Télé : distance et projet

Jacques Rhéaume



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E-Mail : Jacques.Rheaume@ten.ulaval.ca


Divisions de l'article «Télé : distance et projet»

Le mouvement créé par la technologie en milieu académique
Terminologie à apprivoiser
Une étymologie polysémique
La distance préalable au projet
La question du projet
Une histoire : le projet de David
Un défi en voie de réalisation
Le dérangement, prélude au réarrangement
Une nouvelle voie d'apprentissage post-technologique
Une nouvelle ère de médias et de technologies
Le livre et les nouvelles technologies
Une autre génération de changements : côté humain
Une autre génération de changements : côté information
L'erreur de l'école automatisée
L'erreur de la technopolie intégrale
Un pôle-média
Un éclatement assuré, une excellence souhaitée
Projet des apprenantes et des apprenants



Le mouvement créé par la technologie en milieu académique


Un vent de popularité est en train de pousser les réseaux télématiques dans toutes les sphères d'activités: économiques, politiques, médiatiques, sociales et même éducatives. Est-ce seulement une brise fraîche qui passe au gré du développement technologique et d'intérêts économiques ou un véritable vent de renouveau éducatif? Toutes les réponses sont possibles et dépendent essentiellement de ceux et celles qui accueillent ces innovations technologiques et qui les transforment en véritable projet éducatif à titre personnel ou collectif, pour l'immédiat ou pour les générations futures. Le moins qu'on puisse dire c'est que ce secteur est en mouvement, les écoles sont davantage filées de jour en jour, des lignes à large bande passante sont disponibles, des réseaux scolaires s'adressant de la maternelle jusqu'à l'université sont en croissance; dans les écoles du Québec, les CEMIS, entre autres, se préoccupent de l'informatique pédagogique sous toutes ses formes et au plan pan-canadien un réseau d'universitaires entreprennent une grappe de recherches interreliées en téléapprentissage.

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Terminologie à apprivoiser

Le terme même de téléapprentissage peut surprendre les éducateurs pour qui un tissu bien tressé unit l'intervenant, l'apprenant et un objet d'apprentissage. Comme tout nouveau domaine propose sa terminologie, le téléapprentissage aussi nous oblige à un certain apprivoisement de concepts. Ce qui est heureux, c'est que tout n'est pas joué. Les termes vont être porteurs du sens qu'on veut bien leur donner. Plus qu'une métaphore, plus qu'une imitation ou un calque, nous voudrions proposer le téléapprentissage comme une approche réorganisatrice et structurante de l'éducation de masse.

Le "téléapprentissage" apparaît comme une nouvelle réalité qui dépasse la métaphore, la virtualité et l'éphémérité même si, pour l'heure, les mots pour le dire ne sont pas profondément ancrés dans notre expérience académique. Quand un nouveau champ se développe, on emprunte souvent des termes et des concepts qui proviennent de domaines antérieurs plus connus, c'est ce qu'on appelle une métaphore. Ainsi en informatique, le "menu", d'abord emprunté au monde de la restauration, s'est imposé comme caractéristique de l'interface que tous les usagers connaissent maintenant. Le sens du terme est resté le même mais l'usage interactif du menu s'est développé d'une manière propre à l'informatique. Ce genre de glissement ne convient pas au "téléapprentissage".

Le "téléapprentissage" est plus qu'un calque aussi. Le dernier siècle et demi a vu poindre une quantité d'inventions relatives à l'électricité et à la communication. En elles-mêmes, ces technologies apportent à notre monde une culture nouvelle. Au plan terminologique, elles ont presque toutes emprunté le préfixe "télé" dans le sens de distance ou d'éloignement entre la source et la réception comme le schéma de communication de Shannon et les autres qui le complètent le laissent bien voir. Tout le monde connaît le télégraphe, le téléphone, le télégraphe sans fil ou radio, la télévision et probablement la télématique. Avec le même préfixe on a formé des termes comme téléuniversité et téléapprentissage. Et le bal est parti. C'est la danse des télés où le téléapprentissage ne se sent pas invité au même titre que les autres.

