La
communauté d'apprentissage
UN
GROUPE D'ÉLÉVES ET UN ÉDUCATEUR OU UNE ÉDUCATRICE
À
son stade élémentaire, une communauté d'apprentissage peut
ne compter que quelques élèves et un enseignant ou une enseignante.
Toutefois, on parlera avec plus d'à-propos d'une telle communauté
si elle comprend plusieurs équipes ou groupes qui échangent entre
eux sur les résultats de leur travail. En outre, la dynamique même
d'une communauté d'apprentissage appelle, quasi nécessairement,
à un stade ou l'autre de son évolution, un contact avec d'autres
communautés similaires. Avec la télématique, ce contact peut
avoir lieu en direct avec des communautés plus ou moins éloignées.
Le
personnel associé à une communauté d'apprentissage composée
avant tout d'élèves assume une responsabilité propre à
l'intérieur de cette communauté, mais il est aussi lui-même,
en toute fidélité avec sa pratique professionnelle, en état
d'apprentissage. Ce que chaque membre de ce personnel vit comme expérience
professionnelle et se pose comme interrogations à son sujet appelle le
partage et une recherche de solution avec des collègues, des gestionnaires,
des parents et, éventuellement, d'autres personnes (des responsables d'organismes
sociaux, des professeurs ou professeures en éducation, etc.).
LA
MAîTRISE DE CONNAISSANCES, D'HABILETÉS OU D'ATTITUDES
Avant
de dire un mot des conditions particulières que retient la définition
proposée en regard d'une réelle communauté d'apprentissage,
il s'impose de s'arrêter un moment sur la finalité qui constitue
sa raison d'être, à savoir la maîtrise de connaissances, d'habiletés
ou d'attitudes.
Concernant
la nature et l'ampleur des connaissances, des habiletés et des attitudes
qu'une communauté d'apprentissage est susceptible de maîtriser, il
n'existe pas de limites a priori. En pratique cependant, toute communauté
d'apprentissage doit composer avec certaines contraintes : des programmes d'études
bien déterminés, les acquis antérieurs des élèves,
la compétence et l'expérience du personnel professionnel associé
à la communauté, le temps et les outils d'apprentissage disponibles,
etc.
Les
connaissances en cause peuvent avoir comme objet aussi bien les lettres de l'alphabet
ou l'histoire de la musique que les principes de l'électronique ou les
conditions de logement de la population d'où proviennent les élèves.
Le terme "habileté" doit aussi être compris dans un sens
large; il inclut, bien sûr, des habiletés proprement intellectuelles
(capacité de poser un problème et d'imaginer une solution, de raisonner,
d'intégrer de nouveaux apprentissages, etc.), mais également, selon
les communautés d'apprentissage, des habiletés plus concrètes
en regard du développement de relations interpersonnelles, de l'adoption
de méthodes de travail, de l'opération de machines ou de l'exécution
de gestes corporels. Enfin, il est peut-être utile de rappeler que, nécessairement,
les attitudes dont fait état la définition d'une communauté
d'apprentissage s'enracinent dans des valeurs (l'honnêteté, la liberté,
la responsabilité, la vérité, le respect des autres, la solidarité,
etc.) et sont appelées à s'incarner dans des comportements qui couvrent
la vie de chaque personne dans sa totalité et durant toute sa durée.
Quant
à la maîtrise de ces connaissances, de ces habiletés et de
ces attitudes, elle peut être requise à divers degrés. Dans
certains cas (v.g. la connaissance de l'alphabet, la capacité d'effectuer
les opérations mathématiques de base ou l'habileté à
manier des produits dangereux), la seule maîtrise acceptable est la maîtrise
complète. Dans la plupart des cas, le degré de maîtrise requis
dépend de multiples facteurs : le genre d'apprentissages en cause, le besoin
que l'apprenant ou l'apprenante a de ces apprentissages pour en effectuer d'autres,
etc. L'évaluation du degré de maîtrise atteint exige, pour
sa part, des normes et des critères explicites, déterminés
à l'avance et appropriés à l'apprentissage considéré.
