
L'enseignant propose ensuite le projet à la classe. À cet égard, il est absolument nécessaire d'énoncer le but du projet et de poser aux élèves certaines questions du type "qu'aimeriez-vous apprendre sur ce sujet ?" ou "de quelle manière pensez-vous aider votre équipe" ? L'enseignant passe ensuite au rappel des connaissances et des intérêts. Au cours de cette activité, il peut demander à chaque élève de poser une question et de formuler une hypothèse qui donnera un sens à leur recherche. En dernier lieu, l'élève planifie les ressources (humaines ou matérielles) dont il aura besoin. L'enseignant peut offrir des modèles de planification, mais ces derniers peuvent également être élaborés par des élèves qui ont acquis une certaine compétence dans cette pratique. Finalement, les élèves et l'enseignant discutent des outils et des méthodes de recherche. Chaque équipe a la liberté de présenter les résultats de son travail selon la perspective qui lui est propre.
7.3.2 La réalisation
Tout au long de cette phase, les élèves travaillent en équipe. L'enseignant guide la réflexion des élèves en questionnant ces derniers sur la pertinence et l'efficacité des ressources et des informations sélectionnées, sur les éléments comparatifs (semblables, différents ou complémentaires), les critères de catégorisation et d'organisation de l'information et les liens entre les divers éléments de l'information. Enfin chaque équipe réfléchit à la présentation de son travail. Les élèves discutent des différents aspects du travail et des apprentissages à réaliser et à partager. Ils s'interrogent également sur les technologies devant être utilisées et sur la forme de communication la plus appropriée au type d'auditoire : qui fait quoi ? avec qui ? avec quoi ? où ? quand ? comment ? pendant combien de temps ?
7.3.3 Intégration
Cette dernière phase du projet consiste à prendre conscience des apprentissages qui ont été réalisés au cours du processus de construction du projet et, par ceux-ci, des habiletés et des attitudes affectives, sociales et cognitives nouvellement acquises ou développées tant sur le plan individuel que collectif. Cela débouche donc sur deux types d'évaluation à effectuer : l'évaluation personnelle et l'évaluation interactive (le groupe-classe ou l'équipe).
7.4 Le projet Renaissance
Le projet Renaissance, réalisé dans le cadre du programme Protic, constitue une illustration intéressante de l'influence mutuelle des performances et des compétences humaines et technologiques.
Ce projet avait pour objectif la connaissance des principales caractéristiques de la Renaissance, telles que l'hérésie, l'héliocentrisme, le géocentrisme. Chaque élève au sein de l'équipe devait s'approprier un personnage de l'époque de la Renaissance. La difficulté venait des liens à créer entre les personnages. Il ne s'agissait pas, en effet, de liens familiaux, mais bien de liens conceptuels susceptibles d'aider les élèves à comprendre l'esprit de la Renaissance. Finalement, chaque équipe devait présenter son travail. (Ce projet peut être vu sur le site http://www.protic.net.)
La mise en forme de ce dialogue axé sur la reconnaissance d'une caractéristique de la Renaissance s'est graduellement transformée en une proposition de pièce de théâtre pour certains, en site Web pour d'autres. Chacune des équipes s'est attribué une tâche : l'une s'occupera de l'esthétique du site, une autre identifiera les sources d'information, une troisième mettra en format html l'information trouvée, tandis qu'une quatrième vérifiera la qualité du français.
Au cours de ses différentes phases, le projet s'est précisé. Ensemble, nous avons convenu de présenter les résultats à l'auditorium. Nous avons débattu autour de la question des personnes à inviter. Un élève s'est chargé des invitations par courriel. Quelques-uns se sont institués responsables du son. D'autres se sont occupés de l'éclairage. Un élève, responsable des décors, a formé son équipe tandis qu'un autre a pris en charge les présentations multimédia de certaines des pièces de théâtre montées par les équipes. Certains ont offert de préparer le texte servant à présenter chacune des courtes pièces de théâtre. Enfin des élèves ont fourni les costumes que chacun empruntait à tour de rôle.
Ensuite, nous avons évalué la qualité de notre spectacle. Une quarantaine d'élèves sur les 61 ont fait une présentation devant public, et la plupart ont participé d'une manière ou d'une autre au spectacle. Une équipe qui avait décidé à la dernière minute de participer, sans doute sous l'influence de la dynamique générale, s'est empressée de mettre la dernière main à sa présentation durant la première partie du spectacle. Enfin, la veille du spectacle, un membre d'une équipe a décidé de ne pas présenter sa partie parce qu'il n'était pas satisfait de ce qu'il avait fait, laissant son équipe en plein désarroi. Un élève d'une autre équipe, qui aime se produire en spectacle, a accepté d'interpréter son rôle.
