Originalement basée sur les ressources naturelles, l'économie
du pays se dirige maintenant, est-il avancé, vers une activité
économique qui s'appuiera sur les industries de la connaissance à
travers lesquelles l'utilisation et le partage de l'information seront au
coeur de l'action.
C'est dire qu'au fur et à mesure que nous entrons dans l'ère
de l'information et de la communication, les citoyennes et citoyens ne peuvent
plus compter exclusivement sur les ressources naturelles ainsi que sur l'immigration
pour assurer leur prospérité ainsi que celle de leur collectivité.
Notre société doit maintenant miser sur ses propres ressources
humaines pour assurer sa croissance économique et demeurer compétitive.
La nouvelle ère de la globalisation et du commerce international
met en évidence, plus que jamais, l'importance de l'éducation.
Malgré le fait que le goût d'apprendre ne soit pas le même
pour tout le monde, le désir de pouvoir faire des choses automatiquement
et immédiatement est bien présent.
Bâtir une société du savoir
Développer la capacité d'apprendre des personnes et des
collectivités est le défi. Nous appartenons maintenant à
cet âge de la connaissance où nous aurons toutes et tous à
apprendre notre vie durant. Selon le Conference Board du Canada, deux nouveaux
emplois sur trois exigeront un diplôme universitaire. Dans bien des
domaines, les connaissances se renouvellent très rapidement (par
ex. aux cinq ans, dit-on, dans le domaine du génie). "L'éducation
sur demande", tant à la maison qu'au travail, deviendra de plus
en plus chose courante.
Les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC)
pénètrent le monde de l'éducation et du travail. Elles
exigent l'acquisition de connaissances et d'expertises nouvelles et le développement
de nouvelles routines (entre autres, pour l'enseignement et pour l'apprentissage).
Former des étudiantes et des étudiants qui démontreront,
à la fin du secondaire, les litéracies de base (par ex., capables
de repérer, d'analyser et de synthétiser des informations)
et une bonne capacité d'apprendre devient incontournable. Ceci implique,
d'une part, que les étudiantes et les étudiants devront savoir
utiliser les nombreuses sources d'information qui seront à leur disposition
et, d'autre part, que les professeures et professeurs devront intégrer
dans leur pédagogie des activités d'apprentissage où
les jeunes travailleront avec les NTIC.
La capacité à travailler et à résoudre des problèmes
en équipe sera également une qualité importante à
développer chez les étudiantes et les étudiants puisque
le monde du travail le requiert de plus en plus (voir le profil d'employabilité
suggéré par le Conference Board du Canada, 1991, après
consultation au sein des pays industrialisés et d'intervenants du
monde de l'éducation).
La technologie offre l'immense avantage de nous libérer d'avoir à
répéter certaines tâches ou à n'être qu'un
ou une intermédiaire en regard d'un « produit donné ».
Pensons au personnel des banques qui apprennent de nouvelles tâches
suite à l'avènement des guichets automatiques, au personnel
des agences de voyage qui voient leurs clients s'enquérir du moment
où ils et elles pourront acheter directement leurs billets d'avion
sur Internet et qui auront à être des guides ou conseillers
efficaces et créatifs afin de conserver leurs clients, etc.
Pour satisfaire à la hausse des standards de performance que le monde
du travail vit, tous les ordres d'enseignement doivent revoir leurs pratiques.
Revoir, entre autres, l'utilisation du temps d'apprentissage. Je suggère
qu'il importe de diminuer systématiquement, même si ce n'était
que de 2% par année, le temps consacré aux exposés
magistraux afin de progressivement les remplacer par des activités
d'apprentissage plus exigeantes tant au plan mental qu'au plan de l'interaction
sociale. Cela ne s'applique pas évidemment aux enseignants et aux
enseignantes qui ne consacrent pas plus de 40-50% du temps du groupe-classe
à parler à tous en même temps et qui, par toutes sortes
d'activités et de projets, impliquent les jeunes dans des activités
cohérentes, motivantes et exigeantes.
Les progrès dans les domaines des sciences cognitives et de la technologie rendent possible l'adoption, pour le plus grand nombre, d'un modèle d'apprentissage enrichi.