Gare aux préfixes car ils se reproduisent plus vite que les lapins. Expliquons cette prolifération par un exemple issu d'un champ proche des réseaux. En 1966, Theodor Nelson a forgé le terme "hypertexte" pour désigner les textes lus à l'ordinateur de manière non-séquentielle. Or, on parle maintenant des hyperchemins pour naviguer dans l'hyperespace où l'on devient facilement hyperperdu. Tout ce lexique se termine par un sourire engendré par un abus de préfixes. Il faut en déduire que le téléapprentissage qui se situerait uniquement dans la ligne des inventions "télé" serait un peu mal servi par le terme. Le modèle de communication à la Shannon ne convient surtout pas en éducation. En effet, il ne suffit pas pour enseigner, et encore moins pour apprendre, qu'une information soit versée par une source dans un canal et reçue par un récepteur-apprenant. L'informaticien et l'ingénieur ont terminé leur travail lorsque l'information est ainsi promenée, emmagasinée, retrouvée sur le merveilleux Internet mais le travail de l'éducateur ne fait alors que commencer. Il faut sûrement refuser un téléapprentissage qui se comprendrait uniquement dans le sens de médias ou de moyens. Nous négligerions alors l'essentiel, la visée éducative proprement humaine.

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Une étymologie polysémique

Le téléapprentissage est plutôt, grâce à la technologie des réseaux et des sites 3W, une réorganisation de l'approche éducative dominante. Le paradoxe veut que lorsqu'on effectue une recherche étymologique de "télé", la langue grecque conduit à telos , un terme qui désigne la fin, le but, l'issue et l'adverbe de même racine telosde signifie "jusqu'à la fin", jusqu'au terme. Quelle belle étymologie pour le téléapprentissage que cette finalité ou cet objectif : un terme qui veut dire "jusqu'à ce qu'il y ait apprentissage". Les anciens pensaient moins à la distance, que les inventeurs de ce siècle; c'est le but et le parcours qui les intéressaient. On a beau avoir toutes les technologies, lorsqu'on est proche de l'humain, il faut parler en humain et l'apprentissage passe alors par les sens, à leur vitesse, à leur distance. La technologie ne procède pas autrement du reste, elle sait que les humains ne digèrent pas les "bits" tout crus, sans abattage ni cuisson.

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La distance préalable au projet

Malgré les " télé ", il faut des interfaces très proches des capacités humaines: un clavier pour les doigts et l'alphabet, une souris pour la main qui indique, une taupe pour les pieds dans certains cas, un écran pour la vision du monde réel, symbolique ou virtuel et un haut-parleur pour les ambiances et les avertissements. Les humains communiquent et apprennent par surface or les technologies de l'information et de la communication opèrent par interface. Une conversion s'impose.

La distance n'aurait plus d'importance comme se plaisent à le dire tous les messages relatifs aux nouvelles technologies. Ce n'est pas une nouveauté que de dire qu'il y a de la distance entre un auteur et son oeuvre. Toute la médiologie en parle. Les oeuvres d'art et l'imprimerie tout particulièrement nous ont habitués à cette absence d'auteur. Telle est la magie des médias qui permettent de vaincre les siècles et de nous proposer éternellement les plus beaux trésors, les plus beaux messages. Or chaque génération doit relire et réapprendre la Bible, Homère ou Molière. Que le texte apparaisse en ligne ou en papier, cela n'a pas beaucoup d'importance pour lire et se construire une vision personnelle de l'univers. Tout comme les textes anciens ont besoin d'une herméneutique ou d'un canevas d'interprétation avant d'être accessibles ou apprenables, le jeune apprenant a sûrement besoin d'un intervenant bien humain et bien fiable pour transformer une information réseautée quelconque en connaissance apprenable et valable.

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La question du projet

Dans cette perspective, le téléapprentissage serait principalement un projet, une finalité d'apprentissage. Le problème vient de se déplacer. Au début, il s'agissait de dire que "télé" comme distance ne livre pas tout le sens désiré avec apprentissage. Il faut plutôt parler de finalité ou de but comme le suggère une étymologie mieux étoffée. Maintenant, il s'agit de dire ce qu'un projet peut signifier. Encore une fois, il convient de se rapporter aux anciens. Avant que le monde scientifique et technologique ne soit développé, le calcul et la mesure n'existaient que de manière subjective et existentielle. Le terme " jet " était souvent utilisé en ce sens. En l'absence de toute technologie de défense, et certaines nouvelles télévisées nous laissent voir que ce n'est pas révolu, la distance du jet de pierre représentait la zone de sécurité autour d'une personne et la fin ou la finalité du jet c'était d'atteindre l'objet pour préserver son intégrité.