7.5 Le site Web : une démarche progressive
La réalisation d'un projet suppose un travail de planification progressive avec les élèves prêts à collaborer à l'enrichissement du projet. Dans cette perspective, est-il vraiment possible de planifier le contenu des ressources sur le Web avant que les élèves en aient commencé l'exploration ? Bien sûr, l'enseignant doit préciser l'information à fournir, les publics visés et les objectifs quant à la production de ressources en réseau. Il doit déterminer l'organisation des stratégies de production du site, inclure des aides à la navigation tels que des liens hypertextes, une table des matières, une liste des sites préférés, un tour d'horizon, une rubrique des nouveautés. Cependant, tout au long du parcours de construction, chacun des élèves, à sa manière et au moment qu'il juge opportun, apporte sa contribution : la classe reformule de nouvelles orientations, apporte certaines modifications à la présentation, à la navigation, aux objectifs et au contenu du site Web. Il n'est nullement souhaitable que tous les élèves utilisent toutes les ressources du site. Certaines pistes sont indispensables parce qu'elles fournissent à l'élève des informations sur le déroulement quotidien du projet, d'autres servent de guide, de sorte que l'élève n'a pas à communiquer par courrier électronique avec l'enseignant. D'ailleurs la lecture des ressources sur le site Web suscite suffisamment d'échanges entre les élèves, pour rendre en quelque sorte caduques les interventions de l'enseignant, exception faite des ressources préalablement expliquées et déposées sur le site. D'autres parties du site ont pour but de répondre à des besoins plus spécifiques à chacun ou à chacune. L'une des fonctions du site est d'offrir un tremplin de mots-clés afin d'effectuer la recherche sur le WWW.
Bien qu'une très grande latitude soit laissée aux élèves, la démarche n'est pas sans méthode. Tout au long du parcours, l'enseignante s'est appliquée à mieux définir les objectifs et à situer la place des activités, à mettre en oeuvre la meilleure méthodologie possible pour la cueillette et l'interprétation des informations, la diffusion des résultats des projets, l'élaboration d'un plan qui puisse mettre en évidence les possibilités ou les limites du processus. Somme toute, il importait de laisser la trace d'une action.
8.1 La direction et les élèves
L'admission des élèves est sous la responsabilité de la direction. Il est essentiel que les élèves qui s'inscrivent à Protic et leurs parents sachent bien dans quelle aventure ils se lancent. Depuis la mise en place du programme, ils sont environ 120 élèves à s'y intéresser chaque année. Ceux qui sont reçus ne sont pas nécessairement des élèves au profil académique exceptionnel, mais ils doivent présenter les aptitudes requises pour compléter leur cours secondaire. On s'intéresse particulièrement à leur capacité à travailler en équipe et à apprendre de façon autonome à travers des projets. Les bulletins du primaire, l'avis des enseignants de 6e année, un test sur les connaissances informatiques ainsi qu'un test d'habileté fournissent les informations permettant de retenir ou non les candidatures. Le processus est rigoureux parce qu'on veut éviter des échecs qui seraient dus à une incapacité fonctionnelle. La décision d'exclure un élève en raison de ses échecs devient délicate quand on prend en considération les coûts liés à l'achat d'un ordinateur portable. Pensons ici à un élève qui n'arriverait pas à travailler parce qu'il y a trop de bruit dans la classe ou qui est incapable de mener à terme sa part d'un travail d'équipe parce qu'il manque d'organisation. Il faut avoir la simplicité de reconnaître que le modèle de Protic ne convient pas à tous les élèves.
Compte tenu du contenu non recommandable qui est véhiculé sur l'Internet, il est normal de se demander comment on réussit à maintenir les élèves à l'écart de ce contenu alors qu'ils sont tous branchés au réseau des réseaux. Pour la direction, il est essentiel que les élèves apprennent à utiliser leur ordinateur de façon rationnelle et responsable. À partir du moment où l'ordinateur et le réseau auquel il est relié sont perçus comme des outils de travail, les mauvais usages disparaissent. Bien entendu, de septembre à janvier de la première année, les élèves sont tentés de faire l'essai de tout ce qui leur tombe sous la main, mais, généralement, tout rentre ensuite dans l'ordre.
Il faut souligner qu'aucun problème d'absentéisme n'a été signalé jusqu'ici au sein des classes Protic. Les élèves sont intéressés et veulent terminer les travaux qu'ils ont entrepris. Un vendredi midi, lors d'une tempête de neige, les élèves de Protic ont été les derniers à quitter l'école qui fermait et, aux dires du directeur-adjoint de l'école, ils l'ont quittée de mauvaise grâce !
8.2 La direction et les parents
Même s'ils doivent dépenser une somme importante pour l'achat d'un ordinateur, les parents intéressés n'hésitent généralement pas à inscrire leur enfant au programme. Ils souhaitent que ce dernier apprenne à maîtriser les nouvelles technologies et ils apprécient le principe de l'enseignement par projet et l'idée de coopération qui animent Protic. Cependant, on cherche maintenant des moyens d'amener les parents à suivre les apprentissages de leur enfant. Comme on vient de le mentionner, les interrogations et les inquiétudes sont multiples chez les intervenants du monde scolaire qui ne se sont pas encore familiarisés avec les grands principes de Protic. Imaginez, dès lors, les parents, souvent loin de l'école, qui voient leur enfant travailler à différents projets sans pouvoir s'assurer qu'il ait fait les exercices demandés ou si son travail répond aux exigences de l'enseignant. N'oublions pas que l'élève ne travaille que sur une partie du projet. Dans la mesure où ils ne sont pas directement impliqués dans la démarche de leur enfant, les parents n'ont donc aucune vue d'ensemble.
