Le citoyen actif et le citoyen responsable

Traditionnellement, la vision que nous avons d'un citoyen actif est celle de l'individu participant aux décisions et aux différents débats publics qui se tiennent dans les lieux où la vie collective prend forme. Et cette vie collective s'articule à plusieurs niveaux : les assemblées de cartier, les assemblées municipales, où les dossiers relatifs aux communautés plus précisément sont discutés et débattus; les assemblées de comtés, où le champs s'élargit à un ensemble de communautés sur un territoire donné (comté); l'assemblée nationale, où différents représentants des comtés discutent tous ensembles des décisions prises aux différents niveaux inférieurs. Et cette vision de notre vie collective, en ce qui a trait à la définition que l'on se donne du citoyen actif, est bien plus une affaire d'obligation que de responsabilité.

Dès que l'on parle d'obligation, la majeure partie des individus qui forment la collectivité ou l'espace civique se défilent. Parce que nous sommes maintenant à une époque où les gens ne veulent plus se voir imposer quelconque chose, quelconque action à laquelle ils ne s'identifient pas. Ce n'est pas pour rien que les assemblées de cartier et les assemblées municipales sont vides. Bien sûr, plusieurs personnes y participent, mais s'il y avait vraiment un véritable effort collectif de participation à ces assemblées, il faudrait qu'elles se tiennent dans les plus grandes salles municipales, et non dans les sous-sols d'églises ou dans les bureaux des hôtels de ville. Cette vision traditionnelle du citoyen actif ne correspond plus à ce que nous entendons maintenant par citoyenneté. Nous devrions maintenant parler plutôt de citoyen responsable.

Le seul fait de participer aux affaires publiques ne développe pas nécessairement le sens de la responsabilité, de la tolérance, le souci du bien collectif ou de la solidarité, qui sont autant de vertus attendues du citoyen responsable (CSE, 1998). Des personnes peuvent être très actives dans des regroupements locaux ou nationaux mais être racistes, centrées sur leurs besoins personnels et indifférentes aux problèmes mondiaux (CSE, 1998). Il faut donc en venir à une conceptualisation qui tend plus vers la responsabilité collective que vers la participation active lorsque l'on parle d'un citoyen qui joue pleinement son rôle dans la collectivité.

Évidemment, il ne faut pas cesser de participer aux affaires publiques, loin de là, puisque c'est une des formes de démocratie qui nous est encore permise de pratiquer. En fait, plus de gens devraient participer à cette vie communautaire, où d'importantes décisions sont prises en ce qui a trait à la politique municipale et régionale. On entend souvent des gens dire qu'ils ne sont pas écoutés, que leurs véritables revendications ne sont pas prises en compte. Mais est-ce que nous voyons ces gens aux différentes assemblées municipales et régionales ? Toutefois, tant que les gens verront la participation aux affaires publiques comme une obligation, le problème demeurera bien présent. Nous devons donc en venir à une fusion de ces deux dimensions de la citoyenneté que sont la participation et la responsabilité. Être actif pour sa propre communauté tout en étant conscient et respectueux des autres communautés qui nous entourent, autant de près que de loin, voilà la définition que nous devons maintenant avoir du citoyen actif et responsable.

Par Guillaume Bouillon

Source :

Conseil Supérieur de l'Éducation, 1998. Éduquer à la citoyenneté, Bibliothèque nationale du Québec, 110p.