La démocratisation du luxe

Nous vivons dans un monde matérialiste, où tous semblent avides de consommation. Les penseurs ont des façons différentes d'aborder ce phénomène qui caractérisent les sociétés modernes, rapportent deux articles du New York Times, repris dans La Presse du 31 juillet 2002, " Plaisir ou péché, L'attrait du luxe " et " Gaspiller ou se faire plaisir? ".

Pour Robert Frank, auteur du livre Luxury Fever, dépenser pour le luxe, cela signifie aussi beaucoup de gaspillage. " Au lieu de construire des routes plus sûres ou d'investir dans le réseau de la santé, on choisit de dépenser pour des diamants encore plus gros et des autos de plus en plus rapides ", déplore-t-il.

James Twitchell, auteur du livre Living it Up : Our Love Affair with Luxury, n'est pas du tout d'accord avec lui. " Bien sûr, acheter des biens luxueux superflus, c'est unidimensionnel, superficiel, superflu. Mais c'est aussi étrangement démocratique […]. Le Village Global, ce n'est pas le Klondike ou la Terre Promise. Encore moins ce que les millénaristes utopistes avaient en tête. Mais ça se rapproche plus d'une distribution équitable que n'importe quel autre système ", écrit-il dans son livre. Une distribution équitable, comment? " La clé du luxe moderne, c'est que la plupart d'entre nous peuvent en profiter ", dit-il.

M. Twitchell n'est pas le seul à défendre ce point de vue controversé qui fait tomber bien des idéaux. Gary Cross, historien à l'Université publique de la Pennsylvanie, affirme que " la culture de consommation, en un sens, est devenue le meilleur accomplissement de la démocratie parce qu'elle apporte la signification et la dignité là où l'emploi, la solidarité ethnique et même la démocratie représentative ont échoué ".

" Les récessions passent, mais la consommation reste ", ajoute M. Twitchell. En fait, avec la démocratisation du luxe, le capitalisme n'est pas prêt de s'effondrer : les gens travaillent plus qu'avant dans l'espoir de pouvoir dépenser encore davantage, écrit le New York Times. La consommation est seulement une façon que les gens ont trouvé pour s'inventer une vie qu'ils n'ont pas, mais qu'ils voudraient bien avoir, un façon de se donner un statut dans une société de plus en plus individualiste, souligne-t-on.

Des affirmations qui ont de quoi faire réfléchir bien des gens sur leurs habitudes de consommation. En fait, il ne s'agit pas de cesser de consommer du jour au lendemain (d'ailleurs, il faut bien reconnaître que ce serait pratiquement impossible), mais plutôt de faire des choix réfléchis au moment où nous consommons. Pourquoi dépensons-nous notre argent pour tel produit plutôt que pour tel autre? Qu'est-ce qui nous motive dans notre achat? Voulons-nous simplement faire " comme tout le monde "?

Par Martine Rioux