Du fait qu'ils sont branchés sur l'Internet, les élèves peuvent communiquer entre eux, qu'ils soient à l'école ou à la maison. Face à un problème, ils peuvent donc toujours trouver de l'aide par la mise sur pied de petits groupes de discussion par le moyen des logiciels de conversation. Si les parents avaient, eux aussi, accès à la communication en réseau, ils seraient à même de connaître les exigences formulées par les enseignants et pourraient à leur tour surmonter les difficultés qu'ils éprouvent actuellement à suivre les apprentissages de leur enfant. Dans cette perspective, les intervenants du milieu scolaire et les enseignants ont entamé la construction d'un site web dans lequel élèves et parents trouvent de l'information pertinente aux différents travaux en cours, soit le calendrier scolaire, les échéanciers des projets et les objectifs à atteindre. Des ressources d'aide y seront affichées, des exercices supplémentaires pourront être mis à la disposition des élèves, de manière à ce que ces derniers puissent faire toute la révision nécessaire avant un examen. Ces sites pourront aussi servir à tous les membres de la communauté enseignante intéressés par les réalisations et les projets de Protic.
L'évaluation figure aussi parmi les appréhensions des parents. Comme le programme Protic repose sur une approche coopérative, l'évaluation formative est en vigueur. Pour les travaux d'équipe, les notes sont communes. Tout le travail de l'année est évalué par le biais du portfolio. On s'intéresse donc beaucoup à la progression des apprentissages. Au lieu d'une note chiffrée, les élèves reçoivent une note alphabétique de A à E. Les parents estiment que le système manque ici de précision. Pour l'instant, la direction de Protic maintient cette politique d'évaluation dans l'espoir d'éviter que seul le résultat des examens ne soit finalement pris en considération, ce qui risquerait de développer l'esprit de compétition parmi les élèves. Il est cependant déjà acquis que les notes seront chiffrées en 4e et 5e secondaire pour respecter les besoins du système d'admission au niveau collégial.
Nous l'avons déjà dit, Protic, c'est une école dans l'école. Des structures de consultation auprès des parents ont donc été créées. Un comité de parents, qui ne remplace pas le comité de parents officiel de l'école, a d'abord été mis sur pied afin d'impliquer les parents dans les orientations du programme. Il s'agit d'un exercice difficile pour la direction qui cherche à éviter que cette tribune ne se transforme finalement en comité des plaintes où les parents ne défendraient que les intérêts individuels de leur enfant. Ce comité consultatif doit être la tribune où il devient possible d'exprimer des inquiétudes et des besoins quant au fonctionnement général de Protic et de proposer des ajustements rejoignant les intérêts de l'ensemble des parents. Peu de rencontres ont été organisées jusqu'ici. Un second comité chargé des questions strictement techniques est en voie d'être formé : parents, élèves, enseignants et représentant du fournisseur informatique y discuteront de la fonctionnalité des outils utilisés.
Le souhait ultime de la direction du programme serait de réussir à intégrer les parents afin d'en faire des personnes-ressources pour les enseignants et les élèves. Est-il trop audacieux d'imaginer une mère présentant des applications concrètes de son travail en rapport avec les théories enseignées lors d'un cours de sciences ? Un père apportant sa contribution à l'élaboration de documents ? Les possibilités sont infinies. Il s'agit donc pour la direction de continuer de réfléchir aux orientations susceptibles d'assurer la croissance d'un programme comme Protic.
Dans le contexte Protic, la démocratie s'apprend au sein d'une organisation de classe où non seulement le rapport au savoir est modifié, mais aussi le rapport à autrui. Pour réussir, l'élève doit cultiver sa capacité de collaboration avec les autres, il doit apprendre à faire en sorte que son individualisme fasse place au collectif.
Nous évoluons ensemble quant à la conduite d'une classe démocratique. Cela se traduit par un rapport à l'autorité différent : tous ont un droit de parole, tous ont droit aux prises de décision. L'enseignante ou l'enseignant est un participant modèle qui exerce son autorité pour apporter des correctifs jugés opportuns.
Nous espérons ainsi apporter notre contribution à l'atteinte des objectifs de l'école québécoise : instruire, socialiser et qualifier. En bout de course, c'est de la formation de la citoyenne et du citoyen de demain dont il s'agit. Nous voulons en faire des démocrates, non seulement au plan politique, mais dans leur interaction avec les autres à l'école, à la maison et au travail.
AMERICAN PSYCHOLOGICAL ASSOSCIATION (APA), 1995
http://www.fse.ulaval.ca/fac/tact/fr/html/principe.html
GRÉGOIRE, R. et LAFERRIÈRE, T.
