La démocratie en trois actes

Lorsque l'on songe au terme démocratie, l'image de l'Acropole d'Athènes nous revient souvent en tête, avec un groupe d'hommes en toges blanches discutant d'une foule de sujets touchant autant l'aspect matériel que spirituel de leur existence. Nous faisons évidemment référence à la forme de démocratie la plus pure, à sa forme historique, soit celle qui accorde aux citoyens la possibilité de participer directement à la prise de décision. Aujourd'hui, les hommes en toges blanches sont remplacés par des hommes et des femmes en tenues de ville, ils se regroupent dans des endroits tout aussi majestueux et plus souvent qu'autrement, ils discutent de l'aspect matériel, et non spirituel, de leur existence et celle des gens qu'ils représentent.

L'image que nous avons maintenant de la démocratie renvoie à ce que Bengoa (1996) décrit comme la démocratie " formelle ", son premier niveau de manifestation. La démocratie formelle, qui légitime les partis politiques, repose sur le droit de vote pour tous, sur la liberté d'expression et sur la division des pouvoirs. En ce sens, Finn et Gandal (1992) affirment que c'est un système de gouvernement autonome où les citoyens sont égaux et où les décisions politiques sont prises à la majorité, sans porter préjudice aux droits des minorités. Toutefois, les sociétés contemporaines étant devenues si complexes et si puissantes, il est devenu beaucoup plus simple pour les citoyens d'élire des représentants qui gouvernent et prennent les décisions à leur place.

Nous passons alors au deuxième niveau de manifestation de la démocratie que décrit Bengoa (1996), soit celui de la démocratie " fondamentale ", qui fonde l'action de l'État sur la redistribution des richesses et qui implique l'égalité d'accès à l'éducation, à la santé et à la culture. Cependant, Finn et Gandal (1992) posent certaines réserves : si la démocratie peut échouer lorsque le gouvernement détient trop de pouvoir, elle peut également tourner court si celui-ci ne dispose que d'un pouvoir restreint. En effet, les deux auteurs affirment que tout processus démocratique repose sur le loyalisme, et non sur la passivité ou l'anarchie, que le leadership des responsables politiques est indispensable à la bonne marche d'un gouvernement démocratique et que les citoyens qui les élisent doivent respecter les décisions qu'ils prennent et les lois qu'ils votent. Dans ce dernier cas, il est cependant normal de porter un certain jugement à savoir si ces lois ne briment aucun droit fondamental.

Le troisième et dernier niveau de manifestation de la démocratie décrit par Bengoa (1996) est celui de la démocratie " substantielle ", qu'investissent les individus en particulier ou sous forme de mouvements sociaux et qui militent pour le partage équitable de la production sociale et le renforcement de la société civile. Finn et Gandal (1992) vont plus loin en affirmant que les citoyens d'une démocratie sont censés participer à la vie politique de leur société et influer sur le débat public en votant afin de se faire représenter au sein du gouvernement, en s'affiliant à des partis politiques, à des syndicats et autres organismes similaires, en siégeant dans des jurys lors de procès civils ou criminels, et même en briguant des fonctions publiques.

Pour que la participation à la vie démocratique en trois actes soit des plus efficaces, les citoyens doivent se tenir à l'affût des problèmes qui touchent leur communauté en particulier et la société en générale. Ils doivent aussi être en mesure d'évaluer l'importance de leurs valeurs et intérêts personnels et collectifs en lien avec le souci du bien public. Il faut savoir admettre la controverse, être capable de faire des compromis, de coopérer, de respecter les lois et ceux que l'on désigne en position d'autorité. Il ne faudrait surtout pas oublier que la propriété et la vie privée sont deux intouchables lorsque l'on parle de démocratie. Bref, plus qu'un régime politique, la démocratie est une façon de vivre et de travailler ensemble. Et comme le disent si bien Finn et Gandal (1992), ce n'est que lorsque les citoyens font face à ces responsabilités multiples que les droits et les avantages inhérents à la démocratie prennent tout leur sens.

Par Guillaume Bouillon

Sources :
José Bengoa, 1996. L'éducation pour les mouvements sociaux, Antipodes, série outils pédagogiques n° 1, 17 pages.
Matthew Gandal et Chester Finn, 1992. L'enseignement de la démocratie, à : http://www.civnet.org/civitas/africa/finn/newfinn3.htm