Bibliographie introductive

 

Au fil de la dernière décennie, de nouveaux concepts sont apparus dans le domaine de la gestion organisationnelle : gestion des connaissances, capital intellectuel, vision partagée, résolution de problèmes en réseau, mémoire archivée, intelligence collective. Tous renvoient à la notion de communauté de pratique qui apparaît au début de la décennie de 1990, avec la publication de la recherche de John Seely Brown (Brown et Duguid, 1991; Brown et Gray, 1995; Brown et Duguid, 2000), sur les réparateurs de photocopieurs, à l'emploi de Xerox (Orr, 1996). L'un de ces constats était que l'information stratégique, celle génératrice de sens et de significations par rapport à la pratique de réparer des photocopieurs, se communiquait de façon informelle entre les employés. Le savoir tacite, issu de la connaissance et de l'expérience, était acquis à l'extérieur des salles de cours utilisées pour donner la formation initiale ou les séances de perfectionnement. Une véritable construction des connaissances se déroulait près de la photocopieuse ou de la fontaine, à quelques pas, quelquefois, du lieu où on entraînait formellement et méthodiquement les réparateurs de photocopieurs.

Sensiblement à la même époque, Jane Lave et Etienne Wenger (Lave et Wenger, 1990) publiaient une étude phare sur l'importance de l'accompagnement et de l'encadrement requis à l'apprentissage d'une pratique professionnelle. Un concept régénérateur, celui de la participation légitime périphérique PLP/LPP (legitimate peripheral participation), démontrait que tout aspirant à une pratique professionnelle devait transiter par des zones d'incubation lui permettant d'expérimenter graduellement diverses facettes d'une pratique avant d'être considéré comme un professionnel. Tout le courant " situationniste " ou "contextualiste", développé par la suite, a insisté sur ce contexte signifiant de l'apprentissage situé (situated learning). Dans un environnement se rapprochant le plus d'une réalité professionnelle, le novice était plus apte à acquérir les connaissances, les habiletés, les attitudes requises à l'exercice d'une pratique.

Cette approche de l'apprentissage situé se conjugait très bien à celle favorisant le développement d'une résolution de problèmes dans un contexte particulier et par rapport à un domaine donné (problem-based learning et anchored instruction). L'initiation à une pratique professionnelle trouvait formellement tout son sens. De là, l'investigation plus complète faite par Wenger (1998), à partir du milieu des années 1990. Selon cet auteur, la pratique, comme l'apprentissage et le travail, étaient intimement reliées à des processus générateurs de sens et de significations négociées en coopération et en collaboration. L'autre, l'enseignant et le pair, le superviseur et le collègue, devenait une partie intégrante des processus, car tous ces acteurs contribuaient ensemble à la résolution d'un cas, d'une question ou d'un problème lié à une pratique définie, elle-même assujettie, dans le temps, à un échéancier prédéterminé.

Cette approche interpellante s'est poursuivie, en parallèle, avec les travaux de Thomas Davenport et Larry Prusak (Davenport et Prusak, 1997; Davenport et Prusak, 1998). Identifiées au courant de la gestion des connaissances au sein des organisations (knowledge management), leurs recherches ont montré qu'une organisation devenait collectivement plus " intelligente " lorsqu'elle était capable de mettre quotidiennement en réseau tous les acteurs d'une pratique définie pour qu'ils gèrent, partagent, construisent et produisent, dans un échéancier prescrit, des informations et des connaissances favorisant des résolutions de problèmes se voulant plus efficaces et plus innovatrices.

La ligne démarquante de la frontière entre l’apprentissage académique, dispensé par une institution, et le perfectionnement professionnel se déroulant dans une organisation, devient de plus en plus tenue. Dans les deux contextes, il sera toujours question d’apprentissage et de travail en coopération et en collaboration, peu importe que l’on soit en face-à-face et/ou en ligne. Les technologies de l’information et des communications (TIC) et la mise en réseau au moyen d'ordinateurs interconnectés modifient toutefois certains paramètres en termes d’accessibilité, de flexibilité et de mise en commun de ressources.

Malgré de nombreuses publications traitant du sujet, les notions de communauté et de pratique demeurent encore à être investies de façon plus approfondie. Aussi commence-t-on à peine à diffuser les résultats de recherches pour les appliquer au monde de l’éducation et à celui des organisations. Bien sûr, toute cette documentation, la plupart du temps accessible en ligne, est rédigée en anglais. À ce jour, il existe malheureusement peu ou pas de documents édités en français.

Notre intention est de subdiviser cette bibliographie, que l’on désire annoter ultérieurement, en deux domaines principaux. Un premier se circonscrit aux approches et aux applications éducatives; un deuxième recense la documentation sur la gestion des connaissances et le développement de communautés de pratique à l’intérieur des organisations.

 

 

Approches et applications en éducation

 

Approches et applications en formation