Apprendre ensemble par projet avec l'ordinateur en réseau , 1998
http://www.tact.fse.ulaval.ca/fr/html/sites/guidep.html
BRUER, John, T., Schools for thought, Cambridge, The MIT Press, 1993
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'ÉDUCATION, Éduquer à la citoyenneté
http://www.cse.gouv.qc.ca/f/pub/rappann/listerap.htm
GARDNER, Howard, Multiple Intelligences, New-York, BasicBooks, 1993
GRÉGOIRE, Gilles, Pour une bonne gestion de classe et une utilisation rationnelle du portable en classe et à la maison,
http://www.protic.net/description/index.html
LÉVY, Pierre Cyberculture, Éditions Odile Jacob, Rapport au Conseil de l'Europe, 1997
http://www.odilejacob.fr/fr/cata/cata.html
LÉVY, Pierre, Les technologies de l'intelligence. L'avenir de la pensée à l'ère informatique, Paris, La Découverte, 1993
I-13.3 : LOI SUR L'INSTRUCTION PUBLIQUE a. 36
http : //doc.gouv.qc.ca/
MÉNARD, Louise, Les intelligences multiples de Gardner:
http://www.protic.net/menardl/FCAR/intelligencemultiple.htm
MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION DU QUÉBEC
Le nouveau curriculum national
http://www.meq.gouv.qc.ca/CPRESS/CPRSS97/c970930.htm
STAGIAIRES EN ENSEIGNEMENT,
Pédagogie par projet :
http://www.tact.fse.ulaval.ca/fr/html/sites/ces_99
PEIRCE, C.S., Collected Papers, Charles Hartshorne et Paul Weiss, éd., Cambridge, MA, The Belknap Press, Harvard University Press, 1965, vol.V.
DISCAS est un organisme privé qui travaille sur les programmes d'études et sur l'intégration des apprentissages. Cet organisme a publié trois ouvrages majeurs qui tiennent lieu de référence au Québec en matière de taxonomie.
|
Considérés dans leur ensemble, les objectifs du curriculum québécois peuvent être de trois types :
* expérientiels (explorer, rappeler, rétroagir) ;
* cognitifs et psychomoteurs. Ils font appel à des habiletés. Ces habiletés sont elles-mêmes de deux ordres : les habiletés intellectuelles (constater, identifier, décrire, interpréter, représenter, relier, expliquer, analyser), axées sur différents aspects du traitement de l'information ;
les habiletés pratiques (appliquer, choisir, produire, synthétiser), axées sur la performance, la création et la résolution de problèmes.
* affectifs (accueillir, exprimer, s'engager). Ils font appel à des attitudes.
Types d'objectifs | Aspects | Capacités sollicitées | Processus | Exemples de comportements | Signification |
Affectifs(attitudes) |
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prendre conscience, reconnaître, accepter | Accepter d'être exposé à un stimulus et éventuellement manifester une disposition favorable à son égard. |
|
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se situer, donner son opinion | Traduire par le moyen du langage ses sentiments, ses opinions, ses préférences ou ses valeurs. | |
|
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|
participer, poser des gestes | Traduire dans un système cohérent d'actions ses sentiments, ses opinions, ses préférences ou ses valeurs. |
* permission de reproduire accordée
http://www.education.infinit.net/discas/
Dates : ___________________
Nom : ____________________
Rôles : ____ ; ____ ; ____ ; ____ ; ____ ; ____ ;
Afin qu'une bonne partie de la matière ne soit pas perdue, il est également important qu'il y ait, lorsque la chose est possible, pour chaque période de cours en activité projet, des applications le soir même sur la ou les notions vues, particulièrement en mathématiques. La correction de ces exercices devrait se faire le cours suivant, soit en équipe, soit de concert avec l'ensemble en classe de manière à ce que les notions soient bien construites chez tous les apprenants.
Très satisfaisant | Satisfaisant | + ou- satisfaisant | Insatisfaisant | Problèmes non réussis; questions à se faire expliquer:(noter pages et nos) | ||||||||||||||||||||||
|
o Lire et donner les consignes. | |||||||||||||||||||||||||
o Partager les tâches au sein de l'équipe. | ||||||||||||||||||||||||||
o Aider son équipe à ne pas s'écarter du sujet. | ||||||||||||||||||||||||||
2. MODÉRATEUR | o Donner équitablement la parole à chacun des membres de l'équipe. | |||||||||||||||||||||||||
o Faire baisser le ton de voix. | ||||||||||||||||||||||||||
o S'occuper de l'impression. | ||||||||||||||||||||||||||
3. MINUTEUR |
o Veiller à ce que le travail se fasse dans le temps prévu. | |||||||||||||||||||||||||
o Aller chercher et rapporter le matériel. | ||||||||||||||||||||||||||
o Vérifier si tous ont noté le travail à faire. | ||||||||||||||||||||||||||
4. PUBLICISTE | o Faire la présentation du travail devant la classe. | |||||||||||||||||||||||||
o Expliquer la démarche que l'équipe a suivie, les difficultés rencontrées et la façon avec laquelle l'équipe a résolu les problèmes. | ||||||||||||||||||||||||||
o Prendre en note les problèmes rencontrés. |
N.B. : Si un élève est rejeté du groupe parce qu'il dérange ou ne travaille pas, cet élève est retiré du groupe et devra travailler seul pour tout l'exercice en cours.
