UNE EXPÉRIENCE-PHARE DURABLE
Établissements publics destinés aux jeunes enfants, principalement dans la ville italienne de Reggio d'Émilie Contenu de cette page 1. Un point de mire Documents cités 2. Renseignements complémentaires 3. Sujets d'étude possibles
Établissements publics destinés aux jeunes enfants, principalement dans la ville italienne de Reggio d'Émilie
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1. UN POINT DE MIRE
Le texte qui suit est extrait d'une étude effectuée en 1993 pour le Secrétariat à la famille par la firme Réginald Grégoire inc. et intitulée: Politiques relatives à la petite enfance dans quelques pays (172 p.). Il constitue la section 2.4 du chapitre I (p. 42-45). Des modifications mineures lui ont été apportées.
À peu près partout en Occident, dans l'organisation et l'orientation concrètes des services d'éducation préscolaire, mais aussi de ceux plus larges qui sont mis sur pied en vue de la protection et du développement de la petite enfance, on s'inspire des travaux et des propositions de Froebel, de Decroly, de Maria Montessori, de Piaget et de quelques autres pédagogues, chercheurs et chercheuses ou réformateurs ets, les uns internationalement connus, les autres plutôt figures marquantes du terroir (tels les soeurs Agazzi et Bruno Ciari en Italie, les soeurs McMillan en Angleterre, Joao de Deus au Portugal, etc.). Dans leur sillage, mais aussi sous l'influence d'autres préoccupations, d'autres résultats de recherche et d'autres visions du développement de l'enfant, on a également, dans de nombreux pays, tenté des expériences et exploré dans de nouvelles voies.
Ainsi, en République fédérale d'Allemagne, dans les années 1970, on a, en éducation préscolaire, élaboré une pédagogie dite de situation, qui se caractérise par la place qu'elle fait à une formation à partir d'événements quotidiens et d'objets courants et par la recherche d'un équilibre entre le développement d'habiletés sociales et d'habiletés instrumentales (intellectuelles et autres) (voir Hopf, 1992, p. 218-219). En conséquence, cette pédagogie valorise beaucoup les relations du jardin d'enfants avec les parents et l'environnement physique où il est établi. Par ailleurs, elle implique que des groupes d'enfants, en principe d'âges différents, apprennent ensemble à appréhender des situations et à résoudre des problèmes.
Avec cette approche, selon certains auteurs, le jardin d'enfants allemand aurait trouvé un concept éducatif qui lui est propre (Tietze, Rossbach and Ufermann, 1989, p. 73). Plus, cette approche constituerait un cadre de référence généralement accepté comme guide pour la pratique professionnelle dans un jardin d'enfants et la formation de son personnel (ibid.). Les mêmes auteurs n'en soulignent pas moins l'existence d'autres visions pédagogiques, notamment celle de Rudolf Steiner, dont la pensée est à la base de plusieurs centaines de jardins d'enfants Waldorf (id., p. 74)
En France, lors de la révision générale de la politique sur la petite enfance à laquelle on a procédé dans les annoces 1980, on a, entre autres, cherché à diversifier les types de services offerts, à assurer une meilleure coordination entre eux et, à l'intérieur de chacun, à introduire plus de souplesse et à élargir la gamme des activités. L'une des innovations les plus significatives est sans doute la jonction que l'on a instauré entre l'école maternelle et l'école élémentaire par la création de trois cycles pédagogiques complémentaires.
En Angleterre, la réforme législative majeure de 1988 et la décision d'établir un programme d'études national durant les 11 premières années régulières d'études a conduit à une réflexion approfondie sur l'orientation à donner, dans l'avenir, aux années préscolaires. Le groupe de travail qui a procédé à cette réflexion a notamment dégagé, en 1989, huit principes de base, considérés comme faisant consensus chez la plupart des éducateurs et éducatrices concernés (voir Curtis, 1992, p. 240). Voici, à titre indicatif, le premier et le dernier de ces principes:
· L'éducation préscolaire vaut par elle-même; elle fait partie de la vie, et non seulement d'une préparation à un travail ou à l'étape éducative suivante. · On doit voir l'éducation de l'enfant comme une interaction entre lui-même et son environnement, en l'occurrence un environnement qui inclut des personnes tout autant que des ressources matérielles et un savoir.