Dans le monde scolaire traditionnel, le même sens commun de jet est utilisé depuis bien des générations. On a sûrement dit aux enseignants et enseignantes de parler assez fort en classe pour que tous entendent et de se placer bien à la vue de tous. C'est une autre façon scolaire de traduire la zone de jet ou zone d'apprentissage. Puis, dans un sens second, le terme "projet" est utilisé pour désigner non plus les personnes mais ce qui est visé par l'apprentissage. Or il peut y avoir une multitude de cibles ou d'objectifs pédagogiques, une multitude de petits projets qui s'inscrivent dans une vision d'ensemble. Tout cela est vrai dans l'école traditionnelle comme dans l'école nouvelle. Ce sont les moyens et les approches qui diffèrent avec les nouvelles technologies, et notamment les réseaux.

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Une histoire : le projet de David

Une vieille histoire va illustrer le rapport entre projet, technologie et apprentissage. David, faible et petit de taille devait posséder une zone de jet de pierre assez faible. Un jour, il doit affronter Goliath qui était fort et grand. À la force de leur jet respectif, David était d'avance perdant mais il usa d'astuce et se servit d'une fronde, ce qui augmenta sa zone et sa force de jet et fit de lui un vainqueur. La fronde est toujours rapportée dans ce récit comme un outil technologique qui amplifie les ressources du plus faible. La fronde projette plus loin, plus fort et brouille les attentes latentes. Depuis des millénaires, on loue David.

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Un défi en voie de réalisation

Le défi est de taille. Le téléapprentissage peut devenir un projet éducatif accessible et de grande vision si les zones classiques ou classes traditionnelles sont remises en cause et si des technologies astucieuses viennent s'ajouter à la force des intervenants. Plusieurs projets sont déjà en marche et tous sont conviés.

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Le dérangement, prélude au réarrangement

Enfin, les TIC sont un peu incontournables. Il va être difficile à l'école de demeurer de son temps en ignorant la culture de son temps. L'audiovisuel et l'informatique pédagogique de première génération sont souvent évoqués comme des générations d'échec en terme de renouvellement pédagogique. Est-ce que cette fois, ce sera la bonne? Si le renouveau n'est que technologique, ce ne sera pas non plus la bonne fois. Mais la masse critique d'innovations fait en sorte qu'il faudra bien trouver des approches pédagogiques qui dérangent structurellement le fonctionnement de la classe traditionnelle. Et le merveilleux pour cette génération, c'est de construire et structurer, dans une nouvelle architecture aux technologies raisonnées, l'école de demain.

Les technologies antérieures ont souvent réussi à modifier le panorama scolaire mais de manière subreptice. On parle actuellement de l'autoroute électronique en analogie avec les routes de jadis. Or voilà tout un ensemble technologique. Les moteurs à pistons ont donné les autos qui ont donné les routes, les banlieues. Ces moteurs ont aussi donné les autobus scolaires jaunes et les grandes écoles et les grandes foules d'élèves. Entre les écoles de rang et les polyvalentes, on retrouve un grand changement technologique. L'analogie risque de se répéter avec l'information en réseau et la communication entre communautés non réunies. Tout cela aussi risque de changer certains paramètres de l'éducation. Qu'est-ce qui va changer : les enseignants, les transports, les classes, les programmes, les rapports au savoir, les rapports sociaux? Il faut croire à de grands changements et les projets de téléapprentissage veulent en être les premiers témoins et les meilleurs guides.

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Une nouvelle voie d'apprentissage post-technologique

Tout l'ensemble du projet pédagogique comprend dorénavant une composante technologique importante d'une ampleur qui n'avait jamais été égalée en éducation. Même l'audiovisuel, qui nécessitait pourtant de l'appareillage en milieu scolaire, n'exigeait ni lien télématique ni postes individualisés d'apprentissage car c'était pour l'essentiel des médias qui prolongent ou appuient les activités ordinaires d'enseignement. À l'ère de l'informatique en réseau, le poids et la préoccupation technologiques sont encore plus importants mais ne doivent pas dominer le projet pédagogique dans son ensemble. C'est un défi de taille car pour bien des intervenants dans ce domaine, le simple fonctionnement des appareils et des réseaux sont déjà un gage d'accomplissement alors que ce n'est que la condition préalable à toute réalisation pédagogique. Malgré les apparences, le projet doit utiliser de la technologie mais ne pas reposer sur la technologie contrairement à ce que laisse voir la publicité et le développement commercial des info-routes. Faut-il le rappeler, tout le projet ne vise que l'apprentissage humain et toute technologie doit être centrée sur l'humain.

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Une nouvelle ère de médias et de technologies

L'apport technologique crée cependant un momentum qui va bien au-delà du simple fonctionnement des appareils et logiciels. En effet, pour la prochaine génération, tout le projet, et c'est ce qui le rend passionnant, consiste à ajuster la technologie qui se perfectionne encore aux besoins des apprenantes et des apprenants vivant dans une nouvelle ère de médias.