Date:
Gr _____
Équipe : |
1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 |
Animateur | ||||||||
Modérateur | ||||||||
Minuteur | ||||||||
Publiciste | ||||||||
Tr. équipe | ||||||||
Perte de temps |
Mon nom:__________________
ÉVALUATION DE L'ANIMATEUR Nom de l'animateur:________________________
Bien | Moyen | Faible | |
Il parlait assez fort | |||
Ses explications étaient assez claires | |||
Il était bien préparé | |||
Ses notes étaient simples | |||
Il respectait tous les membres | |||
Il répondait à nos questions | |||
Il était nerveux | |||
Il était confiant | |||
Il a supervisé nos exercices | |||
Il m'a aidé à comprendre | |||
Sa participation était ... | |||
Il a encouragé les membres |
Bien | Moyen | Faible | |
J'ai bien écouté les explications | |||
J'ai respecté les consignes | |||
J'ai fourni les efforts pour comprendre | |||
J'ai fait les exercices | |||
J'ai accepté de me faire expliquer | |||
J'ai demandé de l'aide aux autres membres de l'équipe | |||
Ma participation était... | |||
J'ai respecté les autres | |||
J'ai aidé les autres membres de mon équipe | |||
J'ai encouragé les membres de mon équipe | |||
J'ai noté le devoir | |||
Je suis fier(e) de mon travail au sein de l'équipe. |
On peut également vérifier les apprentissages en cours de projet à partir d'une grille qui identifie les notions et qui permet d'en évaluer la compréhension. En voici un modèle :
Apprentissage coopératif
Module:_________________
Période:________________
Gr:___
Équipes |
|
1 | |
2 | |
3 | |
4 | |
5 | |
6 | |
7 | |
8 |
Afin qu'une bonne partie de la matière
ne soit pas perdue, il est également important qu'il y
ait, lorsque la chose est possible, pour chaque période
de cours en activité projet, des applications le soir même
sur la ou les notions vues, particulièrement en mathématiques.
La correction de ces exercices devrait se faire le cours suivant,
soit en équipe, soit de concert avec l'ensemble en classe
de manière à ce que les notions soient bien construites
chez tous les apprenants.
1. Aspect technique
Afin de pouvoir être branché en réseau depuis la maison, chaque ordinateur doit être muni d'un modem intégré. Il doit également posséder une carte réseau afin de pouvoir y être relié lorsque l'élève se trouve à l'école, la carte réseau permettant un transfert des informations beaucoup plus rapidement que le simple modem. Il ne faudrait pas oublier que l'achat d'un ordinateur se fait en fonction des besoins que l'on a. Il doit donc avoir une configuration lui permettant de soutenir les logiciels utilisés en classe.
Pour la plupart des parents, l'achat d'un ordinateur peut paraître compliqué. Pour cette raison, mais également dans le but d'obtenir de meilleurs prix, tout en s'assurant de l'uniformité des ordinateurs utilisés au sein des groupes, l'école s'occupe de l'achat des ordinateurs portables.
Tableau 1 Comparatif des ordinateurs portables
Première cohorte, 97-98 | Deuxième cohorte, 98-99 |
Toshiba 220CDS Pentium 133Mhz 16 Mo / ram 1.6 Go / disque Lecteur CD externe PCMCIA Megahertz 10Mo/sec |
Compaq Armada 1571DM Pentium 200 MMX Mhz 32 Mo / ram 3.2 Go / disque Lecteur CD 20X interne Modem 56 bds interne Controller 10T PC card UTP |
On peut noter, ici avec quelle rapidité s'effectue l'évolution technologique. D'une année à l'autre, l'ordinateur a doublé de puissance.
1.1 L'achat
Dans le cadre du programme Protic, ce sont les parents qui défraient le coût de l'ordinateur portable. De cette manière, l'école n'a pas à absorber le coût relié à l'achat des ordinateurs et, par le fait même, il est certain que les élèves porteront une plus grande attention au matériel.
"Le coût estimé de cet appareil répondant à ces caractéristiques équivaut à un investissement de 600 $ par année, pendant 5 ans. Des modalités de financement avec une institution financière sont prévues afin d'étaler, sur une base de trois ans, le paiement du micro-ordinateur de l'élève." (Référence : Orientations générales, programme Protic, 1997).
L'obtention d'une garantie de 3 ans est impérative au moment de procéder à l'achat d'un ordinateur portable, surtout dans ce contexte d'utilisation.
Jusqu'à maintenant, les ordinateurs portables achetés étaient équipés d'un écran à matrice passive. Par contre, étant donné la diminution importante du prix des écrans à matrice active et les longues périodes de temps passées devant l'écran à lire ou à travailler, il est probable que les portables achetés dans le futur posséderont un écran à matrice active.