· L'éducation préscolaire vaut par elle-même; elle fait partie de la vie, et non seulement d'une préparation à un travail ou à l'étape éducative suivante.
· On doit voir l'éducation de l'enfant comme une interaction entre lui-même et son environnement, en l'occurrence un environnement qui inclut des personnes tout autant que des ressources matérielles et un savoir.
En Angleterre encore, ainsi que dans d'autres parties du Royaume-Uni et en Irlande, on sait l'intérêt qu'ont suscité, autour du concept de jeu, les groupes de parents et d'enfants soutenus par un personnel spécialement formé et, aux Pays-Bas, autour de l'idée d'éducation active, des groupes plus ou moins similaires. En Flandre, une recherche-action d'envergure, connue sous le nom de Projet d'éducation préscolaire expérientielle et ayant comme objectif une réorientation de l'éducation préscolaire dans cette partie de la Belgique, est en cours depuis 1976 (voir Depaepe and Laevers, 1992, p. 98-102). Au Portugal, le Projet Pédagogie a plusieurs affinités avec le courant allemand de la pédagogie de situation (voir Bairrao et al., 1989, p. 294), tandis qu'en Espagne c'est à partir du concept de globalisation que, depuis les années 1970, ont été mises de l'avant diverses propositions et amorcés des changements (voir Molero Pintado and del Mar del Poeo Andres, 1992, p. 448).
Il y a eu maintes autres explorations et innovations, mais aucune d'entre elles n'a suscité-et ne suscite toujours-autant d'intérêt que l'expérience de la ville de Reggio d'Émilie. Au moment où l'Organisation de coopération et de développement économiques a réalisé une vaste étude internationale sur une politique de la petite enfance, de 1971 à 1982, cette expérience attirait déjà l'attention. Ce mouvement de curiosité et d'étonnement a pris, depuis, beaucoup d'ampleur, aux Ètats-Unis notamment, où, en quatre ans, environ 800 éducateurs et éducatrices et 31 délégations se sont rendus sur place (voir Cohen, 199 2).
Reggio d'Émilie (Reggio nell'Emilia en italien) est une ville d'environ 130 000 personnes située non loin de Bologne. Elle fait partie de la région de l'Émilie-Romagne, qui se distingue elle-même, en Italie, par l'originalité de sa politique sur la petite enfance et la qualité de ses services dans ce domaine. Les réseaux d'établissements pour les jeunes enfants de Reggio d'Émilie a commencé à se développer vraiment en 1963, alors que le conseil municipal a décidé de le soutenir. Il comprend maintenant environ 36 établissements, soit 14 pour les plus jeunes enfants (l'équivalent des asili nido italiens pour les enfants de O à 3 ans) et 22 pour les plus âgés (l'équivalent des scuole materne pour les enfants de 3 à 5 ans). Environ 36% des enfants de la ville ayant de 0 à 3 ans fréquentent les premiers et 50% de ceux de 3 ans à l'entrée à l'école primaire les seconds. Seuls ces derniers établissements sont gratuits.
Une telle expérience, où tant de détails minutieusement rodés importent, ne peut pas être résumée en quelques lignes. Voici néanmoins quelques éléments jugés significatifs (tirés, entre autres, de Cohen, 1992 et, surtout, de la remarquable synthèse de Rebecca S. New, 1993):
Il existe des échanges continus entre le personnel des établissements et les parents et, plus largement, entre les établissements et les divers milieux locaux. Il en résulte une collaboration et un soutien concrets. Les éducateurs et les éducatrices se considèrent comme des apprenants. Les manuels, les guides et les tests sont relativement peu nombreux, mais les dispositifs et les cheminements de travail qui obligent le personnel à observer, à réfléchir et à inventer, individuellement et en équipe, eux, le sont. L'environnement est fonctionnel, esthétique et en constant renouvellement; en plus du matériel habituel, on y trouve de multiples objets apportés, fabriqués ou dessinés par les enfants. Cet environnement est aménagé de manière à favoriser à la fois l'activité individuelle des enfants et l'interaction entre eux; on le considère comme équivalent à un enseignant ou à une enseignante supplémentaire pour chaque groupe d'élèves. Dès que leur âge le permet, les enfants s'insèrent dans des projets. Ceux-ci ne sont pas planifiés à l'avance; ils naissent de l'observation et de l'intérêt des enfants eux-mêmes, soutenus par le personnel, et sont souvent de longue durée (plusieurs semaines, voire des mois). Par la force des choses, ils incluent maintes occasions d'explorer, d'imaginer et de résoudre divers problèmes, y compris par la collaboration entre pairs. L'éveil esthétique joue un rôle central et chaque enfant est encouragé à s'exprimer à travers divers langages: dessin, sculpture, écriture, art dramatique, etc. On invite aussi l'enfant à discuter avec les autres de ce qu'il a fait et à le reprendre afin de l'améliorer. Les enfants de 3 à 5 ans sont réunis en groupe d'environ 25 et ce sont, autant que possible, les deux mêmes éducateurs ou éducatrices qui les suivent durant toute la durée de leur séjour à l'école maternelle. On s'est donné plusieurs moyens autres que des tests-très rares-pour suivre l'évolution de chaque enfant: enregistrement sur bande magnétique ou magnétoscopique, notation régulière d'observations, conservation des diverses productions, prise de photos, etc. On constitue ainsi des portfolios diversifiés.