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Le livre et les nouvelles technologies

Le seul autre exemple que l'on connaisse, c'est celui de l'imprimerie et du livre (Le cinéma et la télévision n'ont pas engendré le même genre d'impact). En effet, on a mis cinquante ans à préciser la technologie du livre et son impact se fait encore sentir. Tout cela a servi à structurer les écoles et les universités, les curriculums et le reste du rapport au savoir. Nos institutions académiques ont d'ailleurs placé les livres dans le béton, ce sont les bibliothèques, et dans le dos des élèves, ce sont les sacs d'école. De nos jours et pour longtemps encore, toute approche intellectuelle et scientifique commence par de la documentation écrite : recettes de cuisine, étude scientifique, plan de cours et évidemment, fonctionnement des logiciels. Même Bill Gates, le milliardaire de Microsoft a publié des livres à côté des logiciels! Donc, le livre va demeurer mais de nouveaux médias tout aussi structurants se proposent et s'ajoutent.

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Une autre génération de changements : côté humain

Le projet dont on parle ici ne vise rien de moins que le processus de changement qui va conduire les humains et notamment les enseignants et enseignantes à de nouvelles façons d'aborder l'information et la connaissance. Et en ce sens, l'école va devoir tout intégrer, les médias traditionnels comme les nouveaux, en moins d'une génération, si l'histoire se répète. L'enseignant-pourvoyeur d'information va se muter face à l'apprenant qui va plutôt se sentir aidé dans son apprentissage par un enseignant-samaritain dont le rôle n'est pas encore totalement précisé. C'est là un objectif général de tout le projet de télé-apprentissage.

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Une autre génération de changements : côté information

L'information qui circule actuellement un peu sans règlements dans le cyber(e)space devrait conduire à une intelligence collective aux paramètres nouveaux (Lévy, 1995). Apprendre consisterait moins à se faire livrer de l'information qu'à prendre conscience des connexions qui existent pour soi entre toutes les informations disponibles. Tout le projet comprend cette dimension collective du tout à découvert, de l'instantané, du personnalisé, du connecté. Le projet c'est de faire sauter les couverts du livre et le défi, c'est de continuer à le faire lire.

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L'erreur de l'école automatisée

Deux sentiers d'erreurs guettent le projet des pédagogues. Le premier consisterait à technologiser seulement ce que l'enseignant fait déjà dans les structures scolaires actuelles. Parce que le traitement de textes automatise la plume, il ne faudrait pas croire, par simple transfert, qu'on peut automatiser le professeur traditionnel. C'est plutôt la voie d'un nouveau rapport à l'information et d'une nouvelle conception de l'apprentissage, basée sur les progrès réalisés en théorie de l'apprentissage, que le projet doit suivre. En ce temps de rénovation, parfois cette erreur peut se montrer séduisante pour un bon moment. La créature artificielle (entendons les logiciels) ou le professeur robot (entendons les didacticiels actuels) a toujours fasciné depuis Pygmalion et sa Galatée en statue.

Il faut se méfier des machines à enseigner qui risquent d'écraser l'élève plutôt que de le libérer. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le projet vise plutôt à "détechnologiser" l'enseignement traditionnel et à remettre le bricolage des connaissances personnelles entre les mains des apprenants et apprenantes avec les outils et les médias appropriés. Malgré les craintes énoncées, une nouvelle technologisation risque fort de se produire sous forme de gabarits et de formats de leçons, d'images, de textes et de scénarios. Cette automatisation doit être notée mais elle semble même souhaitable. En réalité, lorsque les technologies sont plus intellectuelles et plus intégrées, elles deviennent des ressources qui se proposent comme des protocoles qui exemptent de tout devoir redécouvrir à chaque fois. Tout comme la médecine parle maintenant de bon cholestérol, le projet va devoir parler de bonne technologie intellectuelle et éducative.