Les logiciels de traitement de texte, de production de diapositives ainsi que les fureteurs sont les plus utilisés. Des élèves arrivent à les maîtriser à un niveau exceptionnel et tiennent alors lieu d'experts pour les autres membres de la classe. Peu de cours sont consacrés spécifiquement à l'apprentissage des logiciels-outils.
1.2. Le soutien technique
Pour apporter tout le soutien technique nécessaire, la présence d'un technicien dans l'école est essentiel. Un pourcentage de ses heures de travail est réservé au soutien technique du projet Protic. Lorsque l'ordinateur d'un élève présente des problèmes, la procédure est la suivante : l'élève envoie un courriel au technicien en lui décrivant le problème et le technicien vient ensuite chercher l'ordinateur, puis procède à la réparation. Enfin, l'ordinateur est retourné à l'élève. L'utilisation du courriel permet au technicien de respecter une liste des priorités (l'ordre de réception des courriels) et retourne la responsabilité du bon fonctionnement de l'appareil à l'élève : si celui-ci ne signale pas son problème, ce dernier ne pourra pas être réglé.
La priorité est attribuée d'abord aux élèves de première secondaire, puis de deuxième secondaire et ainsi de suite. Pourquoi cela ? L'un des buts du programme est d'amener l'élève à développer une certaine autonomie dans l'utilisation de son ordinateur. À la fin de sa première année à Protic, l'élève aura, à quelques reprises, "monté" son poste de travail avec l'aide du technicien. Puis, à mesure qu'il fait davantage usage de son ordinateur, son habileté à résoudre les problèmes d'ordre informatique, seul ou avec l'aide de ses camarades de classe, s'accroît également. L'utilisation de collègues-experts se révèle être souvent une excellente démarche. L'élève évite ainsi d'avoir à attendre l'arrivée du technicien.
Bien entendu, il peut arriver que le technicien ne puisse répondre rapidement à la demande en raison d'un surcroît de travail, tout comme il peut arriver que certains d'entre eux soient pour lui insolubles. Le partenariat devient, à ce moment-là, une solution très intéressante. La compagnie Compaq s'est engagée à venir réparer sur place tout ordinateur défectueux dans un délai de 48 heures. C'est là une aide à ne pas négliger.
1.3. Les partenaires
Pour mener à bien la réalisation de ce programme, il faut bien s'entourer : parents, collègues enseignants, direction d'école, conseillers pédagogiques, personnes-ressources et plusieurs autres doivent faire partie de ce projet pédagogique. Dans cette optique, des partenaires ont collaboré, sous une forme ou une autre, au programme Protic. Il y a d'abord eu Toshiba, puis Compaq avec laquelle une association de trois ans a été établi relativement à l'achat des ordinateurs portables. Voici les différents partenaires associés au programme.
Partenaires d'OR : Le Groupe Vidéotron ltée., MEQ, Commission scolaire des Découvreurs
Partenaires d'ARGENT : Les logiciels De Marque, Université Laval
Partenaires de BRONZE : Compaq, ISTS, Agents Technologies, Desjardins
2. Les logiciels
Un bel ordinateur sans logiciel pour le faire fonctionner, cela n'est pas très utile. Tout au long du programme, les logiciels-outils sont privilégiés par rapport aux logiciels de type "exerciseur".
Il fallait donc choisir un ensemble de logiciels de base afin de répondre à la totalité des besoins. Le choix retenu fut Office 97 de Microsoft. De plus, l'ordinateur portable est muni de Laplink, Windows 95, Netscape Navigator, Internet Explorer et Just connect en équipement de base.
Par la suite, au fur et à mesure des besoins particuliers, d'autres logiciels viendront s'ajouter à ceux-ci, tel que Cabri-géomètre en mathématiques.
Au cours des cinq années, plusieurs logiciels seront installés sur l'appareil, certains seront payés par les parents, d'autres par l'école et d'autres proviendront de l'entreprise privée sous forme de partenariat dans le programme Protic. Il est important de ne pas reproduire et distribuer ces produits17.
3. Le réseau
3.1 L'accès
Ainsi qu'on peut le lire dans le document d'orientation du programme, l'élève "ayant ainsi son propre ordinateur, (...) pourra en maximiser l'utilisation tout au long de son processus d'apprentissage autant à l'école qu'à la maison. En effet, cet ordinateur lui permettra de poursuivre à la maison son travail entrepris à l'école, d'avoir un accès limité au réseau d'informations de l'école et d'être en lien entre les différents intervenants". Nous parlons ici d'un lien continuel entre élèves-élèves, enseignants-enseignants et élèves-enseignants. En outre, la communication avec certains parents peut être facilitée et plus régulière grâce à l'utilisation du courriel.