Il existe des échanges continus entre le personnel des établissements et les parents et, plus largement, entre les établissements et les divers milieux locaux. Il en résulte une collaboration et un soutien concrets.
Les éducateurs et les éducatrices se considèrent comme des apprenants. Les manuels, les guides et les tests sont relativement peu nombreux, mais les dispositifs et les cheminements de travail qui obligent le personnel à observer, à réfléchir et à inventer, individuellement et en équipe, eux, le sont.
L'environnement est fonctionnel, esthétique et en constant renouvellement; en plus du matériel habituel, on y trouve de multiples objets apportés, fabriqués ou dessinés par les enfants. Cet environnement est aménagé de manière à favoriser à la fois l'activité individuelle des enfants et l'interaction entre eux; on le considère comme équivalent à un enseignant ou à une enseignante supplémentaire pour chaque groupe d'élèves.
Dès que leur âge le permet, les enfants s'insèrent dans des projets. Ceux-ci ne sont pas planifiés à l'avance; ils naissent de l'observation et de l'intérêt des enfants eux-mêmes, soutenus par le personnel, et sont souvent de longue durée (plusieurs semaines, voire des mois). Par la force des choses, ils incluent maintes occasions d'explorer, d'imaginer et de résoudre divers problèmes, y compris par la collaboration entre pairs.
L'éveil esthétique joue un rôle central et chaque enfant est encouragé à s'exprimer à travers divers langages: dessin, sculpture, écriture, art dramatique, etc. On invite aussi l'enfant à discuter avec les autres de ce qu'il a fait et à le reprendre afin de l'améliorer.
Les enfants de 3 à 5 ans sont réunis en groupe d'environ 25 et ce sont, autant que possible, les deux mêmes éducateurs ou éducatrices qui les suivent durant toute la durée de leur séjour à l'école maternelle.
On s'est donné plusieurs moyens autres que des tests-très rares-pour suivre l'évolution de chaque enfant: enregistrement sur bande magnétique ou magnétoscopique, notation régulière d'observations, conservation des diverses productions, prise de photos, etc. On constitue ainsi des portfolios diversifiés.
DOCUMENTS CITÉS
BAIRRÂO, JOAQUiM ETAL. (1989) Caro and education tor Children Under Age 6 In Portugal. Voir ci-après le livre de Olmsted and Weikart, p. 273-302.
COHEN, DEBORAH L (1992) Preschools In Itallan Town Inspiration to U.S. Educators. Education Week. Washington, D.C.: Editorial Projects in Education. Vol. Xll, Number 25, November 25. P. 1 et 12-13.
CURTIS, AUDREY (1992) Early Childhood Education in Great Britain. Voir ci-après le livre de Woodill, Bernhard and Prochner, p. 231-248.
DEPAEPE, MARC AND FERRE LAEVERS (1992) Preschool Education In Belgium. Voir ci-après le livre de Woodill, Bernhard and Prochner, p. 93-103.
HOPF, ARNULF (1992) Preschool Education In Germany. Voir ci-après le livre de Woodill, Bernhard and Prochner, p. 217-222.
MOLERO PINTADO, ANTONIO AND MARIA DEL MAR DEL POZO ANDRES (1992) Preshool Education In Spain: Historical and Present perspective. Voir ci-après le livre de Woodill, Bernhard and Prochner, p. 441-452.
