Texte sur les fondements et les pistes de réponses se rattachant au cas de la perte de temps en raison de l'outil

Que ce soit dans une classe branchée ou dans une classe traditionnelle, un des défis à relever pour l'enseignant est d'obtenir un climat de classe favorisant l'apprentissage. Bien sûr, la gestion de ces deux environnements s'avère parfois différente. Dans l'une, l'ordinateur peut être source de distraction et dans l'autre, la gomme à effacer par exemple peut devenir un objet très divertissant pour certains élèves. Nous pouvons maintenant nous interroger à savoir quelle forme prend la perte de temps dans chacun des milieux et dans quel environnement sommes-nous le plus susceptibles d'en retrouver. Dans les lignes qui suivent, je vous invite à tirer profit de mon expérience dans ces deux types de classe. Il sera donc possible pour vous d'avoir un portrait démontrant bien les deux environnements.

 

Classe branchée

Dans la classe branchée, une des premières difficultés qu'on rencontre est de réussir à certains moments à séparer l'élève de son ordinateur. Pour l'élève, une journée sans ordinateur, c'est comme une journée sans soleil. Que ce soit pour une partie de la période ou une plus longue durée, les élèves ont beaucoup de difficulté à se passer de leur petit appareil. Même si on leur interdit d'ouvrir leur ordinateur portatif, c'est plus fort qu'eux, ils doivent l'ouvrir.

" Les élèves ont tellement hâte d'utiliser certains logiciels qu'ils ne prennent plus leurs autres tâches au sérieux. " (1)

Sans directive claire à ce sujet, il peut s'avérer très difficile pour l'enseignant d'avoir l'attention de tous les élèves lors de la transmission de consignes ou de connaissances. D'ailleurs, j'avais souvent l'impression de perdre plusieurs minutes en début de cours à rétablir l'ordre et à faire fermer les ordinateurs.

Devant un tel contexte, ma première réaction au début était souvent de revenir à un enseignement traditionnel. J'avais l'impression de passer beaucoup trop de temps à intervenir. Par ailleurs, je n'étais pas habitué de voir les élèves aussi actifs. Avec la responsabilité d'atteindre les objectifs du programme, je trouvais que les élèves ne progressaient pas toujours au rythme souhaité.

" L'expression " ambiance propice à l'apprentissage " évoque des images de l'" école réelle ". " (2)

En classe, je tentais donc de gérer le travail de tous les élèves. J'essayais de m'assurer que chacun soit à la tâche. Je peux vous assurer que ce n'était pas toujours facile. En plus d'être en équipe, les élèves avaient chacun un ordinateur leur donnant accès à toute l'information voulue. Comment voulez-vous être certain de la qualité du travail effectué par l'élève en classe ? Par un simple jeu de doigts, il est facile de passer d'un logiciel à un autre.

" Les élèves ne sont pas habitués à autant de liberté, et cela crée beaucoup de brouhaha. Les enseignants devront habituer assez tôt les élèves à une telle liberté. " (3)

Pour ma part, je pense effectivement qu'une plus grande liberté doit être accordée à l'apprenant. D'ailleurs, elle permet probablement de mieux répondre aux besoins de l'élève dans son apprentissage. On ne doit pas oublier que chaque élève apprend différemment.

" ...le profil physique, affectif, social et cognitif des enfants varie à l'infini. " (4)

On peut se demander alors quelle limite doit-on déterminer dans la gestion de notre classe ? Doit-on responsabiliser davantage les élèves dans leur apprentissage ? Doit-on les laisser libres de gérer leur temps de travail ?

" Beaucoup d'élèves peuvent apprendre de façon autonome, et beaucoup peuvent prendre la responsabilité de leur apprentissage. " (5)

À titre d'exemple, en mathématiques plusieurs me demandaient, au début de la présente année scolaire, la permission de faire leurs devoirs à l'ordinateur. Dans les premières semaines, je ne permettais pas que les devoirs soient faits à l'ordinateur. Afin de me justifier face aux élèves, je leur expliquais que cet appareil était un outil et qu'ils devaient en faire une utilisation intelligente. En d'autres mots, on l'utilise seulement s'il nous permet de faire le travail plus efficacement qu'à l'aide d'un papier et d'un crayon. Voyant que mon discours n'avait très peu d'influence sur l'attitude des jeunes, j'ai alors décidé de les laisser libres dans le choix d'utiliser ou non l'ordinateur lors des devoirs. En agissant de la sorte, j'ai eu l'impression de baisser les bras face à la situation. J'étais un peu craintif à l'idée de les laisser libres dans ce choix. Cependant, mon intention première était de les responsabiliser. Le fait de les laisser choisir était déjà une première étape dans cette démarche. Très rapidement, les élèves ont réalisé qu'ils mettaient beaucoup plus de temps à faire leur devoir à l'ordinateur. Depuis ce temps, je n'ai plus le besoin d'intervenir à ce sujet. Les jeunes ont tiré leurs propres conclusions de cette expérience.

