LE DIALOGUE
« Nous en parlons souvent. Beaucoup de personnes croient dialoguer
». Des revues se présentent sous le signe du dialogue. S'agissant
de questions graves ou sérieuses dans nos vies, nous constatons que
le vrai dialogue n'est pas facile, qu'il faut y travailler et qu'il est
même une condition essentielle de réussite dans les relations
avec les autres.
Mais qu'implique un véritable dialogue ?
a) La reconnaissance de l'autre: il n'y a pas de dialogue quand on
n'a pas commencé par reconnaître à l'autre - que l'autre
soit une personne ou un groupe humain - son droit à l'existence,
son droit à être ce qu'il est dans sa vérité,
avec sa différence, sa grandeur et ses faiblesses. Accepter que les
autres soient ce qu'ils sont.
b) La présence : être présent-e à l'autre,
ce n'est pas seulement dire: je suis là, tu es là... I1 y
a des personnes qui, à longueur de vie, sont à côté
les unes des autres dans les mêmes ateliers, dans le même lit,
à la même table, dans la même communauté, et qui
ne sont pas « présentes ». Est présent, celui qui
mobilise toutes ses énergies de coeur et d'attention, tout son être
psychique, pour être entièrement habité par l'autre
qui est là avec sa vie, pour n'exister plus en ce moment qu'à
cause de lui et pour lui. I1 n'y a pas de dialogue possible quand les interlocuteurs
n'ont pas mobilisé ainsi tout leur être. Dans les familles,
on se prend parfois en flagrant délit d'absence: tu parles, je t'entends,
mais je pense à autre chose, je fais semblant d'être présent...
c) Écouter sans hâte de réfutation, avec désintéressement
: il faut laisser venir la pensée de l'autre, sympathiser avec
elle, et ne pas se dire par provision: il n'a sûrement pas entièrement
raison, je vais le réfuter. Les gens qui se parlent n'ont souvent
que hâte de dire, en interrompant leur interlocuteur: « C'est
comme moi... mon histoire est plus intéressante que la vôtre...»
d) Trouver la longueur d'ondes : le dialogue a déjà
commencé dès qu'on a reconnu le droit à l'existence
de l'autre, qu'on a essayé d'être pour lui un présent,
qu'on l'a écouté sans hâte de réfutation. Mais
il reste à accorder son langage en le dépouillant de toute
agressivité comme de toute sentimentalité pour qu'il ne trahisse
pas l'échange. Pour qu'il provoque, tout au contraire, chacun des
partenaires à se tirer au clair devant la vérité.