Pour assurer cette liaison de la maison, il faut s'associer à un fournisseur d'accès Internet. Vidéotron a alors proposé le partenariat suivant : l'accès sera gratuit pour tous les élèves de première secondaire,
17 Grégoire, Gilles. Pour une bonne gestion de classe et une utilisation rationnelle du portable en classe et à la maison, http://www.protic.net/description/index.html puis à moitié prix pour le reste des études secondaires. Il convient de préciser que cette entente est aussi en vigueur pour tout le personnel de la commission scolaire. Quelques élèves en quête de vitesse sur le réseau Internet se sont même munis d'un accès modem-câble. Nous devons préciser que l'accès au réseau par modem depuis la maison n'est pas obligatoire au sein du programme, mais fortement encouragé. |
3.2. Considérations techniques
Voici les caractéristiques reliées au serveur du réseau Protic (école).
Tableau 2 Équipement utilisé pour opérer
le réseau
Les serveurs | Le réseau |
Pentium Pro 200 Mhz 6.5 Go / disque 128 Mo / ram Lien Internet ISDN128 vers Vidéotron |
Un réseau Ethernet
de plus de 200 postes actifs Une vingtaine de concentrateurs (24 ports chacun) Aiguilleur Cisco 100 |
4. Les périphériques
Dans chaque local de classe, on retrouve un poste de travail stationnaire. Ce poste de travail est utilisé comme gestionnaire d'imprimante et appareil multimédia. Il est relié à un balayeur optique et à l'équipement requis pour réaliser des vidéoreportages et des vidéoconférences. En ce qui concerne les périphériques, on peut recourir à l'utilisation d'un modem-fax de même qu'à d'un projecteur multimédia (Canon, proxima) afin de faciliter les explications en groupe.
Le poste de travail possède, par conséquent, l'équipement suivant: un lecteur de cédéroms, numériseur / digitaliseur (scanner), un système de capture audio-vidéo, une gamme complète de logiciels nécessaires au traitement numérique, un appareil photo numérique, un projecteur vidéo, une imprimante laser et une imprimante à jet d'encre couleur.
Le poste de travail est également utilisé par les enseignants pour placer des documents en mode de partage dans le but de permettre aux élèves de les consulter et/ou de les télécharger.
5. L'organisation spatiale
Étant donné l'ampleur de l'équipement nécessaire, les groupes d'élèves demeurent toujours dans les mêmes locaux de classe, sauf pour l'enseignement des spécialités (éducation physique, musique et arts).
D'autres configurations matérielles auraient bien sûr été possibles, mais il fallait respecter certaines contraintes, soit la présence de :
* Neuf tables destinées à recevoir, chacune, quatre élèves par local-classe, chacune de ces tables comportant quatre tiroirs afin de pouvoir y ranger le portable si nécessaire. Il faut donc avoir suffisamment d'espace pour les ouvrir.
* Un bureau sur lequel on retrouve le poste de travail et le balayeur optique qui se trouvent à l'avant de la classe.
* Un panier à recyclage pour le papier.
* Une armoire, dans laquelle sont placés les sacs d'école pour raison de sécurité, et, afin de ne pas nuire aux déplacements en classe, placée de manière à pouvoir en ouvrir les portes.
Finalement, il faut, pour répondre à tout cela, disposer d'un assez grand local. De plus, il est préférable que ce local soit pourvu de fenêtres, étant donné que les élèves y demeureront presque en permanence. Précisons qu'un tableau blanc est utilisé afin de ne pas endommager les ordinateurs avec la poussière des craies.
Quant aux branchements -réseau utilisés en classe, on a eu recours aux fils durant la première année (illustration A). Cette organisation s'est révélée être peu commode, compte tenu des nombreux fils qui encombraient les tables et auxquels venaient s'ajouter les manuels scolaires, les feuilles et autres accessoires. L'année suivante, des boîtes ont été construites. Sur le côté, on y retrouvait le branchement du câble-réseau alors que sur le dessus, on pouvait y brancher le cordon d'alimentation de l'ordinateur portable.
A= avec fils (voir local de sec.1)
B= sans fil et branchement sur le dessus de la boîte (voir local de sec.2)
C= Clin d'oeil aux Ibook Airport
Il est possible que, dans un avenir prochain, comme l'a annoncé Apple avec son Ibook, la connexion en réseau puisse se faire par l'intermédiaire d'ondes et que le branchement du cordon d'alimentation s'effectue par le moyen de bornes d'alimentation encastrées dans la table de travail.
6. Les recommandations
Dès la première année de vie du programme Protic, de nombreux apprentissages ont été faits. Voici, en vrac, les recommandations 1998-1999 du rapport de la première année d'implantation.
* Que les parents reçoivent en début d'année une formation de base à l'égard de l'utilisation du portable.
* Que l'on fournisse aux élèves un agenda conventionnel en première et deuxième années du secondaire afin de les aider dans la planification de leurs travaux et dans la gestion de leur temps. De plus, cet agenda devra servir de lien avec les parents.
* Que les enseignants de Protic se donnent et appliquent un code de fonctionnement en classe avec des consignes précises à l'égard de l'utilisation du portable et des TIC.
* Que l'on donne aux élèves des consignes précises quant à l'utilisation du réseau.
* Que les enseignants s'assurent du respect du protocole d'initiation des élèves à leur portable et du processus graduel de transport à la maison (début d'année) ñ du protocole d'utilisation d'Internet.