NEW, REBECCA S. (1993) Reggio Emilia: Some Lessons for U.S. Educators. ERIC Digest. Urbana, Illinois: ERIC Clearinghouse on Elementary and Early Childhood Education. 2 p.
OLMSTED, PATRICIA P. AND DAVID WEliCART (EDS.) (1989) How Nations Serve Young Children, Profil of Child Care and Education in 14 Countries. Ypsillanti, Michigan: High/Scope Pross. XXIV et 409 p.
TIETZE, WOLFGANG, HANS-GÜNTHER ROSSBACH AND KARIN UFERMANN (1989) Child Care and Early Education In the federal Republic of Germany. Voir ci-dessus le livre de Olmsted and Wikart, p. 39 85.
WOODILL, GARY A., JUDITH BERNHARD AND LAWRENCE PROCHNER (EDS.) (1992) Internationl Handbook ot Early Childhood Education. New York: Garland Publishing (Garland Reference Library of Social Science, vol. 598). X et 562 p.
2. RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES
a) Le principal animateur de l'expérience de Reggio d'Émilie a été Loris Malaguzzi. Il en a assumé la direction durant plus de 20 ans. Par la suite, jusqu'à sa mort, en 1994, il s'en est fait le promoteur, en Italie et à l'étranger.
b) Un grand nombre d'articles et au moins trois volumes ont été publiés aux États-Unis ces dernières années sur divers aspects de l'expérience de Reggio d'Émilie. L'un d'eux, publié en 1997 sous la direction de J. Hendrick (First Steps toward Teaching the Reggio Way ), en présente les concepts-clefs et discute de leur application dans les différentes formes que revêtent aux États-Unis les établissements préoccupés par le développement des jeunes enfants.
c) La collaboration entre les enfants dans le cadre de projets de plusieurs jours ou de plusieurs semaines constitue l'une des principales orientations de l'approche éducative pratiquée dans les établissements publics de Reggio d'Émilie destinés aux jeunes enfants. On encourage aussi les enfants à échanger avec les autres sur leurs travaux individuels. Les plus âgés d'entre eux possèdent même une boîte postale à leur nom.
d) Ce que font les enfants de Reggio d'Émilie a un sens pour eux-mêmes, mais aussi, très souvent, pour les autres. Leurs travaux ne sont pas seulement exposés; ils sont intégrés dans un environnement particulièrement prégnant qui est sans cesse en évolution. L'authenticité qui caractérise ces travaux est également communicative bien au-delà de l'établissement où ils ont été réalisés, comme le démontre l'exposition The Hundred Languages of Children, qui en donne de nombreux exemples et qui a suscité un vif intérêt aux États-Unis il y a quelques années et, tout récemment, à Newcastle et à Londres.
3. SUJETS D'ÉTUDE POSSIBLES
a) L'expérience de Reggio d'Émilie est exemplaire non seulement quant à la collaboration qu'elle réussit à promouvoir entre les enfants, mais aussi quant à la place qu'elle accorde à un travail en commun entre éducateurs ou éducatrices, de même qu'à une relation suivie avec les parents. Il pourrait être intéressant d'étudier de plus près les modalités de cette collaboration, de ce travail en commun et de cette relation, ainsi que leurs difficultés et leurs résultats.
b) La création d'un environnement qui, par lui-même, exerce une influence significative sur le développement des jeunes enfants est l'un des traits qui, depuis les années 1960, frappe les personnes qui étudient l'expérience de Reggio d'Émilie. Une meilleure connaissance des caractéristiques de cet environnement est de nature à éclairer maints projets éducatifs, y compris, sans doute, ceux que l'on tente actuellement d'instaurer, pour les enfants de 4 ou 5 ans à 8 ou 9 ans à l'aide des plus récents médias technologiques.
c) Enfin, parmi de nombreux autres sujets d'étude possibles, on pourrait retenir celui du processus de consultation et de décision entourant le savoir et les valeurs qui doivent en priorité accompagner le développement des jeunes enfants. Selon toute apparence, l'expérience de Reggio d'Émilie soulève de manière très ouverte, et relativement radicale, cette question. Dans une société démocratique, celle-ci est toujours d'actualité.
Note rédigée par Réginald Grégoire Janvier 1998