L'arrivée de l'ordinateur multimédia et des réseaux
informatiques multiplie les possibilités d'apprentissage. Ces outils
deviennent des aides précieux pour la mise en pratique des principes
théoriques de base jadis énoncés par les Dewey (apprendre
dans l'action), Piaget (construction de la connaissance) et Vygotsky (interaction
sociale) et qui ont servi de fondements à nombre de résultats
de recherche aujourd'hui disponibles, mais que bien des établissements
du monde de l'éducation n'ont pas à date jugé réaliste
d'appliquer. Aujourd'hui, les attentes du monde du travail sont à
l'effet que le plus grand nombre possible de diplômées et diplômés
soient des personnes autonomes, créatives, capables de travailler
en collaboration avec d'autres et capables d'entrepreneuship.
L'exposé magistral avait une valeur ajoutée lorsqu'il s'agissait
de préparer des individus obéissants et conformistes, capables
de tolérer le travail à la chaîne, tout autre travail
monotone ou un patron autoritaire. Mais les temps changent... De plus, l'enseignante
ou l'enseignant qui, pour une activité d'apprentissage donnée,
devait rassembler une bonne quantité de ressources documentaires,
y mettait un temps considérable. Maintenant, les NTIC viennent assister
les enseignantes et les enseignants dans leur tâche de faire apprendre.
Nombre de ressources, d'activités d'apprentissage sont en voie d'être
constituées.
La ou le pédagogue ne sera plus seul-e dans sa classe. L'utilisation
de l'ordinateur ainsi que l'accès à internet faisant dorénavant
partie des attentes sociales, l'enseignant et l'enseignant aussi sont fortement
incités à travailler davantage en collaboration et, grâce
aux réseaux, la distance s'atténue. Leurs collègues
les plus « proches », pédagogiquement parlant, pourront
plus facilement être des personnes rattachés à une commission
scolaire différente, une ville différente, voire un pays différent.
Les environnements d'apprentissage qui se créent sur internet (Rescol,
Cyberscol, Virtual U, etc.) sont riches en information et en activités
de toutes sortes. Je pense ici aussi plus particulièrement à
ce qu'offrent la National Geographic Society et la National Science Foundation
ou à ce que prépare Disney aux États-Unis. Je pense
encore au protocole existant entre la Nouvelle-Zélande et le Canada
à l'effet d'échanger leurs « produits éducatifs
».
Les NTIC viendront assister l'enseignante et l'enseignant dans son projet
pédagogique, dans la réalisation de sa tâche : il ou
elle pourra ainsi passer moins de temps à donner de l'information
et à expliquer devant toute la classe et plus de temps à répondre
aux besoins particuliers des élèves et des équipes
d'élèves. Elle ou il pourra aussi créer, seul-e ou
en équipe, des activités d'apprentissage, du matériel
pédagogique et rendre ces créations ou «produits éducatifs»
disponibles à d'autres.
Les élèves aussi publieront des travaux sur Internet. On sait
déjà que les jeunes et les adultes font plus attention et
polissent davantage leurs projets ou productions lorsqu'il s'agit de les
mettre sur Internet. S'élèvent du coup les exigences!
Concernant la gestion de classe, l'approche projet apparaît prometteuse.
Notre version québécoise de cette façon de gérer
une classe où plusieurs groupes d'élèves travaillent
sur des projets différents (à tiers de temps, par exemple),
pourrait puiser, entre autres, à Freinet comme à l'apprentissage
coopératif et à l'enseignement stratégique, à
la façon d'établir des contrat d'apprentissage, etc.
Autrement dit, pour intégrer les NTIC, nous ne partons pas de zéro.
Au contraire, il s'agit de réveiller le ou la pédagogue en
nous, si jamais il s'avérait que celui-ci ou celle-ci sommeille,
et de réaffirmer le projet qui nous fait faire carrière en
éducation et notre engagement social. Si puissantes soient-elles,
les NTIC ne doivent pas nous dominer. Elles ne sont qu'un outil pour aider
une collectivité donnée à devenir ce qu'elle veut être.
Mais la force d'inertie est grande et le danger qu'une élite socio-technique
prenne le contrôle existe. Il importe que tous ceux et celles qui
sont animés d'un esprit démocratique se donnent la main et
avancent ensemble vers l'avenir.