* Que l'on augmente la rapidité des liens de communication école maison afin que les élèves aient accès à la tour de cédéroms et à d'éventuels didacticiels qui seront mis sur le serveur Protic.
7. Informations supplémentaires
Finalement, si vous désirez en apprendre davantage sur l'impact que peut avoir l'utilisation de l'ordinateur au sein d'une classe de niveau secondaire, nous vous suggérons la lecture du document suivant écrit par Gilles Grégoire, directeur adjoint : Pour une bonne gestion de classe et une utilisation rationnelle du portable en classe et à la maison,
http://www.protic.net/description/index.html
http://www.protic.net/description/index.html
8. Références
L'ensemble des informations utilisées pour la rédaction de ce texte proviennent du site de Protic. Au moment de la rédaction de cette partie (sept. 1999), il s'agissait des renseignements à jour disponibles.
Liens hypertextes
http://www.protic.net/partenaires/index.html
http://www.protic.net/environnement/index.html
http://www.protic.net/description/index.html
Orientations générales
Gestion de classe et utilisation rationnelle du portable
Rapport de la première année d'implantation de Protic
Note 1 : chaque tâche peut être allouée à plusieurs élèves à la fois.
1. Monter le cahier des archives des réunions du conseil
2. Fermer et ouvrir les portes les matins et soirs
3. Mettre à jour le calendrier
4. Vérifier les devoirs
5. Classer les travaux dans les dossiers
6. Classer les livres de la classe
7. S'occuper de l'impression des documents
8. Recycler le papier
9. S'occuper du matériel audio-visuel
10. Souligner les fêtes (tableau ou cartes de fête)
11. Faire le rappel des échéances
12. Vérifier les présences
13. Concevoir des projets
14. Décorer la classe
15. Distribuer et ramasser les feuilles
16. Nettoyer le tableau
17. Faire les messages
18. Intervenir dans les querelles
19. Animer l'actualité
20. Monter le cahier des nouveautés en informatique
* Proposition d'un après-projet
1. Montage d'un site Web pour un travail de la classe
2. Gestion d'une base de données sur un travail de la classe (sur First class, ABC_W ou autre...)
* Projets de jumelage par courrier, courriel, rencontre ou voyage-échange
* Élaboration de grands projets en vue d'une présentation à l'extérieur de la classe.
* Utilisation des réseaux (construction des connaissances et partage de l'information)
* Présence d'intervenants extérieurs à la classe, oeuvrant aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de la classe (parents, spécialistes).
* Participation à des colloques au sein desquels les élèves expriment leur point de vue sur l'enseignement.
* Engagement communautaire chez les élèves :
1. Un groupe d'élèves Protic donne un cours pour débutant, une fois par semaine, à des personnes âgées de leur communauté.
2. Un groupe d'élèves prépare un site web pour un chercheur de l'Université Laval.
3. Un groupe d'élèves monte un agenda électronique pour les élèves d'autres cours.
4. Des élèves partagent des compétences en informatique avec des élèves d'autres degrés.
chez les enseignants :
1. Collaboration.
2. Travail en projet : intégration de matières entre enseignants(es).
3. Participation à des colloques, congrès, recherches.
4. Partage au sein des réseaux de communication orientés vers la pédagogie.
1. L'intelligence spatiale
Elle fait référence au sens de l'orientation, à la faculté de reconnaître, de discerner les détails, de percevoir l'espace et d'en construire une représentation.
2. L'intelligence langagière
C'est la capacité à exprimer un ensemble de signes. Cette capacité témoigne de la maîtrise de l'information et, par le fait même, de la capacité à informer.
3. L'intelligence du geste
Elle permet le mouvement du corps, révélant par le fait même un état intellectuel actif. Elle permet à l'élève de communiquer le résultat de son travail.
4. L'intelligence musicale
L'intelligence musicale prédispose à accueillir les différences (degrés et combinaisons). C'est l'esprit critique, l'art de négocier et d'organiser d'après des règles variables selon les lieux et les moments.
5. L'intelligence intrapersonnelle
Elle est centrée sur la connaissance introspective de soi. C'est se connaître, se construire une identité personnelle. C'est la recherche de ses connaissances antérieures, de ses forces, de ses présupposés. La connaissance de soi rend possible le travail sur soi.
6. L'intelligence interpersonnelle
C'est l'habileté à déceler et à comprendre les projets et les désirs des personnes que l'on côtoie. C'est l'entraide.
7. L'intelligence logico-mathématique
Elle recouvre l'ensemble des capacités intellectuelles de déduction et d'observation permettant d'élaborer de multiples hypothèses nécessaires aux processus de résolution de problèmes.
8. L'intelligence naturaliste
Elle reflète la connaissance de la faune et de la flore dans un lieu ou une classe particulière. Flore et faune, ce sont les rencontres humaines effectuées durant l'investigation ou la découverte. C'est connaître ce que font les membres d'une collectivité au cours de ces rencontres : déroulement, motifs, durée, contenu et formes des rencontres.
Pour plus d'informations : http://www.pz.harvard.edu/PIs/HG.htm