TROIS
CONDITIONS PARTICULIÈRES : UNE VISION COMMUNE, UNE VOLONTÉ COMMUNE
ET DU TEMPS
Une
communauté d'apprentissage se bâtit avec des personnes qui, dans
le domaine des connaissances, des habiletés et des attitudes, s'interrogent,
consultent, font des liens, assimilent, transposent, confrontent avec le réel,
tentent des applications et, ainsi, raffinent peu à peu leur compréhension
du monde et d'eux-mêmes et leur capacité d'action individuelle et
collective. Une telle entreprise, où l'activité principale consiste,
en somme, à apprendre, se situe dans le prolongement de besoins humains
fondamentaux, notamment le désir de connaître, de communiquer et
d'agir, mais elle exige aussi, pour se déployer effectivement dans le cadre
d'une communauté d'apprentissage, au moins les trois conditions suivantes
: une vision commune, une volonté commune et du temps.
La
vision retenue au point de départ et, par la suite, constamment révisée
et enrichie doit avoir comme base des valeurs et des principes clairement formulés,
de même qu'une perception tout aussi nette de leurs implications majeures.
Ces valeurs ou principes auront comme pôles autant la conception que l'on
a en tête lorsqu'on parle de communauté que celle que l'on se fait
de l'acte d'apprendre*. Si, tel que déjà signalé, l'apprentissage
constitue une finalité, la formation d'une communauté peut, quant
à elle, être considérée comme un moyen nécessaire
à cette fin. Dans les circonstances, on ne cherche pas, en effet, à
créer une communauté pour elle-même, mais on juge qu'elle
constitue la voie la plus apte pour favoriser un apprentissage authentique et
la formation optimale de tous les élèves.
Il
ne saurait y avoir de communauté d'apprentissage sans une volonté
commune, sans cesse réaffirmée, de tous ses membres de travailler
ensemble dans le sens de sa finalité et de la vision qu'elle s'est donnée.
Selon l'âge et la préparation des participants et des participantes,
cette volonté sera plus ou moins explicite; elle pourra, par exemple, se
manifester principalement à travers divers signes concrets tels que la
joie de se retrouver, l'enthousiasme dans la réalisation des activités,
une motivation soutenue, etc. Cette volonté sera d'autant plus ferme et
durable que tous les membres de la communauté auront eu l'occasion de faire
leurs la finalité et la vision de cette communauté, auront été
et seront associés aux décisions qui la touchent et seront considérés
comme des participantes et des participants à la fois différents
et égaux.
Enfin,
la formation d'une communauté d'apprentissage exige du temps. Ainsi, pour
qu'une telle communauté puisse fonctionner efficacement et harmonieusement,
ses membres doivent parvenir à une certaine connaissance les uns des autres,
élaborer ou assimiler, en les adaptant, une vision d'une communauté
et de l'apprentissage, pouvoir dégager, à la lumière d'une
certaine expérimentation, les implications concrètes de cette vision,
acquérir la volonté d'oeuvrer ensemble et, entre autres encore,
convenir de méthodes de travail et de règles de fonctionnement.
On songera donc à une communauté d'apprentissage pour une activité
de formation étalée sur un mois plutôt qu'une semaine et sur
quatre mois plutôt qu'un. On peut même imaginer, au primaire, des
communautés d'apprentissage dont la durée de vie serait de plusieurs
années (voir Newberg, 1995, p. 714 et Noddings, 1995, p. 679).
Le
concept de communauté d'apprentissage défini dans cette note implique
une organisation, l'intervention d'un personnel professionnel, un ensemble de
méthodes et de processus de travail et la disponibilité d'une gamme
de ressources et d'outils. Cependant, on se rappellera qu'une communauté
d'apprentissage ne se réduit pas à un mode particulier d'organisation
de l'enseignement, ne requiert pas nécessairement la présence d'un
certain nombre de personnes dans un même lieu et ne doit pas être
confondue avec quelque approche pédagogique que ce soit. On considérera
plutôt ce concept comme un point d'appui pour améliorer l'apprentissage
des élèves et renouveler en profondeur le projet éducatif
de l'école, ainsi que l'école elle-même. On pourrait aussi,
en termes plus imagés, envisager ce concept comme une métaphore
qui est de nature à métamorphoser aussi bien la vie quotidienne
de l'école que l'école dans sa globalité, de même que
la relation au savoir de toutes les personnes qui font partie du système
scolaire.
RÉFÉRENCES
NEWBERG,
NORMAN A. (1995)
Clusters
: Organizational Patterns for Caring. Phi Delta Kappan. Bloomington, Indiana :
Phi Delta Kappa. Volume 76, Number 9, May. P. 713-717.
NODDINGS,
NEL (1995)
Teaching
Themes of Care. Phi Delta Kappan. Bloomington, Indiana : Phi Delta Kappa. Volume
76, Number 9, May. P. 675-679.