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L'erreur de la technopolie intégrale

Le deuxième sentier erroné reviendrait à dire que la technologie mène le monde dans une sorte de technopolie où la technologie s'imposerait à la culture et que le progrès commence par l'anéantissement des structures établies, nommément les structures scolaires. Les enseignants n'auraient plus leur place dans une école et chacun apprendrait ce qu'il veut chez lui ou ailleurs et quand il le veut. Or les humains les plus jeunes ont besoin de société pour leur première décennie d'apprentissage et les plus âgés ont besoin de pertinence pour leur apprentissage continuel. La formation professionnelle repose essentiellement sur ce rapport à la réalité de la vie que l'écran seul ne peut livrer tout comme la page en papier n'a jamais suffi à remplacer l'expérience personnelle. La technologie peut augmenter, les médias peuvent être omniprésents mais le projet éducatif vise précisément à leur laisser un rôle d'intermédiaires. Les médias sont puissants à proposer des informations mais leur puissance ne doit pas se muter en autorité, en vérité et en exclusivité. Si on dispose de nouvelles technologies il faut aussi disposer de nouvelles approches d'utilisation et surtout se munir de nouveaux critères d'acceptation ou de croyances de tout ce que la technologie propose. Or ce n'est pas le manuel de fonctionnement d'un logiciel qui va suggérer cette dimension. Il reste donc beaucoup de place pour les humains.

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Un pôle-média

En somme, le projet pour l'apprentissage vise l'atteinte d'un nouveau pôle média comme l'imprimerie en fut un. Les pôles médias comme l'oralité, l'écriture, l'imprimerie et le prochain qui n'a pas encore de nom ne se démodent pas. Les technologies passent mais les médias restent. Les technologies vont se succéder, devenir obsolètes mais une certaine stabilité média devrait être atteinte dans une génération si le modèle de l'imprimerie-livre est répété. Le projet est donc le processus qui de transformation en transformation conduit au nouveau pôle. Tous les enseignants et les futurs enseignants vont donc vivre la préoccupation-média du moins jusqu'à ce qu'on puisse prendre pour acquis les processus d'apprentissage qui sont à peine envisagés maintenant.

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Un éclatement assuré, une excellence souhaitée

Avec la technologie des réseaux, le projet va passer par une certaine déterritorialisation. Les meilleurs cours, les meilleures écoles, les meilleures informations vont être disponibles. Une nouvelle société académique va s'élaborer. Le savoir disponible va être mesuré au lit de Procuste mais par le côté de l'excellence si jamais quelque engin technologique peut détecter cela. Du côté de l'apprenant aussi le projet va proposer de nouvelles préoccupations relatives au dépassement, à l'excellence, à la pertinence et à l'interconnexion des savoirs. À notre époque encore, les divers sujets étudiés proposent des cases bien établies dans le curriculum. Tout comme les couverts du livre vont métaphoriquement éclater, les sujets d'études sont appelés à se décloisonner.

Le projet va lui-même se subdiviser et se concrétiser en projets spécifiques décrits par ailleurs qui vont faire de multiples trajets sinusoidaux entre les structures actuelles, les innovations disponibles, les théories d'apprentissage à pourvoir, les rôles éclatés des enseignants et des apprenants, la formation continue et à domicile. Tout cela dans un contexte technologique, économique, innovateur qui va vanter les vertus des nouvelles fonctionnalités tandis que le projet est essentiellement centré sur l'humain et son apprentissage.

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Projet des apprenantes et des apprenants

L'apprenante ou l'apprenant est aussi un être avec un projet, celui d'apprendre résolument ou celui de ne pas trop s'engager, voire de fournir le minimum d'effort. Il en va de sa motivation à apprendre et nombreux sont les facteurs qui entrent ici en ligne de compte. Lorsqu'orientées sur le projet d'apprendre ou un projet spécifique donné, sa curiosité, son attention ainsi que ses autres capacités intellectuelles deviennent au service de l'intention visée.

Les développements les plus récents en théorie de l'apprentissage soutiennent l'idée qu'apprendre implique beaucoup plus que de répondre à des stimuli externes ou que de traiter l'information comme peuvent aujourd'hui le faire les ordinateurs. Apprendre signifie aussi construire sur son expérience passée, sa compréhension d'une réalité donnée, de ses liens avec d'autres données, situations, etc. Cette vision de l'apprentissage est exigeante au plan pédagogique, mais une tradition d'excellence existe.

L'expérience des pédagogues est riche en projets multiples réalisés par des élèves qui furent habilement guidés. La pédagogie des Socrate, Dewey et Freinet et celle des nombreux enseignants et enseignantes qui s'en sont inspirés est un héritage précieux. Nombre de recherches en éducation ont aussi permis de mettre en évidence des pratiques efficaces favorisant l'atteinte d'attentes élevées.

Pour aider les pédagogues qui utilisent l'approche-projet à être efficaces, les façons de faire des "coaches", des gestionnaires de projets variés, de chefs d'équipe et autres sont une autre source de référence : savoir motiver une équipe, établir un contrat clair ou, encore, planifier l'usage du temps à être consacré à la réalisation d'un projet sont des habiletés importantes en gestion de projets (d'apprentissage).

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