En somme, je pense que l'engouement pour l'informatique est présent chez les jeunes. La question demeure maintenant à savoir si cet engouement est seulement de passage. La navigation parasite ou le travail en sous-marin est peut-être attribué qu'à un effet de nouveauté. Malgré tout, il devient alors très important pour l'enseignant d'offrir aux élèves des activités des plus signifiantes pour eux. Des activités signifiantes correspondent à des activités qui vont susciter l'intérêt et la motivation des jeunes tout en utilisant les outils appropriés.

 

" La différence n'est pas grande entre les exercices répétitifs exécutés à l'ordinateur et sur papier. " (6)

" Les nouvelles technologies de l'information offrent la possibilité de mettre en oeuvre de nouvelles méthodes d'enseignement au sein de la classe... Les sciences cognitives et les technologies éducatives permettent d'améliorer la productivité et l'efficacité de l'enseignement. " (7)


Classe traditionnelle

Suite à mon expérience dans la classe branchée, j'ai eu à enseigner les statistiques dans une classe régulière de secondaire un. Ayant déjà travaillé avec les élèves de la classe branchée cette partie de matière, l'expérience s'annonçait alors très intéressante. L'occasion était donc excellente pour moi d'analyser le fonctionnement des élèves dans ce type de classe.

Lors de la préparation de mes cours, j'avais attribué un peu moins de temps que dans la classe branchée pour couvrir la matière. Sans les contraintes dues à l'ordinateur, j'étais convaincu que la perte de temps était moins importante dans ce type de classe. Malgré mes espérances, j'ai pratiquement eu besoin d'autant de périodes que dans la classe branchée pour atteindre les objectifs visés.

" Paradoxalement, un certain nombre d'études démontrent que, au cours d'une journée scolaire, seules quelques minutes sont consacrées aux activités réelles d'apprentissage, et qu'une grande partie du temps est perdue en gestion de la classe et du fait de l'incapacité du professeur à s'occuper de tous les élèves en même temps. " (8)

À la limite, il est certain que j'aurais pu terminer l'itinéraire comme prévu dans ma première planification. Cependant, je sentais que les élèves ne suivaient pas toujours. Après vingt minutes, les élèves étaient déjà moins concentrés. On peut penser à des élèves qui s'amusent à lancer des effaces, à écrire des petits mots à leur amis ou à rêver à la fin du cours.

Face à une telle situation, ma solution a été d'impliquer davantage les élèves. Très souvent j'invitais des élèves à venir en avant de la classe. Au début, j'étais convaincu qu'ils aimeraient mieux attendre passivement l'information. À ma grande surprise, plusieurs me demandaient la permission d'aller au tableau. Fait intéressant, ils trouvaient très enrichissant de mettre à profit leurs façons de faire aux autres élèves de la classe, de même que leurs erreurs. Pour ma part, mon rôle consistait davantage à les guider et parfois à commenter pour assurer une certaine rigueur mathématique. En somme, je suis convaincu de l'importance d'impliquer l'élève afin de favoriser sa motivation à apprendre.

Finalement, une des grandes différences entre la classe traditionnelle et la classe branchée est que l'enseignant a l'impression d'avoir un plus grand contrôle sur le déroulement de la période. Il peut avoir le sentiment de bien couvrir une partie matière dans un temps voulu. D'ailleurs, il peut sortir de la classe en étant certain de l'avoir enseigné ou de l'avoir dit au moins une fois. Cependant, répond-t-il aux véritables besoins de l'apprenant ? Malheureusement, pour certains, il est beaucoup plus rassurant de procéder ainsi que d'accorder une plus grande responsabilité à l'élève dans son apprentissage.


(1) Sandholtz, J. H., Ringstaff, C. et Dwyer, D. C. La classe branchée, Chenelière / McGraw-Hill, 1997, p.102.

(2) Idem, p.22.

(3) Idem, p.25.

(4) Idem, p.36.

(5) Idem, p.30.

(6) Idem, p.105.

(7) Document REPARTIR de l'AQUOPS, p.78

(8) Sandholtz, J. H., Ringstaff, C. et Dwyer, D. C. La classe branchée, Chenelière / McGraw-Hill, 1997, p.77.